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#23 – Les guerres irrégulières

proposée par Isabelle Kortian

Diffusée le 23 mars 2020


#23 – Les guerres irrégulières
Le monde en questions

 
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En plateau :

Chercheur au Centre des études de sécurité à l’Institut français des relations internationales (IFRI), spécialiste des relations internationales et de sécurité internationale, Elie Tenenbaum travaille en particulier sur la guerre irrégulière, sur la problématique des interventions militaires et des opérations extérieures. Il est l’auteur de Partisans et centurions, une histoire de la guerre irrégulière au XXème siècle (Perrin).

Contexte :

Opposée à notre représentation classique de la guerre dite régulière, la guerre irrégulière ou « guerre de l’ombre » recouvre des champs aussi vastes que celui de la subversion, de la guérilla, de la guerre psychologique ou de la guerre révolutionnaire. Elle oppose la figure du partisan à celle du centurion. Confronté à un rapport de forces a priori défavorable sur le terrain, le partisan ne porte pas l’uniforme contrairement au soldat d’une armée régulière constituée par l’État, il bouleverse les frontières entre civils et militaires, le front et l’arrière, il évolue dans un contexte qui n’est pas celui de règles et procédures militaires codifiées par le droit international (Conventions de Genève, etc.), même s’il est tenu, s’il veut gagner, à une discipline de fer, en obéissant aux règles de la clandestinité et à un code moral, un code de l’honneur (ne pas parler sous la torture, se comporter parmi la population de manière à les rallier à sa cause et obtenir son soutien de plus en plus massif).

La guerre de l’ombre, longtemps en marge des pratiques militaires occidentales, fut réintroduite lors de la Seconde guerre mondiale par la Grande-Bretagne se trouvant, pour un temps, seule à combattre l’Allemagne nazie, consécutivement à l’invasion de la Belgique et la défaite de l’armée française, en moins de six semaines, en juin 1940. La Résistance française, organisée en réseaux, prit la relève et mena la guerre de l’ombre contre l’occupant nazi (depuis Londres et en France dans les villes et les maquis, tenus soit par les Forces françaises libres (FFL) ralliées au Général De Gaulle soit par les Francs-Tireurs et Partisans (FTP), crées par le Parti communiste français, sans oublier le rôle des combattants FTP de la M.O.I., (la M.O.I. ou main d’œuvre immigrée qui regroupait dès les années 1920 les immigrés communistes trouvant refuge en France, et fuyant répression politique et/ou xénophobe et persécutions antisémites en Europe).

Après la victoire des Alliés contre le nazisme, avec l’avènement de la Guerre froide et dans le cadre de la décolonisation, les Alliés, jadis partisans dans la guerre de l’ombre qu’ils menèrent contre l’occupant nazi, jouent désormais en Europe, en Asie et dans l’ensemble du Tiers-monde, le rôle de centurions. Ils se battent loin de chez eux contre des troupes irrégulières qui veulent l’indépendance ou la réunification de leur pays. Ainsi, la France en Indochine, puis les États-Unis lors de la guerre du Vietnam. Plus tard, en 1979, l’Union soviétique envahissant l’Afghanistan, est confrontée à la résistance de divers groupes rebelles, soutenus par le Pakistan et les États-Unis, avant de se retirer du pays, dix ans plus tard. Après le 11 septembre 2001, les États-Unis, soutenus par une coalition internationale, déclarant la guerre au terrorisme, chasseront du pouvoir les Talibans à Kaboul, pour finalement signer, près de deux décennies plus tard, un accord de paix les réinstallant de facto au pouvoir en 2020 mais permettant le retrait des troupes américaines de la zone.

Force est de constater que depuis 1945 et la charte de l’ONU qui oblige les États membres de la communauté internationale à régler pacifiquement leurs différends, la conflictualité n’a pas disparu pour autant. Mais, ce qu’on appelait « guerre régulière » a pour ainsi dire laissé la place à une multiplicité de guerres irrégulières qui n’ont pas cessé après la fin de la Guerre froide. A l’exception peut-être de la Première guerre du Golfe, en 1991, aucun conflit ne rentre dans la catégorie de « la guerre régulière ». Quelles sont les conséquences de cette mutation ? Sur le terrain et sur nos perceptions et représentations de la paix et de la guerre ?

À l’oreille :

  • Le chant des Partisans, paroles de Joseph Kessel et Maurice Druon, composition d’Anna Marly et chanté pour la première fois, le 31 mai 1943, à Londres, par Germaine Sablon.
    Cet air, sifflé, pour éviter le brouillage des Allemands, devient l’indicatif de l’émission « Honneur et Patrie, diffusée de mai 43 à mai 44, sur la BBC, Radio Londres, et en France l’hymne de la Résistance. Le chant des Partisans retentit lors du transfert des cendres de Jean Moulin du Père-Lachaise au Panthéon, après le vibrant hommage que rendit André Malraux à cette grande figure de la Résistance.
  • Lyndon Johnson told the Nation, de Tom Paxton: une très belle « protest song » contre la guerre du Vietnam, qui s’attaque à l’argumentaire du Président Johnson, avec cette fameuse rime : « Though it isn’t really war/We’re sending fifty thousand more/To help save Vietnam from Vietnamese»
  • Bache Kaboul, d’Aryana Sayeed, la première chanteuse non voilée de l’histoire du pays, menacée de mort par les Talibans et symbole d’une jeunesse afghane en pleine mutation. Véritable succès populaire en Afghanistan.

Pour aller plus loin :

  • Elie Tenenbaum, Partisans et centurions, une histoire de la guerre irrégulière au XXème siècle, 2018, éditions Perrin. Préface de Gérard Chaliand.
    Ce livre, qui reçut le Prix Emile Perreau-Saussine et le Prix Mondes en paix, mondes en guerre, est dédié par l’auteur à la mémoire de son grand-père, Henri Jablon, dit « Claude », Franc-Tireur et partisan de la M.O.I.
  • Et :
  • Gérard Chaliand, Pourquoi perd-on la guerre ? Éditions Odile Jacob poches, 2017. Prix du Maréchal Foch de l’Académie française.


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