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#08 – Peut-on repoétiser l’eau ?

proposée par Amandine Rabier

Diffusée le 17 avril 2022


#08 – Peut-on repoétiser l’eau ?
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Kim Tschang-Yeul, Goutte d’eau sur sable, 1974, coll. Particulière.

Contexte

Aujourd’hui je reçois le philosophe et mathématicien, Olivier Rey mais avant, une petite histoire…

Peut-être connaissez-vous le peintre Kim Tschang Yeul. Né dans un petit village de l’actuelle Corée du Nord, il sert comme soldat durant les conflits sino-japonnais de la deuxième guerre mondiale et reste profondément marqué par les atrocités auxquelles il assiste. Dans les années 60, après un détour par New-York, il arrive à Paris où il cherche encore sa voie artistique. Il raconte qu’une nuit, dans son atelier, pour apaiser un réveil angoissé, il pose une de ses toiles à l’envers pour y jeter de l’eau qui se répartit en d’innombrables gouttes. Il voit alors se créer un tableau. Le phénomène est, pour lui, si étonnant qu’il se met à peindre ces gouttes d’eau. Pendant 50 ans, il ne peindra plus que cela. Des gouttes d’eau. Des gouttes ovales, rondes, molles, colorées, monochromes, des gouttes joyeuses, naïves, réalistes, abstraites, des larmes aussi. Des gouttes d’eau pour laver sa mémoire des images obsédantes de guerres, de cadavres, de corps chancelants, d’amis déchiquetés sous ses yeux par des obus. Des gouttes d’eau pour se laver de cette violence et remplacer d’urgence les ténèbres par la vie. Bachelard dit qu’ « une goutte d’eau puissante suffit pour créer un monde et pour dissoudre la nuit. L’eau ainsi dynamisée, poursuit-il, est un germe ; elle donne à la vie un essor inépuisable ». Kim Tchang Yeul utilisait l’eau comme une consolation, pour réparer son âme.

Mais comment appliquer la réciproque ? C’est aujourd’hui l’eau qui est menacée. En tant que ressource naturelle bien sûr, mais également dans sa dimension poétique, selon notre invité. L’eau réduite, dans sa définition, à sa formule chimique aurait été « dépoétisée » dirait Bachelard. Quelles conséquences cette « dépoétisation » a-t-elle sur nos vies ? Comment réparer l’eau ? Et comment l’art peut-il devenir un des outils de cette réparation ?

Loin du simple manuel écologique, l’ouvrage de notre invité, montre comment la science moderne a petit à petit vidé l’eau de sa substance symbolique et imaginaire. Réhabiliter l’aura de cet imaginaire donc, pour rendre sa dignité à l’eau, « renouer avec des parts de nous-même auxquelles nous avons perdu accès » c’est tout l’enjeu de l’ouvrage de notre invité.
 
 
 
 

En plateau

Olivier Rey, philosophe et mathématicien, chercheur au CNRS, enseignant à l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne, vient nous parler de son dernier ouvrage, Réparer l’eau, publié chez Stock en 2021.

À l’écoute

  • Daniel Arasse, « Perspectives de Léonard de Vinci », Histoires de peintures, enregistrement France Culture en 2003.
  • le choix musical de notre invité : Romain Didier, Julie La Loire.
  • Daniel Arasse, « La Joconde », Histoires de peintures, enregistrement France Culture en 2003.
Vous pouvez retrouver les textes des enregistrements de Daniel Arasse réunis dans Histoires de peintures, collection folio essai, ed. Gallimard.
La musique Opening, extrait de Glassworks, de Philip Glass accompagne la voix de Daniel Arasse.

Réalisation

Stéphane Dujardin



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