#02 – Laisser le manque au manque
proposée par Fabiola Badoi
Diffusée le 23 octobre 2023
“Combien de pains avons-nous ? Ils allèrent voir. Il y avait 5 miches d’orge et deux poissons séchés. Je dis donc aux disciples de faire asseoir tous ceux qui nous suivaient par groupes. Et je pris ces cinq pains et je le divisais à l’extrême, jusqu’à tirer une centaine de morceaux de chaque pains. Puis les deux poissons donnèrent plus de deux fois deux cents petites bouchées. Alors ayant cinq cents morceaux de pain et cinq cents de poisson, je passai ces bouchées à tous ceux qui nous suivaient, de ma propre main à chacun des cinq cents. Je déposais une paillette de poisson et une miette de pain sur chaque langue. Cependant lorsque chaque personne eut gouté ces fragments, je pense que la bouchée fut agrandie dans ses pensées et je sais ainsi que peu d’entre eux diraient qu’ils n’avaient pas reçu suffisamment de pain et de poisson. Et ce fut un triomphe de l’Esprit plutôt qu’un agrandissement de la matière.” Norman Mailer, L’évangile selon le Fils
En conservant une pointe d’humour même légèrement grinçant, Jean-Baptiste Farkas pose un nouveau commandement, le -1, la Soustraction. Puisque « la réalité qu’on nous montre est un mensonge », il pratique l’art pour montrer les dysfonctionnements et les failles, questionne notre responsabilité, nous contraint d’assumer l’envers de ce monde qu’on accepte et engage notre réflexion.
A l’instar d’une entreprise, avec IKHEA©SERVICES et Glitch il propose des services (des protocoles d’action collectives ou individuelles, voire rituels) qui perturbent notre fonctionnement, qui décochent et décrochent nos certitudes, font déraper nos convictions, sur l’art et son marché, sur ses institutions, altère nos orthodoxies diverses, questionne et convoque nos réels engagements en nous confrontant à nos limites.
« Le chemin que je propose est une voie pavée de mauvaises intentions. On s’y prend des coups, on se dit qu’on a mal, on se demande pourquoi cette œuvre nous inflige ça… je cherche à déclencher ce début de réflexion personnelle qui fait qu’on va quitter les standards… pour s’engager sur un terrain de prise de risque, c’est ce qui m’intéresse… le reste, tu peux tout jeter, ne garder que cela. »
Son art qui écorche les dogmes (à l’exception du -1, la Soustraction), qui trouble nos pensées sans horizon, crée une dissonance, un dérapage, une tension, pour nous pousser à bout ou plutôt, pour nous amener au bord de… Ce deuxième entretien qui prolonge le premier, Less is less, fait saillir disons, les veines de son travail et montre leurs ramifications pour faire apparaitre le corps, en entier. Après avoir montré comment il s’est construit, il donne à comprendre comment il respire, comment il se déplace, comment il vit.
À l’oreille
Autechre, “tt1pd“, extrait de l’album NTS Session 3 (Warp Records – 2018)
Pour aller plus loin avec Jean Baptiste FARKAS :
- Beaucoup plus de moins, entretiens chez Riot Éditions
- “Chroniques de la soustraction“, Switch On Paper
- Alexandre Gurita, dans la revue de Paris
- Bernard Brunon – That’s Painting
- Biennale de Paris : avant Gurita, à partir de Gurita (2000), et après, dans un article de Ghislain Mollet Viéville
- IHEAP (Institut de Hautes Études en Arts Plastiques) : IHEAP Reloaded, une école peut en cacher une autre
- voir aussi : FLUXUS, Ghislain Mollet Viéville,
- À partir d’Exit de George Brecht
À la technique, Isabelle Carrère
Sauf mention contraire et autres licences applicables cette œuvre sonore de Cause Commune est mise à disposition selon les termes de la
Licence Creative Commons Attribution - Partage dans les Mêmes Conditions 4.0 International.