#14 – Alaa El Aswany
proposée par Isabelle Kortian
Diffusée le 9 décembre 2019
Avec Alaa El Aswany
Résumé :
Il ne peut écrire sans écouter Oum Kalthoum ou Edith Piaf. Et cela donne une assez bonne idée non seulement de ses deux amours, son pays et Paris, mais aussi de l’exigence d’Alaa El Aswany vis de sa propre écriture et vis à vis de ses personnages de roman sculptés à l’aune de deux voix sublimes.
Le plus célèbre des écrivains égyptiens ne vit plus au Caire, mais à New-York, depuis que le Parquet général militaire a porté plainte, en mars 2019, contre lui pour insultes contre le « Président, les forces armées et les institutions judiciaires égyptiens ».
En cause, ses articles critiques publiés en arabe sur Deutsche Welle et son dernier roman sorti fin 2018, J’ai couru vers le Nil (Actes Sud), dont l’action se déroule Place Tahrir, en 2011, pendant ces journées révolutionnaires qui chassèrent Hosni Moubarak du pouvoir et dans la ferveur desquelles le mot peuple, soudain, n’était plus une abstraction. Le roman polyphonique mettant en scène riches et pauvres, privilégiés, démunis, arrivistes, héros et bourreaux, hypocrisie religieuse, tractations entre l’armée et les islamistes, exactions du régime, est interdit en Égypte et dans le monde arabe, à l’exception du Liban, de la Tunisie et du Maroc.
Pendant longtemps le succès planétaire de L’immeuble Yacoubian a protégé le romancier. Ce n’est plus le cas désormais. Depuis 2014, Alaa El Aswany, militant engagé en faveur de la démocratie et de la justice, qui, en 2011 par exemple, organisait chaque jour un point presse pour les journalistes notamment étrangers suivant les événements de la place Tahrir, ne peut plus chroniquer dans les journaux égyptiens comme il le faisait auparavant régulièrement. Il ne peut plus paraître à la télévision et même le séminaire de littérature qu’il animait depuis 20 ans est interdit à partir de 2015.
Il enseigne donc désormais dans les universités américaines. Car ce parfait francophone, ayant étudié au lycée français du Caire, ayant grandi dans la culture arabe et la culture française, dentiste de surcroît, ne peut enseigner en France, faute de pouvoir attester de la possession des titres universitaires requis pour être admis à tenir un séminaire.
De passage à Paris, et pour Radio Cause commune, il parle de l’Égypte d’aujourd’hui et d’hier, de la recherche de la troisième voie – qui ne soit ni dictature militaire ni extrémisme religieux – les deux faces d’un même malheur historique dans lequel est enfermée la société égyptienne depuis des décennies-de la place et du rôle déterminant des femmes durant la Révolution, de la jeunesse de son pays qui n’oublie pas ce qu’elle a vécu en 2011, qui rêve de liberté, qui veut construire l’Égypte de demain dans le respect de la dignité de chaque être humain. Pour mémoire, 60% de la population a moins de 40 ans.
S’il évoque aussi ses projets d’écriture, Alaa El Aswany se réjouit de l’émergence d’une nouvelle génération d’écrivains égyptiens qui par son talent et son courage, malgré la répression, contribue à faire naître un monde nouveau, tolérant et humaniste.
Il salue ainsi l’attribution du prix de la littérature arabe 2019 (créé par l’Institut du monde arabe et la Fondation Jean-Luc Lagardère) à l’écrivain Mohammed Abdelnabi pour son roman La chambre de l’araignée (Actes Sud/Sindbad).
Pauses musicales :
- Oum Kalthoum
- Edith Piaf – La foule
Pour aller plus loin :
- Alaa El Aswany, J’ai couru vers le Nil, roman traduit de l’arabe (Egypte) par Gilles Gauthier, Actes Sud, 2018 / Prix transfuge du Meilleur roman arabe – 2018
- Alaa El Aswany, Automobile Club d’Egypte, 2014, Babel n°1344
- Alaa El Aswany, Extrémisme religieux et dictature, Actes Sud, 2014
- Alaa El Aswany, Chroniques de la révolution égyptienne, 2011, Babel n°1170
- Alaa El Aswany, L’immeuble Yacoubian, Actes Sud, 2006, Babel n°843
- Mohammed Abdelnabi, La chambre de l’araignée, roman traduit de l’arabe par Gilles Gauthier, (Egypte) Actes Sud/Sindbad, 2019 – Prix de la littérature arabe 2019
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