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#04 – …Et la lumière se fit sur les femmes artistes ! (1780-1830)

proposée par Amandine Rabier

Diffusée le 23 mai 2021


#04 – …Et la lumière se fit sur les femmes artistes ! (1780-1830)
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Aujourd’hui je reçois Martine Lacas, Docteure en histoire et théorie de l’art et Séverine Sofio Sociologue et chercheure au CNRS pour discuter ensemble des femmes artistes en écho à l’exposition qui se tient au Musée du Luxembourg jusqu’au 4 juillet 2021.

Contexte

Mais avant :

Observez ou imaginez. Nous sommes en Angleterre, à Londres, à la fin du XVIIIe siècle, en 1772 exactement.

Johan Zoffany, portraitiste reconnu, s’amuse à représenter les membres de son institution, la Royal Academy, à l’occasion d’une séance de modèle vivant. Dans la salle d’atelier, l’assemblée est entièrement composée d’hommes. Angelica Kauffmann et Mary Moser, qui appartiennent pourtant aux membres fondateurs de la Royal Academy, ne sont pas représentées dans cette scène. Pas représentées… Pardon c’est inexact. Zoffany est plus subtil que cela. En s’approchant d’un peu plus près, on aperçoit effectivement les deux académiciennes, mais de manière métonymique : elles sont représentées par leur portraits accrochés en hauteur sur le mur de droite de la salle de dessin.

Dans cette scène recomposée par Zoffany, les peintres échangent entre eux, en observant particulièrement l’un des deux modèles nus, celui de l’arrière-plan, dont le geste est guidé par l’un des académiciens. Tous débâtent de la posture du modèle. Certains scrutent : ils examinent à distance ou discutent en aparté. D’autres, circonspects, touchent leur menton en signe de profonde réflexion. Tous paraissent très concernés par le débat que suscite la mise en scène de la posture du modèle masculin.

Les deux femmes, Angelica Kauffman et Mary Moser, quant à elles, malgré leur statut d’académicienne, leur appartenance à l’institution, n’ont, dans ce contexte, pas droit de citer. Elles ne participent pas aux débats, elles sont physiquement absentes. Seule leur image nous est donnée à voir : un profil, celui de Mary Moser et un visage de ¾, celui d’Angelica Kauffmann. Bien sûr, à l’époque, elles sont reconnaissables par chacun des spectateurs qui s’arrêtera devant cette toile. Et c’est là tout le paradoxe : elles sont respectées, reconnues tout en restant parfois exclues. Elles sont là sans l’être. Réduites, pour l’occasion, à une forme décorative, leurs portraits accrochés parmi des bas-reliefs et autres copies en argile sur les murs de la salle d’atelier.

Ce traitement de défaveur, les deux peintres le doivent à leur statut de femme qui les empêche, pour des raisons de convenances, d’avoir accès aux cours d’après nature. Par ce portrait de l’institution académique et de leurs membres, Zoffany montre (sans nécessairement le vouloir d’ailleurs) toute la complexité et le paradoxe dans l’établissement du statut de la femme artiste au tournant du XVIIIe et  XIXe siècle. Période décisive, nous allons le voir, où la lumière se fit sur les femmes artistes.

En plateau (virtuel)

Martine Lacas, Docteure en histoire et théorie de l’art et commissaire de l’exposition au Musée du Luxembourg à Paris, intitulée : Peintres Femmes 1780-1830, Naissance d’un combat. Voir également le catalogue de l’exposition : Martine Lacas (dir.), Peintres femmes – 1780-1830 – Naissance d’un combat, Éditions Rmn – Grand Palais, 2021.

Severine Sofio, chargée de recherche au CNRS et notamment autrice de l’ouvrage : Artistes femmes, La parenthèse enchantée xviii-xixe siècles, paru en 2016, aux éditions du CNRS.

Œuvre évoquée en introduction :

Mason Jakson d’après Johan Zoffany, Portraits des premiers fondateurs de l’Académie Anglaise des Beaux-Arts (Portraits of the founding members of the Royal Academy of Arts, London), issu de “L’Univers Illustré” Octobre 2, 1862, Gravure sur bois, 23.5 × 34.5 cm, Metropolitan Museum, New-York.

Portrait des premiers fondateurs de l’Académie anglaise des beaux-arts, d’après le tableau de Zoffany

Lien vers le tableau

À l’oreille

Aretha Franklin, Respect (1967)
Lisa Ekdahl, Now or Never, (Album Back to Earth, 1998)

Réalisation : Stéphane Dujardin


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