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#35 – Cécile Duflot – Écologie et justice sociale

proposée par Élise, Fred, Julie et Mehdi

Diffusée le 11 juin 2025


#35 – Cécile Duflot – Écologie et justice sociale
Chemins de traverse

 
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35e émission Chemins de traverse diffusée en direct 11 juin 2025 à 22 h

Cécile Duflot au studio devant le kakemono « Cause Commune 93.1 FM, la voix des possibles »

Mercredi 11 juin 2025 notre invitée est Cécile Duflot.

Militante active depuis sa jeunesse, Cécile Duflot a notamment été secrétaire nationale des Verts et d’Europe Ecologie Les Verts, députée, ministre de l’Égalité des territoires et du Logement. Actuellement elle est directrice générale d’Oxfam France, ONG qui a pour objectif de lutter contre la pauvreté et combattre les inégalités qui l’alimentent ✊.

Questionnaire pour mieux vous connaître

🙏 Aidez-nous à mieux vous connaître et améliorer l’émission en répondant à notre questionnaire (en 3 minutes max). Vos réponses à ce questionnaire sont très précieuses pour nous. De votre côté, ce questionnaire est une occasion de nous faire des retours.

Sommaire

📌 Liens

🎧 À l’oreille

  • Ma philosophie par Amel Bent
  • Je viens du fond de mon enfance par Mannick
  • Schmaltz par Jahzzar (générique)

🎙 En plateau

  • Invitée : Cécile Duflot
  • Préparation et animation : Fred
  • Réalisation : Julie

💬 Transcription

Voix du générique (Laure-Élise Déniel) : Cause Commune, Chemins de traverse, d’autres voies pour imaginer demain.

Bonsoir à toutes, bonsoir à tous pour ce 35e épisode de Chemins de traverse, d’autres voies pour imaginer demain.

Dans Chemins de traverse, Julie, Élise, Mehdi et moi-même, Fred, nous espérons vous proposer de belles rencontres et mettre en avant des parcours personnels et professionnels, des passions, des engagements.

Notre invitée ce mercredi est Cécile Duflot.

Militante active depuis sa jeunesse, Cécile Duflot a notamment été secrétaire nationale des Verts et d’Europe Ecologie Les Verts, députée, ministre de l’Égalité des Territoires et du Logement.

Et actuellement, elle est directrice générale d’Oxfam France.

Donc merci de nous accueillir dans votre salon, votre cuisine, votre canapé, voire votre chambre, ou peut-être encore pendant votre séance de sport.

Fred : Bonsoir Cécile.

Cécile : Bonsoir.

Fred : Avant que la discussion ne commence, je vous rappelle que nous sommes en direct ce mercredi 11 juin 2025 sur radio Cause Commune, la voix des possibles, sur 93.1 FM et en DAB+ en Ile-de-France, partout dans le monde sur le site causecommune.fm.

Mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast.

N’hésitez pas à participer à intervenir en direct.

Alors Julie réalise l’émission ce soir.

Bonsoir Julie.

Julie : Bonsoir.

Fred : Et elle attend vos appels.

Pour cela, le téléphone est branché.

Vous pouvez nous appeler au 09 72 51 55 46. Je répète 09 72 51 55 46.

Ou alors vous pouvez réagir sur le salon web de la radio. Rendez-vous sur le site causecommune.fm, bouton chat, salon, Chemins de traverse.

Et je vois qu’il y a déjà des questions sur le salon, ça commence très fort.

Donc je vais regarder juste après.

Et donc rebonjour Cécile.

Cécile : Rebonsoir.

Fred : Rebonsoir plutôt effectivement, c’est une heure tardive peut-être.

Donc je précise tout de suite que ce n’est pas une émission politique, même si on accueille une ex ou peut-être encore une femme politique, on verra tout à l’heure.

C’est une émission sur un parcours, les engagements, les passions et sur comment se construit une personne à base justement de son parcours.

Alors j’ai envie de te poser comme question, comme première question en fait.

Dans quel milieu as-tu grandi ?

Cécile : J’ai grandi dans un milieu, j’allais dire très classique des années 70, mon père travaillait à la SNCF.

Il était chef de district quand j’étais enfant, donc il a arrêté ses études après le bac.

Il a passé un concours, il est rentré à la SNCF.

Il s’occupait des travaux et d’une portion de la supervision des travaux sur une portion de voie.

Et ma mère était prof de physique chimie au collège et au lycée de Montereau-Fault-Yonne, une petite ville du sud de la Seine-et-Marne, dans lequel on avait construit dans les années 70 une ZUP, une zone d’urbanisation prioritaire.

Donc un grand quartier de barres et de tours et donc un lycée qui allait avec.

Et je suis allée à l’école maternelle, au collège, au lycée, dans ce quartier.

Fred : D’accord.

Est-ce que tes parents étaient écolos ?

Cécile : Alors oui et non.

Oui, ma maman était très écolo et non, mon papa n’était pas du tout écolo.

Ça donnaitr lieu d’ailleurs à des discussions parfois assez vives.

Mon père, c’était un homme des travaux qui construisait. Il a participé à la construction de la ligne de TGV Paris-Lyon.

Il croyait au progrès, au fait qu’il fallait aller de l’avant.

Et donc il y avait des débats parfois vifs parce que ma mère, qui est une scientifique, elle lisait beaucoup, et elle parlait déjà du dérèglement climatique, de l’épuisement du pétrole à une époque où c’était, on va dire, très marginal.

Alors il y avait bien sûr d’autres écolos.

Il y avait même déjà quelques écologistes dans le débat politique, mais ils étaient très rares.

Donc moi, je me suis construite dans ce débat-là chez moi.

Et donc il fallait essayer de réfléchir dans cette discussion-là.

Et c’était d’ailleurs finalement assez riche.

Parce que sur plein d’autres sujets, c’était des militants engagés.

Enfin, c’est toujours d’ailleurs des gens engagés, de gauche, très attentifs aux inégalités mondiales, tiers-mondistes on aurait dit à l’époque.

Et donc très conscients et très militants.

Et donc j’ai grandi dans cet environnement-là où on se posait des questions.

Fred : D’accord.

Alors je vais préciser à la personne.

Alors Laurent, parce que j’arrive jamais à dire son pseudo, que j’ai vu l’ensemble des questions qu’il a posées.

Mais il faut que je les lise en détail pour savoir lesquelles je peux relayer

Cécile : Donc il faut que je parle pour que tu aies le temps de lire les questions [rires]

Fred : Non. Ce que je vais simplement dire, c’est que je le ferai à la pause musicale.

Cécile : D’accord

Fred : Voilà. Et surtout, évitez de mettre des liens quand même, parce qu’en fait, ça fait afficher plein de textes.

Et donc c’est un peu compliqué de suivre toutes les questions.

Mais j’ai bien vu qu’il y avait des questions sur le salon web.

Je regarderai pendant la pause musicale pour les relayer.

Donc il y avait des débats entre les deux.

Tu avais des frères et sœurs aussi ?

Cécile : Oui. J’ai une sœur qui a 2 ans de moins que moi et un petit frère qui a 6 ans de moins que moi.

Fred : D’accord.

Et est-ce que vous participiez aux débats ou est-ce que simplement vous écoutiez ? Comment cela se passait ?

Cécile : Alors mes parents étaient militants dans une organisation qui s’appelle LVN [note de transcription : Association La Vie Nouvelle), qui est en fait une organisation qui est historiquement la branche aînée des Scouts de France et qui était une organisation de gens engagés, donc qui réfléchissaient sur leur engagement entre eux, avec une particularité, c’est que les enfants étaient associés.

En vrai, pour moi, en tant qu’enfant, ça faisait que les adultes s’asseyaient autour d’une table pour parler, mais que moi j’avais des amis, parce que les enfants des amis de mes parents venaient.

Donc on avait aussi des gens qui nous gardaient, qui faisaient des activités.

J’en garde un souvenir très joyeux.

Il y avait une grosse dimension communautaire.

Mes parents ne vivaient pas dans une communauté. En revanche, tous les week-ends, les vacances, c’était un fonctionnement effectivement assez communautaire, donc très joyeux où les enfants avaient une place et où ils étaient associés à la discussion, oui.

Fred : D’accord.

Et quelle était leur vision.

Je te pose toutes ces questions, parce que souvent on se forme aussi par rapport au fonctionnement des parents et de la famille.

Quelle était leur vision par rapport à la politique ?

Alors, la politique en tant que vie de la cité, mais aussi la politique mandataire.

Cécile : Alors, la politique des partis, ils étaient très, J’allais pas dire opposés, parce qu’ils votaient, mais ils étaient très, très rétifs.

C’était vraiment forcément un truc de magouilles.

On leur a proposé plein de fois d’être sur des listes aux municipales. Ils ont jamais voulu.

Ils étaient syndicalistes, tous les deux.

Enfin leur engagement, c’était un engagement militant très cortiqué, avec du sens, mais totalement en dehors des partis, à une très grande distance et un peu méfiant, presque.

Et de ce que je sais, ma mère votait écolo, logiquement, dès qu’elle a pu.

Et mon père, il votait pour la gauche qui avait le plus de chances de gagner.

En gros, c’est, je pense, comme ça qu’ils théorisaient.

Fred : D’accord.

Donc c’était dans les années quand, ça ?

C’était dans les années 85 ?

Cécile : Alors, moi, je suis née en 75.

Fred : Donc c’est les années 80, oui.

D’accord. Donc à l’époque de présidence Mitterrand

Cécile : Donc j’ai eu droit à un verre de limonade, ce qui était quand même un événement absolument…

Fred : En 81 ?

Cécile : — En 81. Voilà.

Fred : D’accord. OK.

Cécile : Je m’en souviens pour ça [rires]

Fred : D’accord.

C’est aussi le moment où je me suis intéressé effectivement à la politique en 81, à ce moment-là, quoi.

Donc tu fais des études.

Mais avant ça, à l’école, quels gens𛈂

Je te pose la question parce que, bon, bah, t’as été une responsable politique, t’es aujourd’hui responsable d’une ONG.

Donc t’es quelqu’un qui a affronté beaucoup de choses et qui mène des combats.

Enfin, moi, ce que j’appelle en tout cas des combats.

Donc à l’école, comment tu étais, déjà ?

Est-ce que tu étais une bonne élève, mauvaise élève ?

Et comment tu étais par rapport aux autres, par rapport au groupe ?

Est-ce que tu étais timide ? Est-ce que tu étais une meneuse ?

Deux questions en une.

Cécile : Alors j’étais très petite parce que j’avais un an d’avance depuis la maternelle.

Je suis toujours pas très grande, donc j’étais vraiment très petite.

J’étais une excellente élève et j’étais très, très timide.

J’avais plutôt de la difficulté à me faire des amis, on va dire.

C’était pas une chose très facile.

Mais comme j’avais les amis, les enfants de mes parents, j’étais pas du tout isolée.

Et à part ça, j’étais surtout une grande lectrice.

En fait, moi, je vivais dans les livres.

Voilà.

Je lisais partout, tout le temps.

Fred : Dans quel genre de livre ?

Cécile : Je crois que le début de mon histoire avec les livres, c’est Le Club des cinq.

Fred : Le Club des cinq, rappelle-moi ce que c’était.

Cécile : Le Club des cinq, c’est une bande d’enfants, dont une particulière qui était ma préférée qui est Claude, qui s’appelait Claudine, mais qui voulait pas qu’on l’appelle Claudine, qui voulait qu’on l’appelle Claude qui était ce qu’on appelait un garçon manqué.

Et moi, c’était elle qui me fascinait.

Qui vivait des aventures tout le temps.

Donc ils découvraient des trésors.

Ils découvraient des méchants.

Enfin voilà.

Et en fait, moi, je voulais cette vie-là, quoi.

Je voulais l’aventure comme dans Le Club des cinq.

Fred : Donc tu voulais des aventures et des choses très variées.

Je voulais des aventures, très clairement.

Enfin vraiment, je pense que j’ai vraiment été extrêmement marquée par…

Je suis sûre qu’il y a d’autres gens.

Je suis sûre que je suis pas la seule.

On est tellement à avoir lu Le Club des cinq.

Mais moi, voilà, je voulais l’aventure.

En fait, je voulais pas m’ennuyer.

Cest pas que j’avais peur de m’ennuyer, parce que moi, tant que j’ai un livre, je m’ennuie pas.

Mais ouais, je voulais que la vie, ce soit riche, drôle, amusant, curieux. Voilà.

Fred : Et en groupe ? parce que Le Club des cinq.

Cécile : Ah oui, en troupeau [rires].

Fred : En troupeau, voilà.

Cécile : Et ça, pour le coup, quand j’ai réussi petit à petit à m’éloigner de la timidité, je suis pas du tout quelqu’un de solitaire.

Et d’ailleurs, je suis pas bonne si je suis seule.

J’ai un esprit qui se construit et qui devient intelligent par le rebond et par le dialogue.

Fred : D’accord.

Pendant tes études, en tout cas en primaire ou secondaire, est-ce qu’à un moment, tu sais ce que tu veux faire ?

Cécile : Pas du tout.

Alors quand je vois, d’ailleurs, je suis en tant que maman dans les affres de Parcoursup, je trouve ça…

Cela aurait été un cauchemar pour moi.

Bien sûr que je savais pas.

D’ailleurs, sur la porte de ma chambre, il y avait une affiche de Plantu. Désolée, il a mal vieilli, je sais. Il y avait un bébé dans un berceau qui disait « je veux de l’espoir, je veux de l’amour, je veux du rêve ». Et il y avait les parents au-dessus du berceau qui disaient « passe ton bac d’abord ». C’était un peu mon état d’esprit, quoi, voilà.

Alors qu’en fait, j’ai eu mon bac.

Fred : Quel type de bac t’as eu ?

Cécile : J’ai eu un bac B. Ça signe l’âge qu’on a.

B, c’est ES pour la génération d’après.

Et en gros, économie et maths.

Fred : Donc t’as le bac, et…

Cécile : Ce qui est mon premier acte de grande rupture parce que je n’ai pas voulu aller en première scientifique.

Alors que ma mère était prof de physique-chimie, ma marraine aussi.

Ma grand-mère, qui était une ancienne institutrice, pensait qu’hors des maths, point de salut.

C’est mon premier acte de rébellion absolue, c’est de pas aller en première scientifique.

Fred : D’accord.

Donc après ce bac économique-social, tu t’orientes vers quoi ?

Cécile : Je fais deux choses.

Je m’inscris en classe de prépa parce que quand même, j’avais bien conscience que j’étais allée un peu loin avec mon affaire de pas aller en première scientifique. C’était un peu pour consoler mes parents.

Mais en même temps, simultanément, je m’inscris. Alors c’est pas du tout comme aujourd’hui. C’est fou. Je suis allée avec mon résultat du bac devant une dame dans un bureau. J’ai dit « Bonjour, je voudrais m’inscrire en fac de géographie ».

Parce que j’avais un copain qui s’appelait Christophe. On l’appelait Tato (TODO), qui avait fait des études de géographie.

Je trouvais ça hyper fun, vraiment super intéressant, passionnant, amusant. Enfin voilà, ça répondait à mon idée d’aventure.

Et donc, je me suis inscrite en géographie.

Après ma première année de prépa, pourtant, j’ai eu des concours d’école de commerce. Mais là, je me suis dit « C’est pas possible, ça. Je peux pas faire ça ».

Ce qui est bizarre puisqu’après, j’y reviendrai.

Mais du coup, je suis partie à la fac à Jussieu en géographie.

Fred : D’accord. Et tu es allée jusqu’où ?

Cécile : Je suis allée jusqu’à l’équivalent du Master 2 aujourd’hui, qui était un DEA à l’époque, de recherche.

Fred : Un DEA, un diplôme d’études approfondies.

Cécile : Voilà, de recherche, parce que j’avais envisagé le fait de faire une thèse.

Mais entre-temps, j’ai eu un bébé.

Puis j’ai passé deux concours, un pour entrer à la protection judiciaire de la jeunesse et un autre pour entrer à l’ESSEC.

J’ai eu les deux et j’ai choisi d’aller à l’ESSEC.

Fred : Alors attends, excuse-moi, parce que c’est quand même deux…

Cécile : ouais, c’est marrant hein.

Fred : Déjà, c’est intéressant, on y reviendra peut-être, t’as été maman très jeune.

T’avais quoi, 21 ans, 22 ans ?

Cécile : Oui, 21 ans, quand il est né.

Fred : Et aujourd’hui, t’as 4 enfants, c’est ça ?

Cécile : Oui, j’en ai 4.

Fred : Et donc là, tu passes deux concours.

Donc l’un, la protection de l’enfance, c’est ça ?

Cécile : La protection judiciaire de la jeunesse. C’est le personnel qui s’occupe des adolescents essentiellement, soit en danger, soit sous main de justice, parce qu’ils font l’objet d’une décision de suivi éducatif renforcé.

Fred : D’accord.

Et en parallèle, l’ESSEC, qui est une grande école de commerce, si je me souviens bien. Mais pourquoi les deux ? Parce que c’est très différent.

Cécile : Alors l’ESSEC, en fait, c’est parce que j’avais un très bon ami à la fac de géo dont la femme avait fait l’ESSEC.

Et elle m’avait dit « si tu peux le faire avec l’apprentissage », ça veut dire que t’es payée pendant tes études et t’as pas à payer les 40 000 francs à l’époque que coûtait la scolarité, ce que j’étais totalement incapable de payer.

Et donc je me suis dit « ah, c’est malin ».

Et il se trouve que le père de mon fils, lui, à l’époque, a passé le concours de l’administration pénitentiaire pour devenir éducateur en prison.

Et je me suis dit que le père éducateur en prison et la mère à la PJJ [note de transcription : protection judiciaire de la jeunesse], ça faisait beaucoup.

Du coup, je suis allée à l’ESSEC.

En fait l’histoire de ma vie, c’est ça qui est drôle quand on regarde…

Je comprends toujours les gens qui regardent de l’extérieur et qui trouvent que j’ai un parcours un peu météoritique, qui paraît presque tout tracé, alors que c’est vraiment une histoire de chance, de hasard et de rencontre.

Mais c’est une formule d’une chanson que j’aime beaucoup, qui est la chanson du Ramoneur dans Mary Poppins.

La chanson s’appelle « Chem cheminée ».

Et à un moment, il dit dans la chanson « Pour avoir de la chance, prends la chance comme elle vient ».

Et c’est un peu ce que j’ai fait, je crois.

Fred : Donc tu as un DEA, donc…

Cécile : De géographie.

Fred : De géographie.

Cécile : Un bébé. Et je rentre à l’ESSEC.

Fred : Et tu rentres à l’ESSEC.

Et tu en sors diplômée ou pas ?

Cécile : J’en sors diplômée avec deux filles de plus.

Fred : Avec deux filles de plus.

D’accord.

Cécile : Une par an.

Fred : Une par an.

D’accord.

Donc trois filles, à quoi, à 24 ans ?

Cécile : Un fils et deux filles.

Fred : En tout cas, trois enfants.

Cécile : À 25 ans.

Fred : À 25 ans.

Ça doit être dur quand même, non ?

Cécile : Pas du tout.

Fred : Parce que c’est une des questions qu’on m’a posées en amont, c’est « comment elle fait ? ».

Et on y reviendra tout à l’heure sur la partie politique et autres.

« Comment elle fait en ayant quatre enfants, une activité politique, des engagements militants ? »

Cécile : Franchement, je n’ai pas de recette à donner, si ce n’est que je crois que je voulais tout.

Je voulais l’aventure, je l’ai dit.

Et les enfants, ça faisait partie de l’aventure.

Et franchement, c’est ma meilleure aventure.

Je suis extrêmement contente que le débat sur les enfants soit si ouvert. Que la pression n’existe pas sur les femmes pour avoir des enfants. Que certaines femmes puissent dire qu’elles regrettent. Tout ça, qu’il y ait cette liberté autour de ça.

Mais moi, je crois que je peux dire avec la même force et la même liberté que la maternité ça a été un truc formidable dans ma vie. Et toujours, ça l’est.

J’adore mes enfants. J’ai trouvé ça épatant de voir grandir ces petites personnes qui tiennent un peu de toi, mais qui sont quand même totalement eux-mêmes.

Et j’ai adoré ça.

Donc non, je n’ai jamais senti ça difficile.

Et je me suis demandé si je ne m’étais pas un peu réinventée une vie.

Donc il n’y a pas longtemps, j’ai demandé à une copine de l’époque.

Je lui ai dit…

Parce que je vois ce que ça veut dire. J’avais 25 ans, quand ma deuxième fille est née, j’avais un fils de 4 ans, une petite fille de 18 mois et un nouveau-né. Et j’habitais au quatrième étage, sans ascenseur, à Fleury-Mérogis.

Et je n’ai aucun souvenir de truc chiant. À part le fait qu’il fallait monter les enfants deux, puis un, les étages.

Et je lui ai dit…

Je vois ce que ça signifie maintenant. Si je voyais quelqu’un comme ça, je me dirais que c’est un peu chaud quand même.

Et ma copine m’a dit « non, non, tout avait l’air parfaitement normal ».

Donc je ne sais pas.

Je pense que d’abord, j’ai élevé des enfants cools. Que moi, je trouvais ça chouette.

Et que j’ai toujours aimé faire plusieurs choses en même temps en fait.

Je ne me suis pas posé la question.

Et pour dire les choses, quand les enfants sont là, tu avances. Ça fait partie de l’histoire.

Je vois bien ce pour qui c’est compliqué quand ils ont une vie où ils font plein de choses. De se dire que si j’ai un enfant, je ne vais plus pouvoir faire les mêmes trucs.

Moi, j’ai continué à faire plein de choses en ayant des enfants. C’est tout. Parce que je les ai eus très jeunes.

Pas à un âge où tu te dis que tu ne vas plus aller au café.

Pas du tout.

Fred : Peut-être une question indiscrète.

Ton compagnon t’aidait à l’époque ?

Cécile : Oui, oui, oui, oui.

Lui, quand j’étais à Fleury, il était directeur adjoint. D’éducateur il était devenu directeur. Donc, il avait pas mal de boulot.

De toutes façons, c’était quand même un peu nécessaire.

Après, j’ai travaillé quand ma fille avait six mois.

Donc, de toute façon, il n’y avait pas trop le choix.

Mais il y avait la crèche et vive les impôts.

Parce que quand mon fils est allé à la crèche, quand j’étais étudiante, on était vraiment fauchés, mais vraiment, vraiment fauchés.

Et la crèche, c’était 6 francs 50. C’est moins d’un euro ou l’équivalent d’un euro aujourd’hui par jour. Nourriture, couches comprises.

Et c’est grâce à ça que j’ai pu continuer mes études en vrai.

Et donc, je suis hyper contente aujourd’hui de payer des impôts pour que quelqu’un, l’équivalent de moi puisse vivre la même chose.

C’est un très bon système, le système qui finance des services publics dans ce pays.

Fred : Nous sommes bien d’accord.

On parlait tout à l’heure des amis qui venaient à la maison.

Quand on est étudiante ou étudiant, on a des amis.

Mais c’est rare qu’on ait des amis qui aient des enfants.

Est-ce que ça a créé une distance ou pas ?

Ou pas du tout, en fait ?

Cécile : Ça a créé de la distance avec une de mes amies, qui ne l’est plus devenue.

Je crois que ça l’a beaucoup perturbée, on va dire. Elle n’aimait pas ça.

Les autres, ça faisait un peu partie du truc.

Et en vrai, quand on a annoncé qu’on allait avoir un troisième enfant, la majeure partie des gens, ils ont éclaté de rire.

Ça devenait complètement loufoque.

Mais du coup, c’était marrant et sympa, parce que les enfants avaient aussi plein d’autres gens qui trouvaient ça rigolo de pouvoir s’en occuper.

Je ne sais pas ce qu’aurait été ma vie si je n’avais pas fait ça, mais franchement, je me considère que c’est une très grande chance.

Très, très, très grande chance.

D’avoir eu autant d’enfants, si jeunes, sans se poser de questions.

Et c’est ce que je dis de temps en temps.

Je dis à leur père, qui n’est plus mon compagnon depuis très longtemps, je lui dis que je le remercie.

On a bien fait. Vraiment.

Et en plus, ils sont supers maintenant.

Fred : C’est cool.

Cécile : Avant, ils étaient super aussi. Je veux dire, c’est des enfants adultes, et c’est très marrant la relation avec des enfants adultes.

J’aime bien aussi.

Fred : Oui, ça change.

Cécile : Oui, ça change.

Fred : Parce que maintenant, ils ont 30, 25 ans ?

Cécile : Mon fils a 28 ans.

Fred : 28 ans, c’est ça, le premier.

On revient sur les études.

Tu finis l’ESSEC, tu as eu un DEA en géographie, tu es diplômée de l’ESSEC, école de commerce.

Donc, tu l’as fait en apprentissage.

Cécile : Oui, en apprentissage.

Fred : L’ESSEC.

Tu étais dans quelle structure en apprentissage ?

Cécile : J’étais dans une structure qui est groupe lié au 1% logement. Donc, un groupe privé, mais paritaire. Donc, géré à la fois par les syndicats de salariés et les syndicats d’employeurs.

Mais c’est le secteur privé. Enfin, c’est un contrat de travail privé.

Et moi, je me suis retrouvée assez rapidement à gérer les filiales de ce groupe, à être la secrétaire générale des filiales.

Fred : D’accord.

Et donc, à la fin des études, tu restes dans la société ?

Cécile : Oui. En fait, mon patron de l’époque me propose de me recruter.

Je lui dis « oui, enfin là, je vais être en congé maternité ».

Il a dit « ah ben, j’ai l’habitude ».

En gros, parce que j’avais déjà eu une fille avant, en travaillant.

Et du coup, j’ai commencé à travailler vraiment dans ce groupe-là, en ayant le poste de secrétaire générale.

Et j’ai créé une nouvelle filiale, de gestion d’hébergement temporaire, enfin, pour jeunes salariés essentiellement, qui s’appelle Résidétapes, qui existe toujours.

Donc, c’était l’aventure aussi à mon boulot.

C’est ça que j’aimais bien, c’est que c’était un peu tout le temps différent.

Et en fait, je me suis retrouvée à faire l’intérim, théoriquement l’intérim d’un de mes collègues qui était parti pour gérer une filiale de construction, donc de maîtrise d’ouvrage.

Et moi, j’avais dit à mon patron de l’époque, j’ai dit « mais moi, je ne connais rien du tout à la construction ni à la maîtrise d’ouvrage ».

Il m’a dit « mais vous verrez, vous vous débrouillerez, c’est en attendant de trouver quelqu’un ».

Puis finalement, je suis restée. Et donc, je me suis retrouvée à superviser la construction d’immeubles à 25 ans, en l’occurrence, 26 ans.

C’était marrant, mais ça m’a beaucoup appris et j’ai adoré ça.

En fait, je crois que c’est un métier que j’ai beaucoup aimé.

Et bizarrement, j’aurais bien aimé continuer à travailler dans le secteur de l’immobilier.

Ça m’a beaucoup plu.

Mais quand on a été ministre du logement, c’est compliqué.

Donc, je ne me voyais pas retourner dans ce secteur-là après avoir été ministre du logement.

Fred : D’accord.

Et donc là, c’est le métier d’urbaniste, c’est ça ?

Cécile : C’était un métier d’urbaniste au départ parce qu’il y a une des filiales, une des filiales qui existe toujours, d’ailleurs, qui s’appelle Espacité, qui fait du conseil aux collectivités locales à l’époque sur la question de renouvellement urbain, notamment.

Parce qu’à l’ESSEC, après mon diplôme de géographie, à l’ESSEC j’avais suivi le diplôme classique, mais on pouvait en plus suivre des mentions, donc des spécialisations en complément.

Et moi, j’avais pris la mention économie urbaine.

Fred : D’accord.

Alors, est-ce que tu peux peut-être expliquer en une phrase ou deux ce qu’est le métier d’urbaniste ?

Cécile : Alors, il y a plein de variantes du métier d’urbaniste.

Mais en gros, c’est ceux qui sont en charge de la construction, la planification, la gestion des villes ou des territoires urbanisés, ce qui n’est pas forcément une ville. D’ailleurs, ça peut être un quartier, d’autres choses.

Mais voilà, c’est ça, urbaniste.

Alors, il y en a qui sont architectes urbanistes, donc qui dessinent.

Il y en a d’autres qui font plus de la planification.

Il y en a d’autres qui travaillent à la maîtrise d’ouvrage et donc à la construction, à la réalisation.

D’autres à la gestion de tout ce qui implique la gestion d’une ville, notamment les réseaux, par exemple.

Voilà, c’est un peu toute la palette du métier.

Fred : D’accord.

Alors, il y a une question sur le salon web et je promets à Laurent que je reviendrai sur ses questions tout à l’heure.

« Est-ce que c’est l’envie d’aventure uniquement ou le désir de construire des choses et de changer le monde qui t’animait à cette époque ? ». C’est Julie qui pose la question, je balance.

Cécile : Moi, j’ai toujours été révoltée par l’injustice, mais j’ai été élevée à être révoltée par l’injustice.

D’ailleurs, ça a valu une discussion avec mes parents.

Un jour, je me souviens très bien, on était en vacances ensemble et bon, j’avais fait une frasque ministérielle et du coup, il y avait mon nom en une du Monde et mon père a pris le journal parce qu’il lit Le Monde depuis toujours et il dit à un moment « mais qu’est-ce qu’on a fait pour avoir une fille, en gros, qui fait de la politique ? »

Et je lui dis « mais vous vous rendez compte à quel point l’éducation que j’ai reçue était idéologique ? ». Alors, dans le bon sens du terme.

Ma mère, elle se plantait devant notre placard et elle disait, voilà, si on partageait les robes entre tous les enfants du monde, vous auriez chacune une seule robe. Ce genre de choses, quand on a 4-5 ans, ça marque.

Donc oui, moi, j’ai été très sensibilisée à l’injustice.

Je pense à la fois par mon éducation et puis aussi par une autre branche de mon éducation qui était l’éducation catholique parce que moi, je suis allée à l’action catholique des enfants et ensuite à la JOC.

Fred : La JOC, c’est quoi ?

Cécile : La JOC, c’est la Jeunesse ouvrière catholique, mais en vrai, ou chrétienne, tiens, c’est une bonne question.

Fred : Chrétienne, je crois.

Cécile : Mais chez moi, c’était plutôt, ça remplaçait l’aumônerie, en fait, bizarrement, là où j’étais.

Et du coup, moi, j’ai été trempée dans le catholicisme social, c’est-à-dire les cathos de gauche des années 70-80, très engagés et assez radicaux sur le fond, sur le partage et sur une lecture littérale des évangiles à base d’aimer son prochain, de protéger les plus faibles et de partager les richesses.

Fred : Attends, je crois que j’en profite et que tu parles de ça parce que je crois que là, il y avait une question.

Cécile : Et je suis toujours convaincue.

Fred : Je vais pouvoir poser une des questions qu’a posée Laurent.

« Peut-on être écologiste, de gauche et catholique ? »

Cécile : Moi, je crois qu’on vit toujours de contradictions.

Et c’est d’ailleurs dans ces propres contradictions internes, quand on les fait dialoguer entre elles, qu’on arrive à avancer.

Ou alors peut-être qu’il y a des gens qui sont purs, qui sont parfaitement alignés sur tout. Moi, pas du tout.

Donc oui, ça crée des débats internes. En tout cas, c’est comme ça que je suis.

Alors, catholique, j’ai été baptisée. Je suis officiellement catholique. Je n’ai pas renié cette religion. Et je peux dire que je crois toujours en Dieu.

En revanche, je ne suis pas du tout en phase avec beaucoup de choses de l’Église catholique.

Fred : Surtout quand tu étais jeune, je suppose, à l’époque, avec le sida, etc.

Cécile : Exactement.

C’est pour ça que je me suis beaucoup éloignée.

Je l’ai redit récemment.

En fait, j’ai commencé à dire que j’étais catholique à cause du procès qui était fait à un certain nombre de jeunes femmes politiques d’origine maghrébine, à qui on sommait d’expliquer ce qu’elles pensaient de la religion, « est-cece qu’elles faisaient le ramadan ? » etc.

Et moi, je trouvais ça insupportable.

Donc un jour, j’ai dit « écoutez, moi, on ne me demande pas de dénoncer les commandos anti-IVG parce que je suis catholique ». Et donc, quelqu’un dit, « ah bon ? Pourquoi elle a dit ? Ele est catholique ? ».

Et en fait, je l’ai fait comme ça.

Je me suis rendue compte aussi que ça agaçait certains catholiques. Du coup, pour rien vous cacher, ça m’a quand même fait un peu plaisir.

Ça continue, d’ailleurs. Je vois bien que ça dérange certains.

J’y suis pour rien moi, j’étais petite quand on m’a dit que je faisais partie de cette famille donc dont acte maintenant, qu’ils se démerdent.

Fred : Alors, est-ce que c’est à cette époque-là que datent tes premiers engagements ?

L’époque de la Jeunesse ouvrière chrétienne ?

Ou est-ce que c’est à d’autres moments ?

Cécile : Oui.

Fred : Au-delà des parents, à quel moment tu as commencé à t’engager pour des causes ?

Cécile : Mon premier vrai engagement personnel, c’est le Génépi, une association d’étudiants qui à la fois donnait des cours en prison ou participaient à des activités et puis s’engageaient à l’extérieur pour parler de la question des prisons.

Donc, ça, c’est quand j’étais, je pense, en deuxième année de… Donc, en 93-94 ? Oui, 94. Oui, c’est ça.

Fred : Donc, tu avais 19 ans, quoi.

Cécile : Oui, c’est ça.

Et là, ça a été mon premier vrai engagement.

Oui, 18-19 ans, où je suis allée toutes les semaines à la Maison d’Arrêt de la Santé.

J’ai découvert un monde que je ne connaissais pas.

Fred : Et tu y faisais quoi, en fait, concrètement ?

Cécile : La première année, on avait un atelier, on était deux, d’information et de sensibilisation sur les médias.

C’était très marrant en groupe.

Et ensuite, je suis devenue écrivain publique, en fait.

Fred : C’est-à-dire que tu les aidais à…

Cécile : Je faisais deux choses.

J’écrivais des lettres en français pour les gens qui n’étaient pas francophones.

Et aussi, j’écrivais des lettres administratives ou des lettres d’amour ou des lettres de rupture.

Et ensuite, je me suis assez rapidement spécialisée en bidouillage de CV pour masquer les périodes d’incarcération.

Du coup, ça a valu plein plein de gens.

Quand je suis devenue ministre, un jour, je suis allée dans un centre d’hébergement pour des anciens détenus.

Et je me suis dit « à tous les coups, il y en a un qui va me dire « Mais je vous connais, c’est vous qui avez fait mon CV ! » »

Voilà, j’ai fait ça pendant trois ans, je crois.

Fred : D’accord.

Et donc là, c’est là qu’a commencé un engagement qui est donc plus sur la justice sociale, quelque part.

Ce n’est pas écologique, là.

Cécile : Oui, oui.

Alors, la dimension écolo, elle s’est vraiment renforcée à l’ESSEC.

J’allais dans les cours de l’ESSEC et notamment les cours de marketing où vraiment, ce qu’on apprenait c’était à créer des besoins chez les gens pour pouvoir vendre des produits qui n’existaient pas et qu’on allait créer.

Fred : Ah oui, ça devait te choquer un peu, quand même.

Cécile : Ce qui était un peu particulier.

Et puis, là, pour le coup, j’ai fait une grande rencontre.

Et la grande rencontre, elle, s’appelle André Gorz.

Et j’ai lu Gorz et tout m’est apparu absolument lumineux.

Fred : Alors, rappelle qui est André Gorz, peut-être en une phrase ou deux.

André Gorz, c’est un philosophe qui était aussi un journaliste, un des fondateurs du Nouvel Obs, qui a théorisé l’écologie politique, on va dire ça comme ça, notamment sur l’aspect impossible d’un développement infini dans un monde aux ressources finies, pour dire les choses de manière très simple.

Fred : D’accord, OK.

On va peut-être faire la pause musicale maintenant.

Comme ça, je pourrais lire aussi les questions de Laurent.

Les questions un peu plus longues.

Cécile : On fait une pause musicale pour Laurent.

Fred : Parce que j’ai vu la question qui était plutôt courte.

Donc là, on va revenir un peu aussi en arrière.

Il y a peut-être 20 ans, je crois, ou je ne sais pas.

Ma philosophie d’Amel Bent, ça date de 2005, non ? Un truc comme ça ? Je ne sais plus.

Cécile : Ça doit être ça, 2005-2006. 2006, je pense.

Fred : OK, donc une vingtaine d’années.

Alors, pourquoi ça te…

Parce qu’en fait, je l’ai choisi, parce que…

Cécile : Parce que j’en parle souvent.

Fred : T’en parles souvent.

C’était même un moment, t’as sonnerie de téléphone, jusqu’à ce que tes enfants te disent que c’était plus possible.

Donc, qu’est-ce qu’il y a dans cette chanson qui te plaît tant ? Qui a été écrite par Diam’s.

Cécile : Elle m’a parlé instantanément . Je crois que je me souviens la première fois que je l’ai entendue.

Moi, j’ai exactement 10 ans de plus qu’Amel Bent.

Et je ne sais pas. Cette chanson, elle n’a pas parlé qu’à moi, parce que c’est devenu un peu…

Fred : C’est un hymne.

Cécile : Un hymne, exactement.

Mais ça l’est devenu pour moi instantanément.

Donc, c’est une chanson sur laquelle on peut danser. C’est une chanson qu’on peut crier. C’est une chanson qui te fait repartir quand t’as un peu le moral à zéro.

Et pour dire les choses, parfois, ça m’est arrivé plusieurs fois en voiture d’avoir la radio. J’écoute Chante France. Je sais que quelqu’un que j’aime me déteste. Parce que quand il allume l’autoradio, c’est sur Chante France. Et puis, j’ai du vague à l’âme, etc. Et tout d’un coup, cette chanson passe. Et instantanément, ça me fait sourire.

Elle me parle et je pense que je suis ça en partie, en fait.

Fred : On va découvrir qui tu es en partie en écoutant Ma Philosophie par Amel Bent.

On se retrouve dans 3 minutes. Belle soirée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

[ Diffusion de la pause musicale ]

Voix du jingle (Laure-Élise Déniel) : Cause Commune, 93.1.

Nous venons d’écouter Ma Philosophie par Amel Bent.

Nous sommes toujours avec Cécile Duflot dans l’émission Chemin de traverse sur radio Cause Commune.

N’hésitez pas à participer à notre conversation au 09 72 51 55 46 ou sur le salon web dédié à l’émission sur le site causecommune.fm, bouton chat, salon Chemins de traverse.

Et je signale que j’ai lu les questions et que certaines seront sans doute en fin d’émission, dans la troisième partie, effectivement, que je relaierai une partie de ces questions.

Donc, juste avant la pause musicale qui, effectivement, remonte le moral et qu’on se disait hors antenne, c’est que récemment Amel Bent a mis le feu aux Flammes, l’événement annuel du monde du rap.

Donc, je crois qu’il y a une vidéo en ligne où elle intervient, elle a fait un medley d’une dizaine de minutes qui a mis le feu dans cet événement.

Donc, juste avant la pause, on parlait, on en était sur tes premiers engagements de militante.

On disait que tu étais urbaniste, que tu travaillais pour une structure.

Tu as travaillé pendant combien de temps et est-ce que tu as fait autre chose avant l’engagement politique dont on va parler maintenant ?

Cécile : Oui, j’y ai travaillé dix ans et j’ai commencé à faire de la politique à temps partiel.

Donc, en fait, je continuais de travailler et puis j’ai pris d’abord une journée par semaine, puis deux, et puis ensuite un congé sans solde et puis j’ai démissionné, en fait, au moment où je suis devenue ministre. Très clairement.

Fred : D’accord. Je pensais que c’était moins de temps, effectivement.

Cécile : Non, non, non, non.

Je ne fais pas partie du tout de ces gens qui ont commencé la politique en travaillant au sein de la politique.

Fred : Qui n’ont fait que ça, quoi.

Cécile : Non, moi, j’ai travaillé vraiment dix ans dans un secteur totalement différent.

Puis, en plus, il se trouve que je portais mon nom de femme mariée dans la vie professionnelle et mon nom à moi dans la vie politique.

Mais un jour, j’ai eu un rendez-vous avec un maire qui se trouvait être un éminent dirigeant socialiste et quand il m’a vu rentrer dans son bureau avec mon nom de l’époque, il a bugué. J’ai dit « oui, oui, en fait, j’ai deux noms ».

Et donc, c’était drôle. Mais là, ça a commencé à atteindre ses limites.

Fred : D’accord.

Donc, ton engagement, notamment ton engagement chez Les Verts, il date de 2001, c’est ça ?

C’est le premier parti que tu as rejoint ?

Cécile : Oui.

Fred : Comment ça s’est fait ?

Cécile : Au départ, complètement localement.

En fait, je me suis rapprochée des écolos de la ville où j’habitais, qui s’appelle Villeneuve-Saint-Georges.

Et j’ai rencontré Daniel et Liliane Dayot. Et Liliane, c’était une militante.

Fred : C’est vrai ?

Cécile : Oui, c’est vrai.

Fred : Ah, d’accord.

Parce que Loïc Dayot, leur fils, c’est quelqu’un que je connais très bien. C’est marrant.

Cécile : Et Liliane, c’était une militante féministe qui disait que de toute façon, les filles, il fallait les capturer, il fallait les pousser, sinon elles ne faisaient jamais rien.

Donc, elle m’a capturée.

Donc, elle m’a appelée, appelée, tous les trois mois, quatre mois.

J’ai fini par dire oui pour être sur la liste des municipales, pour compléter la liste.

Et je me suis retrouvée deuxième sur la liste des municipales.

C’est comme ça que ma vie politique a commencé, vraiment. Si Liliane ne m’avait pas vraiment tirée, poussée. Parce que je me rappelle physiquement, le premier congrès vers lequel je suis allée, j’étais sur la liste des délégués, elle tenait mon pull. Et moi, j’essayais de me libérer.

Et elle a fait inscrire mon nom sur la liste en tenant mon pull. Et je disais « mais non, mais Liliane, je ne connais personne, je ne peux pas ».

Et elle disait « si, si, si ».

Et donc, la personne qui prenait les noms, elle dit, « mais t’es sûre qu’elle est d’accord ? ».

Et elle dit « benj non, elle n’est pas d’accord. C’est jamais d’accord, les filles. C’est pour ça que je suis là ».

Voilà. C’est comme ça que ma vie politique a commencé, en fait.

Si Liliane n’avait pas été là, elle ne m’avait pas tirée, je ne suis pas du tout sûre que la suite se serait organisée comme ça.

En tout cas, elle a eu le nez creux, parce que finalement, après, quelle carrière, entre guillemets.

Cécile : Exactement.

Mais je dis souvent en souriant qu’il y a des gens qui ont l’oreille musicale. C’est le cas de ma maman, d’ailleurs. C’est pour ça que je m’appelle Cécile.

Elle rêvait d’avoir une fille musicienne, je pense. La sainte patronne des musiciens.

Il y a des concerts des harmonies, des pompiers et des fanfares le jour de la Sainte Cécile.

Et ça n’a pas marché.

Il y en a qui ont la main verte.

Il y en a qui ont, je ne sais pas, plein de talents.

Et moi, je dois avoir un truc avec la politique.

Fred : Alors justement, c’est une de mes questions.

Ça a été un parcours météoritique, très rapide en fait.

Parce que j’ai noté adhésion au Vert en 2001, donc à 26 ans.

Tu intègres la direction en 2003, deux ans plus tard.

Et tu es élue secrétaire nationale en novembre 2006, réélue en décembre 2008, ce qui est assez rare chez les Verts, parce qu’en général, je crois qu’il n’y avait que Jean-Luc Bennahmias qui avant avait fait deux mandats.

Donc tu es montée très vite.

Quelle qualité, quel talent il faut pour aller aussi vite, à part l’envie ?

Cécile : Alors, je crois qu’il y avait un truc, c’est que je n’avais pas du tout peur et pas du tout envie de faire carrière.

Donc du coup, ça me rendait totalement libre, notamment dans le rapport de force, parce que je n’avais pas peur de perdre.

D’ailleurs, je n’ai jamais eu peur de perdre.

D’ailleurs, je n’ai même pas eu peur de partir du gouvernement ou d’arrêter la politique.

Ça n’a jamais été un objectif pour moi.

Donc, en fait, c’était assez facile de ne pas avoir peur.

Et quand tu n’as pas peur et que tu y vas, des fois, tu perds, parce que j’ai aussi perdu, plusieurs fois et des fois très sèchement.

Fred : On y viendra tout à l’heure.

Cécile : Parfois, tu gagnes.

Ensuite, ce que j’ai aimé, moi, c’est la dimension très collective.

Les partis, c’est beaucoup décrié pour plein de choses, mais quand même, moi, j’ai vécu une aventure qui n’est pas du tout une aventure individuelle parce que dès 2001 et encore plus dès 2003, il y a des gens que je rencontre qui sont toujours des amis aujourd’hui.

Fred : Des gens au parti ?

Cécile : Oui, bien sûr.

Donc, ça a été aussi une aventure amicale, une aventure de troupe, de bande, une aventure où je pense que ce que je voulais surtout, c’était que les gens qui m’avaient fait confiance soient fiers de moi.

Et dans ces cas-là, je pense que je peux déplacer des montagnes.

C’est ça dont je me suis rendu compte.

Fred : D’accord.

Alors, est-ce que tu n’as pas peur ?

Parce que c’est un des sujets, quand même, en politique.

Je parlais de Liliane Dayot qui disait qu’il faut pousser les femmes parce qu’elles ne veulent pas y aller, mais en même temps…

Cécile : Il faut tirer, en l’occurrence.

Fred : Il faut tirer, voilà.

Pas pousser, oui.

Mais en l’occurrence, c’est un monde brutal, le monde politique. Et en a encore plus pour les femmes. Est-ce que tu n’as pas eu peur de ça ?

Cécile : Et encore plus avant MeToo.

Fred : Oui.

Cécile : Moi, je pense qu’il y a eu deux choses.

La première, c’est que j’ai parlé de mes parents et mes parents ne m’ont pas donné une éducation à proprement parler féministe.

Ma mère, je pense qu’elle se qualifierait comme ça, mais ce n’était pas un truc très réfléchi quotidiennement.

En revanche, mon père, qui n’a pas de frère ni de soeur, pas de cousin, pas de cousine, pas de famille proche, il n’avait pas vraiment de référence.

Et du coup, il avait fait une sorte de liste dans sa tête de ce qu’il devait apprendre à un enfant.

Et garçon ou fils, c’était pareil.

Du coup, je sais faire les niveaux d’une voiture, changer les pneus, bricoler.

J’ai même progressé. Il m’a fait un méga compliment. Il m’a dit que là, quand même, même lui, il était impressionné de ce que j’arrivais à faire parce que je me suis lancée dans la plomberie.

Et donc, je pense que j’ai eu une éducation assez asexiste.

Et du coup, c’est vrai que je n’avais pas intériorisé des choses plus difficiles pour les femmes.

Je n’avais pas du tout été… Enfin, on ne m’avait pas appris que ça allait être plus difficile.

Du coup, je n’en avais pas peur.

En revanche, quand je me prenais les murs, oui, c’était violent.

Chez les Verts, plein de fois.

Et puis, évidemment, maintenant, en regardant ce que j’ai vécu à cette période avec des paupières decillés par MeToo, bien sûr que j’ai vécu des choses absolument inacceptables qui s’appellent du harcèlement sexuel, de l’agression sexuelle, enfin, des authentiques délits, mais que je ne percevais pas du tout comme ça à l’époque.

Pire, je pensais que…

Fred : Tu les as subis personnellement, mais tu ne les vivais pas comme ça ?

Cécile : Pas du tout.

Je les vivais comme une sorte de… « Comment on pourrait dire ? » De test ou de bisutage, quoi.

Fred : Ah oui, c’était un test pour savoir si tu étais suffisamment solide pour tenir, c’est ça ?

Cécile : Exactement.

Et que donc, il y avait une part de moi qui était fière de savoir résister, ce qui prouve que c’était complètement dysfonctionnel.

Après, ce que ça a provoqué quand même, c’est que j’ai perdu les élections législatives et j’ai arrêté ou fait une pause de la politique, la vie répondra. Mais en tout cas, j’étais un peu usée quand même. J’avais envie de retrouver un univers plus sain.

Fred : Quand tu dis que tu as perdu les élections législatives, c’est en 2017 ?

Cécile : Oui.

Fred : OK, on y reviendra aussi.

D’accord.

Donc, tu ne t’attendais pas à vivre ça. À l’époque, tu ne conscientisais pas cette difficulté.

Cécile : Pas du tout. Je ne l’ai absolument pas conscientisé.

Fred : Et que finalement, même chez les Verts, malheureusement, entre guillemets, les événements plus ou moins récents l’ont montré, en fait, c’est un peu partout pareil dans les partis.

Cécile : Oui, bien sûr.

Alors, c’est partout pareil dans la société.

Fred : Dans la société, oui, bien sûr.

Cécile : Il n’y a pas d’exception.

Peut-être que c’est sorti plus tôt chez les écolos, justement, parce qu’il y avait une sensibilité plus grande, mais personne n’est préservé de ça.

Et je dois dire, parce que maintenant, ça fait six ans, enfin, plus de six ans que je suis à Oxfam, qui a vécu un scandale et qui, du coup, a fait un travail interne très fort.

Fred : En Haïti, c’est ça ?

Cécile : Oui, exactement.

À quel point je trouve ça reposant.

Je ne sais pas trop ce que ça me ferait d’être dans un univers, maintenant, comment je réagirais ?

Parce que je me suis bien, bien habituée à être dans un safe space, comme on dit, vraiment.

Très, très habituée.

Fred : D’accord.

Alors, on viendra tout à l’heure à Oxfam, bien entendu.

Donc, tu montes très rapidement chez Les Verts.

Tu mènes, je ne sais pas si on peut appeler ça une fusion. Je crois que c’est au moment des Européennes de 2019 ?

Cécile : Oui, la transformation avec Europe Écologie Les Verts.

Fred : Voilà, avec Europe Écologie Les Verts.

C’est donc Les Verts, le parti devient Europe Écologie Les Verts, tu en es secrétaire national.

Ça a du être quand même quelque chose d’assez important. Parce que c’est quand même un changement radical quelque part.

Cécile : Et ça, pour le coup, c’était un vrai défi.

Et bon, après, il y avait aussi des personnalités. Il faut imaginer. C’était Dany Cohn-Bendit, José Bové, Eva Joly, Yannick Jadot. Enfin, c’était des gros crabes. Dominique Voynet, Yves Cochet. Des gros, gros crabes.

Fred : Qu’est-ce que tu entends par le terme « crabe » ?

Cécile : C’est pas des gens qui font pas ce qu’ils n’ont pas envie de faire.

Fred : D’accord, ok. Dans ce sens-là.

Voilà. En fait, il se trouve que j’ai été cambriolée, qu’on m’a tout volé, dont tous mes bijoux, y compris des bijoux que j’avais reçus pour la naissance de mes enfants.

Et du coup, j’ai cherché des vieilles photos pour pouvoir les envoyer à l’assurance.

Et du coup, j’ai retrouvé des vieilles photos de moi chez les Écolos, dont la première conférence de presse que je fais comme secrétaire nationale.

Je suis tombée sur cette photo et j’ai eu beaucoup d’empathie pour cette personne, en fait.

J’avais 31 ans, j’étais vraiment très jeune, en fait.

J’avais 31 ans, j’avais trois enfants petits.

Enfin, même moi, maintenant, je me dis « c’était un peu cosmique, cette affaire, quand même ». Voilà.

Donc, je sais pas trop ce qui m’a poussée à faire ça. La confiance des gens.

Et puis aussi, après mon premier mandat à la direction des Verts, une partie des gens avec qui, enfin, ceux qui m’avaient proposé sur cette liste, quand j’ai commencé à vouloir m’exprimer politiquement et à dire des choses avec lesquelles ils n’étaient pas 100% raccords, ils ont voulu se débarrasser de moi, en gros. Et ça, ça m’a pas plu.

Donc, ouais, je pense que de temps en temps, je peux quand même avoir un peu, un peu mauvais caractère, quoi.

Enfin, je sais pas comment dire, mais de me rebeller.

Fred : Alors, tu parles de ton caractère.

Je sais pas où j’ai noté ça, mais j’ai vu une interview dont le titre…

Alors, je vais le faire de tête parce que je sais pas où j’ai noté ça.

Je crois que c’était une interview de Libé qui avait titré « Avec le caractère que j’ai, il y a 100 ans, j’aurais fini à l’asile ».

Je sais pas si tu te souviens de ça.

Cécile : Ouais, alors je crois pas.

Si, c’est moi qui ai dit ça, mais je crois pas.

Je pense que je serais rentrée dans les ordres et que je serais partie missionnaire à l’autre bout du monde.

Voilà, je pense que c’est ça que j’aurais fait.

Oui, bien sûr, je sais à quelle reconnaissance j’ai à l’égard des féministes qui ont mené un combat qui fait que je peux avoir la vie que j’ai sans que ce soit impossible, y compris même juridiquement. Voilà.

Donc oui, je pense que si j’étais née 100 ans plus tôt, ça aurait été compliqué.

Fred : D’accord.

Cécile : Compliqué, ouais.

Fred : Alors, en termes de mandat, donc t’as eu le mandat local dans le conseil municipal de Villeneuve-Saint-Georges.

Ça, on en a parlé.

T’as aussi été aux régionales, élections régionales.

On va parler un petit peu rapidement et qui est important quand même, c’est le mandat dont tu as parlé, national, qui est le mandat de député.

Cécile : Oui.

Fred : Donc de 2012 à 2017.

Cécile : Oui, en sachant que de 2012 à 2014, je suis ministre.

Fred : Voilà, c’est ça.

On en parlait juste après.

T’as une suppléante.

Est-ce que tu étais prête à être députée ? Est-ce que c’était une suite logique par rapport à ton engagement ? Comment tu l’as vécu, finalement ?

Cécile : C’est bizarre parce que j’ai été députée en même temps que j’ai été ministre, en fait.

C’est-à-dire que j’ai fait la campagne des législatives alors que j’étais déjà ministre.

Donc, c’était un peu tout en même temps.

Fred: : T’étais ministre du gouvernement Ayrault, t’as fait la campagne des législatives, t’as été élue. Donc, c’est ta suppléante qui a pris ta place.

Cécile : C’est ça.

Donc, la question, c’est « est-ce que j’étais prête à être ministre ? » Non, pas du tout.

Fred : Alors, tu étais ministre du logement, de l’égalité…

Cécile : De l’égalité des territoires et du logement.

Fred : Voilà.

Du gouvernement Ayrault, donc, en 2012.

Cécile : Oui.

On était deux ministres écologistes à l’époque puisqu’il y avait Pascal Canfin qui était chez Europe Écologie Les Verts à l’époque.

Et moi, j’étais très, très concentrée pour être à la hauteur du truc.

Donc, pour ne pas me tromper je travaillais beaucoup. J’essayais d’être hyper précise, hyper solide sur le fond.

Et j’essayais aussi d’être habile tactiquement parce que j’étais une ministre écologiste sur des sujets qui n’étaient pas les sujets d’environnement dans un gouvernement où nous n’étions pas majoritaires. Donc, voilà, il fallait aussi être tactique.

J’ai été très concentrée pour réussir.

Après, il se trouve que je me suis rendue compte de ce que c’était être ministre pour certains autres de mes collègues.

Cécile : Alors, c’était ma question.

Comment tes collègues, tes autres collègues t’ont accueilli ?

Cécile : Alors, c’était particulier parce que moi, à l’époque, j’étais cheffr de parti.

Tout le monde, quand même, reconnaissait ce que j’avais fait entre les écolos en 2006 et les écolos en 2012.

Tout le monde savait la part que j’avais prise dans l’accord, dans le fait de préparer la victoire.

On avait quand même gagné les régionales alors qu’on s’attendait à une défaite de la gauche aux régionales.

On avait gagné le Sénat en 2011.

Donc, j’avais quand même une certaine estime, même pour ceux qui ne m’aimaient pas, de ce que j’avais fait comme cheffe de parti je pense.

Mais en revanche, je pouvais aussi beaucoup agacer. Et ça, j’ai conscience de ça.

Ce côté météoritique, je me dis, si je regardais quelqu’un qui avait effectivement, en 6 ans, qui était passé d’inconnu à ministre, tu te dis « c’est quoi cet animal ?

Fred : « Comment elle a fait ? »

Fred : « Ça doit être une espèce de morceau de brique d’ambition intégrale ».

Si tu rajoutais les mômes là-dedans, tu ne suivais pas trop.

Donc, j’étais attendue au tournant, on va dire.

Et j’avais parfaitement conscience que j’étais attendue au tournant.

Fred : Question sur le salon, de Julie.

« Être très concentrée comme ministre, est-ce que l’on peut durer longtemps ou on se fatigue et à un moment, on doit arrêter ? »

Je me rappellerai que tu as été ministre de 2012 à 2014. Tu expliqueras pourquoi tu as quitté le gouvernement.

Cécile : Alors moi, j’étais moins fatiguée plus le temps passait.

C’est-à-dire qu’au début, j’avais peur en fait. Je ne savais pas comment il fallait faire. Je n’avais pas les codes.

Je ne savais pas bien comment gérer le Conseil d’État, le Conseil constitutionnel, la mécanique interne, le rôle du secrétaire général du gouvernement, etc.

Et ensuite, franchement, je vais dire les choses, ces deux années, pour moi, fabuleuses.

Je suis restée six ans secrétaire nationale des Verts.

Et à la fin, je me disais « est-ce que tout ça sert quand même à quelque chose ? »

Parce que oui, je sais gagner des congrès, gérer des trucs internes, mais en fait, tu ne fais pas ça, ça n’a pas de fin en soi.

Et là, quand tu arrives à faire l’encadrement des loyers, ben ça change ta vie. Moi, ça a changé ma vie.

Déjà, il y avait eu le pass unique à la région Île-de-France, puis l’encadrement des loyers.

Et là, je me suis dit, tout ce que j’ai appris, tout mon savoir-faire de popol, de tactique, de tout ça.

Fred : De popol ?

Cécile : C’est le côté tacticien de la politique on va dire.

Fred : Politique politicienne quoi.

Cécile : Tout ça, si ça sert à faire l’encadrement des loyers, si ça sert à faire le PLUi [note de transcription : Plan Local d’Urbanisme intercommunal], si ça sert à faire une loi contre les marchands de sommeil, c’est ultra satisfaisant.

Et c’était un crève-cœur de partir.

Tous ceux qui pensaient que c’était tactique, stratégique, pas du tout. C’était un crève-cœur.

J’ai vraiment beaucoup aimé, eu le sentiment d’être utile, et même eu le sentiment d’être bonne, d’être faite pour faire ça.

De bien comprendre les jeux d’acteurs, comment emmener tout le monde.

Je suis très fière que la loi ALUR [note de transcription : loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové] elle ait été votée, y compris à l’époque, par le groupe communiste, qui ne faisait pas partie du gouvernement.

D’avoir aussi tissé des liens et un dialogue.

On a peine à imaginer ça quand on voit l’État du Parlement aujourd’hui.

Mais les débats sur la loi ALUR, ils étaient assez calmes, y compris sur l’encadrement des loyers, avec des gens qui étaient pour, mais c’était intelligent. Il y avait de vraies discussions.

Dans la loi ALUR, il y a des amendements de l’opposition. Et j’ai aussi beaucoup aimé le travail parlementaire.

Alors, en étant au banc comme ministre. Comment on élabore une loi, comment on réussit à mettre en mouvement la société. Franchement, c’était génial.

Et je n’étais pas du tout fatiguée. Pas du tout, du tout. J’étais en pleine forme.

Fred : Tu quittes en 2014 le gouvernement quand Manuel Valls est nommé Premier ministre.

Cécile : Oui.

Fred : Parce que tu es en désaccord avec un certain nombre de choses que porte Manuel Valls.

Cécile : D’ailleurs, là, c’est le moment où il y a eu des choses vraiment très sexistes.

Il y a une commentatrice qui a dit « l’amoureuse déçue de François Hollande », que je faisais un caprice.

C’était très hard, alors que c’était très politique.

Et puis, quand on voit le parcours qu’a suivi Manuel Valls, franchement, je pense que je ne m’étais pas trompée. Voilà.

Fred : Donc, tu as parlé du côté vraiment action concrète côté gouvernement sur les projets de loi.

Donc là, tu rejoins l’Assemblée nationale parce que tu as été élue en 2012.

Tu quittes le gouvernement.

Donc là, tu passes quelque part de l’autre côté.

Et donc, finalement, entre les deux, est-ce qu’il y a un côté qui est mieux que l’autre ? C’est forcément différent, bien sûr, mais comment tu l’as vécu ?

Sachant que tu as été donc députée de 2014 à 2017.

Cécile : C’était particulier parce que c’était l’époque où on était députée de la majorité, mais avec une situation de tension avec cette majorité.

Puis ensuite, il y a eu les attentats de 2015, l’état d’urgence.

Enfin, ça a été très tendu.

Donc, ce que j’ai vécu pendant les deux premières années, du côté gouvernemental de la construction de la loi, ça a été moins le cas après, c’était beaucoup plus tendu, beaucoup plus difficile.

Et puis, j’ai été coprésidente du groupe écologiste, qui a ensuite éclaté parce qu’un certain nombre de parlementaires, enfin, certains sont rentrés au gouvernement. Ça n’a pas été super fun, on va se le dire.

Fred : D’accord.

Tout à l’heure, tu disais, des fois on gagne, des fois on perd.

Tu étais secrétaire nationale des Verts pendant donc deux mandats.

Cécile : Trois mandats.

Fred : Trois mandats, excuse-moi.

En 2016, il y a la primaire écolo pour la présidentielle de 2017.

Tu es candidate, mais finalement, tu ne passes pas le premier tour.

Cécile : Ah oui, je super-perds.

Fred : En l’occurrence, tu super-perds.

Et c’est un peu une surprise quand même.

Cécile : Alors, c’est une surprise pour les commentateurs, pas pour moi.

Je l’avais même dit à une journaliste politique.

J’avais dit, soit je suis élue au premier tour, soit je ne suis même pas au second tour.

Elle m’a dit « hein », j’ai « je pense que c’est la probabilité la plus forte »

Et donc, j’ai un témoin, c’était une journaliste du Monde.

Fred : Mais pourquoi tu étais sûre de ça ?

Cécile : Parce que je connais les écolos.

Fred : D’accord.

Les têtes qui dépassent, on les enlève ?

Cécile : Ce n’est pas que les têtes qui dépassent.

C’est remettre le truc à zéro régulièrement.

C’est ne pas être là où on t’attend.

C’est à moi faire payer cette période qui n’avait pas été sympathique du départ d’un certain nombre de figures des écolos.

Donc, c’est un peu tout mélangé.

Je pense que certains disaient que j’avais une mauvaise image.

Il y avait plein de raisons.

Mais je le savais.

Et je le savais en étant candidate à la primaire.

Et je pense qu’au fond de moi, j’ai peut-être cherché ça.

Je me sentais tellement en dette à l’égard des écolos qui m’avaient quand même pour le coup permis l’aventure et une vie.

Que là, au moins, on était quittes quoi. Ils m’avaient foutue dehors avec les honneurs, plutôt sans les honneurs.

Donc, balle au centre.

Fred : Donc, quelque part, est-ce que c’était un soulagement de ne pas te lancer dans ce qu’allait être une campagne ?

Cécile : Non, je ne peux pas dire que c’était un soulagement.

C’était les boules.

Mais je m’y attendais.

Franchement, je pense que je connaissais vraiment sur le bout des doigts cette organisation et les gens.

Et à part une blessure personnelle de quelqu’un qui, à l’époque, ne m’a pas soutenue du tout et a même soutenu un autre candidat. Et ça je ne m’y attendais pas. Pour le reste, je m’attendais à ce qui s’est passé.

C’était assez logique en fait, mais c’était un peu libérateur. Parce qu’on ne pouvait pas me reprocher de ne pas avoir essayé. Et comme on m’avait dit « ciao », en même temps, on m’avait libérée.

Fred : Si je me souviens bien, à la présidentielle d’avant, tu n’avais pas voulu y aller, c’est ça ?

Cécile : Exactement.

Fred : Tu ne te sentais pas prête.

Cécile : J’avais dit ça, ce qui était vrai.

J’avais à l’époque une fille qui était petite, mais aussi une partie d’Europe Écologie Les Verts avait organisé la candidature d’Eva Joly pour m’empêcher.

Et moi, je m’étais dit, je ne vais pas me bagarrer avec Eva Joly.

Non, pas d’intérêt, je ne veux pas.

J’avais déposé les armes avant l’embrayon d’un début de combat.

Fred : D’accord, OK.

On va faire une petite pause musicale avant de continuer.

Pareil, je vais te demander l’explication de cette chanson, de 78, je crois bien, de Mannick « Je viens du fond de mon enfance ».

Cécile : Ben, on va l’écouter.

Fred : On va l’écouter ? OK. On va écouter « Je viens du fond de mon enfance » par Mannick, on se retrouve dans deux minutes. Belle soirée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

[ Diffusion de la pause musicale ]

Voix du jingle (Laure-Élise Déniel) : Cause Commune, 93.1.

Nous venons d’écouter « Je viens du fond de mon enfance » par Mannick.

Nous sommes toujours avec Cécile Duflot, dans Chemins de traverse sur tadio Cause Commune.

Vous pouvez nous rejoindre au 09 72 51 55 46. Je répète 09 72 51 55 46. Ou sur le salon web dédié à l’émission sur le site causecommune.fm, bouton chat, salon Chemins de traverse.

Pourquoi ce choix de chanson alors, Cécile ?

Cécile : Parce que c’est Mannick.

Vu qu’il fallait qu’on parle depuis le début, je pense que Mannick et Joe Akepsimas, c’était les hits de toute mon enfance.

Ils chantaient des chansons pour enfants. Géniales. D’ailleurs, j’aurais dû peut-être choisir une chanson pour enfants.

Et puis, ils chantaient aussi des chansons catholiques, justement dans la mouvance dont on a parlé. Plutôt catho de gauche.

Et aussi des chansons féministes. Mannick, elle, chantait beaucoup de chansons féministes. Elle a été redécouverte d’ailleurs assez récemment par plusieurs jeunes femmes.

Et puis, j’aime bien cette chanson qui est de son époque. C’est vraiment les années 70. Les longs cheveux, les longues robes et la guitare.

Mais qui dit qu’on vient du fond de son enfance. Ce que je crois assez vrai. En tout cas, en ce qui me concerne, c’est sûr.

Fred : D’accord.

Juste avant la pause musicale, on était en 2017.

Enfin non, on parlait de la primaire écolo de 2016 avant l’élection présidentielle de 2017.

En 2017, tu n’es pas réélue en tant que députée. Et donc, tu décides d’abandonner la politique. ALors, on va voir si tu as abandonné la politique après.

Et tu prends le poste de directrice générale de l’ONG Oxfam France.

Avant que tu présentes ce que fait Oxfam France, est-ce qu’on est venu te chercher ? Est-ce que c’est toi qui as candidaté ?

Cécile : J’ai perdu les législatives en juin. Là aussi, je le savais. Ça avait été vraiment très organisé pour que je perde. Notamment par une partie des socialistes. Donc, je m’y suis préparée.

Et je m’était dit, soit je suis réélue et je continue. Mais si je ne suis pas réélue, je prends la tangente et je fais autre chose. J’ai 42 ans, c’est le moment.

Et c’est ce qui s’est passé.

En vrai, pendant six mois, j’étais au chômage. Et pour le coup, ça c’est un souvenir de grande récréation. Parce que j’ai pris une carte illimitée au cinéma. Je suis allée au cinéma à 10h du mat.

Des trucs que je n’avais jamais fait de ma vie. J’ai appris à faire de la menuiserie. J’ai adoré ça.

J’ai fait plein de choses, en fait. J’ai fait plein de choses que je n’avais jamais eu le temps de faire.

Parce que là, personne ne m’attendait. Donc, ça, c’était vraiment bien.

Et on n’est pas vraiment venu me chercher pour le poste de DG. Il y a eu une annonce qui a été publiée. Mais quelqu’un m’a demandé de postuler. Il ne m’a pas dit « viens ». Les gens pensent, non, non, pas du tout. « Est-ce que tu accepterais de postuler ? » J’ai dit « moi, franchement, j’adorerais, mais est-ce que le CA va recruter une ancienne femme politique ? « À l’époque, j’étais très identifiée, très connue. Et la personne en question m’a dit « oui, oui. Ça a été discuté. À partir du moment où c’est quelqu’un qui s’engage à ne plus faire de politique, il n’y a pas de problème ».

Du coup, j’ai candidaté.

J’ai dû faire huit entretiens, dont deux en anglais, un test psychotechnique. Enfin, vraiment le processus de recrutement.

Et j’ai été choisie. Et j’ai été très contente de l’être.

Et je suis toujours très contente d’être la directrice générale d’Oxfam.

Fred : Alors, Oxfam France, donc, en 2018.

Donc, c’est quoi, Oxfam, pour les personnes qui ne connaîtraient pas ?

Cécile : Alors, Oxfam, c’est une ONG internationale, mais qui est une confédération, donc qui regroupe des ONG nationales, dont Oxfam France, qui existe depuis 1989, qui est née sous le nom de Agir ici pour un monde solidaire, à l’époque, et qui a rejoint en 2006 la confédération Oxfam.

Qui est une ONG de lutte contre les inégalités, contre la pauvreté et contre le changement climatique, qui participe de l’aggravation de la pauvreté, à la fois en ayant des actions sur le terrain, notamment en apportant une réponse à des situations de crise humanitaire, que ce soit à la suite de conflits ou de catastrophes naturelles, ou de catastrophes naturelles liées au changement climatique

Et puis aussi tout un travail de plaidoyer, donc de publication de rapports et de mobilisation du pouvoir citoyen pour essayer de faire bouger les choses, avec des centaines de bénévoles qui forment des groupes locaux dans maintenant presque 20 villes en France.

Fred : Est-ce que ce plaidoyer va jusqu’à la sensibilisation du pouvoir politique ?

Cécile : Oui.

Fred : Est-ce que tu te retrouves finalement de l’autre côté aujourd’hui ?

Cécile : Ah oui, plein de fois !

Plein de fois, j’en suis retrouvée de l’autre côté, y compris techniquement à un moment marrant, puisqu’on avait été invités à plusieurs reprises, dont une fois sur la situation en Syrie, par le président de la République, dans la salle du Conseil des ministres, et donc assise autour de la table du Conseil des ministres, mais en tant que directrice d’ONG, face au président et à quelques ministres. C’était rigolo.

Fred : C’était le président Hollande ou le président Macron ?

Cécile : Ben non, c’était le président Macron. J’étais députée jusqu’à la fin de 2017.

Fred : Oui, effectivement, excuse-moi.

Et donc il y a aussi des porte-paroles, qui sont responsables de certains dossiers, qui s’expriment aussi dans les médias, et qui vont aussi rencontrer des parlementaires.

Et cette semaine, là, on est tous très très mobilisés. D’ailleurs, tous les gens qui nous écoutent, déjà, peuvent signer la pétition, en allant sur le site d’Oxfam France, pour essayer de peser sur le vote des sénateurs, qui vont voter demain, sur la taxe dite Zucman , qui est une taxe minimale sur les plus riches des plus riches, et notamment les milliardaires.

Fred : Alors Zucman, c’est Zu ?

Cécile : C’est Zucman.

Fred : En termes d’organisation, Oxfam Monde et France, c’est combien de salariés ? C’est combien de bénévoles ? Une ordre de grandeur ?

Cécile : Oxfam France, c’est, on va dire, 500 bénévoles réguliers, et encore beaucoup plus pour l’organisation de nos événements, que sont les marches solidaires des Trailwalkers Oxfam.

C’est un peu plus de 50 salariés, mais dans le monde, c’est 5 000, un milliard de budget, 90 pays.

Fred : Et c’est quoi le financement ?

Cécile : Le financement, c’est les donateurs privés.

Chez nous, c’est à peu près la moitié.

On a 60 000 donateurs à Oxfam France, et si vous voulez en faire partie, n’hésitez pas.

Si on peut publier des rapports, mener nos actions, c’est grâce à ces donateurs privés, dont certains nous donnent 10 euros par mois.

Je fais partie des donateurs d’Oxfam.

Donc, voilà, donner.oxfamfrance.org, n’hésitez pas.

Et puis, des financements institutionnels, donc de fondations, de fondations privées, ou en France du Centre de crise et de soutien, qui est l’organisme du ministère des Affaires étrangères qui supporte l’aide humanitaire, et puis de l’Agence française de développement.

Fred : D’accord.

Sur le salon, Julie signale un podcast récent, dans le cadre de Podcasthon, qui a eu lieu il y a quelques semaines, avec toi, le podcast s’appelle Soif de sens, sur Oxfam, avec Cécile Duflot. On mettra le lien sur la page consacrée à l’émission.

Sinon, vous cherchez le podcast Soif de sens.

Cécile : C’est ça.

Fred : Ça doit être un sacré changement, quand même, de passer de plusieurs années, longues années politiques, que ce soit dans un parti, au gouvernement, à l’Assemblée, et finalement de se retrouver aujourd’hui dans une ONG.

C’est forcément différent, mais est-ce que c’est entre guillemets plus « tranquille » ou est-ce que c’est plus reposant ?

L’image que j’ai d’une femme politique, et j’insiste sur le terme « femme », c’est que ça doit être très dur.

Je me dis que dans une ONG, quelque part, il doit y avoir une forme de repos.

Cécile : Alors, oui et non.

C’est beaucoup moins dur humainement.

Les gens sont vraiment smooth.

En plus, moi, je suis la directrice, donc l’équipe salariée, je suis comptable du fait que l’ambiance, les conditions de travail soient bonnes. Ça fait partie de mon travail.

Donc, si ça ne se passe pas bien, c’est en partie de ma responsabilité. En tout cas, c’est de ma responsabilité de faire en sorte que ça se passe bien.

Ça c’est le premier point.

La deuxième chose, c’est que les relations avec le CA, c’est qu’il n’y a pas du tout les conflits de personnes qu’on peut imaginer.

Alors, il peut y avoir quelques tensions, ça peut arriver, mais ça n’a rien à voir.

Ensuite, en termes d’emploi du temps, honnêtement c’est pas forcément plus léger.

Parce qu’il y a plein de choses tout le temps.

Les sujets ne sont pas non plus plus légers.

Quand on travaille, comme c’est notre cas sur Gaza, tu ne t’endors pas toujours sereine.

C’est une organisation qui est présente sur toutes les catastrophes humanitaires.

Y compris celles qui ne sont pas sous les caméras, ce qui se passe en Éthiopie, ce qui se passe au Soudan, ce qui se passe au Yémen.

Là, tu le sais en fait, c’est parce que tu as des collègues. Tu n’es pas hérémétique au malheur du monde. C’est le moins qu’on puisse dire.

C’est ton rôle d’essayer de trouver des solutions, en tout cas d’apporter des financements à nos collègues sur le terrain qui s’efforcent de trouver des solutions.

Donc non, en termes de temps, ce n’est pas moins, on va dire.

J’ai autant mes week-ends pris qu’avant, pour dire les choses.

Mais le climat, c’est différent.

Et puis, il y a une chose très différente, c’est le rapport au temps.

C’est-à-dire que la vie politique est rythmée par les rendez-vous électoraux, donc les élections externes, mais aussi les enjeux internes, les congrès, les élections internes.

Dans notre organisation, on peut avoir une stratégie sur cinq ans. On peut prévoir les choses.

On n’est pas du tout contraints par les mêmes impératifs de temps.

Fred : C’est-à-dire que vous pouvez agir sur le temps long sans avoir la peur de la perte lors d’une prochaine élection.

Cécile : Exactement.

Et puis par ailleurs, je suis en CDI.

Truc qui ne m’était pas arrivé depuis 20 ans.

Et donc, pour dire, quand je suis arrivée, les gens, c’est marrant parce que les gens, y compris les salariés, ils avaient peur que je vienne pour pas longtemps.

Fred : Oui, que ce soit entre deux mandats.

Cécile : Exactement, alors que moi, c’était le contraire.

J’avais très envie de développer Oxfam France, que je connaissais comme parlementaire, dont je savais la qualité du travail et je trouvais que l’audience médiatique n’était pas à la hauteur de la qualité du travail.

Donc, pour le coup, j’avais un truc qui m’encombrait un peu, c’est ma notoriété.

C’est le seul truc où je me suis plantée, en fait. J’ai juste pas réfléchi. Cest que je me suis dit « bon, quand je vais arrêter la politique, je vais redevenir anonyme ». Et en fait, pas du tout.

Pas du tout, parce que les gens, ils te connaissent toujours, ils t’interpellent toujours, etc.

Alors, avec le temps, moins, parce que je suis beaucoup moins visible médiatiquement, c’est aussi un choix.

J’ai choisi d’aller dans les médias dans les moments où je peux parler des sujets d’Oxfam, où on va pas m’interroger immédiatement sur la politique, la polémique politicienne du jour.

Donc, ça a été un choix, mais je pensais que ça allait s’arrêter, et finalement, en fait j’ai trouvé ça chouette de pouvoir mettre au service d’Oxfam cette notoriété qui pouvait m’encombrer parfois.

Fred : D’accord.

Alors, comme le temps passe vite, on va revenir un peu sur la politique.

Peut-être, je ne sais pas s’il y a un manque ou pas.

Cécile : Tout le monde pense ça. C’est drôle.

Fred : Alors, déjà, est-ce que tu as un manque ?

Est-ce que tu as des regrets ?

Et de quoi es-tu la plus fière ?

Il y a trois questions, mais sur cette période politique avant.

Cécile : Est-ce que j’ai un manque de plus faire de politique ?

Non.

Fred : Politique, politicienne, mandataire ou autre.

Cécile : Non, parce que je pense que ce que je fais là, et ce qu’on a fait notamment avec le Pacte du pouvoir de vivre, avec l’Alliance écologique et sociale, c’est de la politique, et c’est très utile.

C’est-à-dire que moi, je suis obsédée par l’idée que c’est possible de gagner, qu’une majorité sociale, écologique puisse l’emporter, et de ce que ça veut dire, ensuite, de comment on pourrait faire les choses.

Parce que, pour le coup, mes deux années au ministère ont été extrêmement formatrices, et moi, ce qui m’intéresse, c’est que ça marche.

C’est pas d’être dans la conquête qui n’arrive jamais, c’est pas d’être dans la pureté de la plus pure, c’est de se dire comment on fait pour, effectivement, essayer de faire des choses qui fonctionnent, et qui pèsent réellement sur la vie des gens.

Donc, là, je pense que, à la fois, pour moi, si j’étais restée dans l’univers politique, je serais peut-être devenue une sénatrice aigrie, donc je n’aurais pas été utile, y compris au combat qui est le mien, et donc, je suis plus utile en ayant fait ce pas de côté, en faisant des choses d’une autre manière.

Et puis, pour tout dire, la politique actuelle, là, elle ne m’a pas fait très envie.

Moi, ça ne m’aurait pas fait plaisir d’être députée d’opposition et de voir ce que faisaient les macronistes en fait.

Je pense que ça m’aurait vraiment peut-être un peu déprimée.

Donc, non, je ne ressens pas un manque.

Fred : D’accord.

Alors, on va revenir sur les questions regrets ou les choses fières après, mais comme tu parles de ça, je vais relayer l’une des questions sur le salon de tout à l’heure, qui est « Est-ce que tu aurais pu être la candidate du Nouveau Front Populaire au poste de Première ministre en 2024 ? ».

Et je vais étendre « Où est-ce que tu aurais pu être, par exemple, comme Dominique Voynet, qui est redevenue députée en 2024, est-ce que tu aurais pu être candidate au poste par un mandat de députée en 2024 ? ».

Cécile : Oui, la question s’est posée.

On m’en a parlé. Il fallait décider très vite.

Je ne sais pas si j’ai bien fait. Je ne saurais jamais, en vrai.

Mais je ne me suis pas du tout sentie de lâcher Oxfam, ce qu’on avait construit du jour au lendemain.

Ça, c’est une première chose.

Deuxième chose, sur la séquence de cet été, j’ai donné une interview au Monde, à l’époque, parce que mon nom est sorti dans le journal.

Je crois que la manière dont le Nouveau Front Populaire s’y est pris ne pouvait pas aboutir, en fait.

Auand on a été socialisée, comme moi, chez les écologistes, où il faut gagner une majorité à 60 %, on sait hyper bien compter.

Et donc, quand on gagne avec 34 %, on ne peut pas former un gouvernement avec 34 %, ça ne marche pas.

Et donc, comme le sujet c’était ça, puis que ça a pris deux semaines, ça ne pouvait pas marcher. Je pense qu’ils n’ont pas pris le truc par le bon bout.

J’entends bien que c’est compliqué, et j’entends bien que certains ont d’autres stratégies.

Et moi, je n’ai pas d’inimitié pour les gens qui ont des stratégies différentes, mais on peut constater parfois des désaccords.

Fred : D’accord.

Une autre question, j’en profite, qui est posée sur le salon web.

« Que voulais-tu dire lorsque tu as dit, en mars 2025, sur France Culture dans l’émission Sens Politique, que tu mettras toute ton énergie pour déjouer le scénario de 2027 ? ».

Cécile : Il y a quand même un scénario, et je trouve qu’il est en train de progresser en plus, et ça m’exaspère, d’acceptation de la défaite, parce que je dis bien ça, face à l’extrême droite, en gros.

Fred : C’est-à-dire que la victoire annoncée du RN.

Cécile : Oui.

Et puis, ce qui m’a vraiment beaucoup marquée, c’est une personnalité éminente de gauche qui m’a dit « de toutes façons, peut-être qu’il faut en passer par là ».

Et ça…

Fred : Pour les essayer, c’est ça ?

Cécile : Non, non, c’est « les Français ont besoin de ça ».

Et ça, les bras m’en sont tombés.

Parce qu’on a vu ce que ça donne.

Ce que ça a profondément changé dans ma vie, Oxfam, vraiment à 2 000 %, c’est que j’étais vraiment très franco-française.

Chef de parti français, ministre de l’égalité des territoires français et du logement français.

Donc, j’étais ultra-franco-française.

Et je suis devenue tout le contraire depuis plus de six ans maintenant. Enfin, même presque, bientôt sept.

Donc, quand on voit ce que ça a donné au Brésil, ce que ça a donné en Inde, ce que ça a donne aux États-Unis.

Enfin, on ne peut pas dire ça. Et on ne peut pas se résigner. Et on ne peut pas baisser les bras.

Et donc, ce que je voulais dire, c’est que, en fait, quand on est dans une ONG, surtout comme la nôtre, qui n’est pas partisane, on peut être tenté, et d’ailleurs, c’est le cas de beaucoup, je vois beaucoup de mes collègues, surtout quand on voit l’état du débat politique aujourd’hui, de se dire « je reste très à distance de la vie politique ».

Fred : Je reste neutre quoi.

Cécile : Un peu. « Je les laisse faire ».

Et ça, je me dis à moi-même, et là, pour le coup, il faut que je me force un peu, que « ce n’est pas possible de faire ça ».

On tient tous un bout de l’histoire.

Et moi aussi, toutes les personnalités, entre guillemets, de la société civile et d’ailleurs, si jamais ça bascule vers le pire, d’abord ce sera vraiment dramatique, mais ensuite, on ne pourra pas dire que ce n’est pas de notre faute.

Et être, et c’est vraiment une réflexion qui progresse chez moi, c’est de se dire « en fait, on a été habitués à être dans les ONG et dans la société civile par temps calme ». En gros, il y avait alternance entre Bérégovoy et Balladur.

C’était quand même, ce n’était pas non plus violent, violent.

Sauf qu’en fait, on n’est pas préparé à ça.

Mais pour avoir beaucoup lu, j’ai beaucoup lu, notamment les débats parlementaires au moment des grands basculements de l’histoire.

Avant la Première Guerre mondiale, il y a plein de monde qui ne mesure pas ce que ça va être cette boucherie absolument abominable qui nous a marqués pour très longtemps.

Donc, quand on est là, on a une part de responsabilité. Et il faut être bien conscient de cette part de responsabilité.

Ce que je voulais dire, c’est que je suis consciente de ça.

Et que je pense qu’on ne peut pas se cacher derrière son petit doigt en se disant « on va se concentrer sur nos petits sujets internes à nous ». Voilà.

Fred : Là, c’est une réflexion personnelle ou est-ce que c’est aussi une réflexion au sein de l’ONG ?

Cécile : C’est une réflexion au sein d’Oxfam.

Bien sûr, on est très conscients de ça.

On sait ce qui est arrivé à nos collègues. À Nos collègues d’Oxfam en Inde. L’ONG, elle est éteinte.

Nos collègues indirects de Greenpeace aux Etats-Unis, là, ils vont quasiment faire faillite à cause d’un procès où ils ont été condamnés sur la base de lois qui ont été interprétées par les juges en leur grave défaveur et c’est des dizaines de millions de dollars qu’ils doivent payer.

Nos collègues, enfin, ma collègue brésilienne, il y a eu trois fois, je crois, le siège d’Oxfam Brésil qui a été attaqué et incendié.

On sait très bien qu’on est parmi les gens qui sont susceptibles d’être menacés dans l’hypothèse d’une victoire de l’extrême droite et qu’à l’inverse, on peut aussi participer d’une mobilisation pour faire échec à ce scénario annoncé.

Donc c’est du dosage compliqué.

Et puis, j’allais dire, il y a la responsabilité de l’organisation dans les limites de ses statuts, de ce qu’elle fait, de son engagement.

Mais aussi, au sein de cette organisation, il y a tout un tas d’individus, de bénévoles, de salariés qui ont aussi des engagements.

Il y a beaucoup de nos salariés qui ont des engagements, y compris qui peuvent être sur des positionnements qui peuvent être un peu plus… aller un peu plus loin que les positionnements d’Oxfam parce que c’est des citoyens.

Mais moi aussi, je suis une citoyenne en fait.

C’est ça le truc, c’est que je suis aussi une citoyenne, et je suis une citoyenne qui a un passé, une histoire, et une lucidité sur les événements et les conséquences, peut-être plus grandes que d’autres parce que j’ai eu cette chance ou ce hasard d’avoir un certain nombre de responsabilités.

Et donc j’ai conscience de ça.

Et je dois dire que ça s’est apparu avec beaucoup plus d’acuité lors des législatives partielles après la dissolution parce que là, et moi j’ai vécu un moment vraiment très très précieux, c’est cette mobilisation énorme de la société civile pour pousser au désistement d’entre deux tours.

Je sais comment ça se passe entre les partis, et il n’y aurait jamais pu avoir de discussion entre LFI et les Macronistes pour des espèces de désistements réciproques.

Et donc il fallait qu’il y ait un tiers extérieur qui se mêle de ça et ça a été une mobilisation de la société civile incroyable.

Incroyable, remarquable, fabuleuse dont je suis encore aujourd’hui admirative.

Alors on y a participé avec Oxfam, mais on était évidemment loin d’être les seuls et franchement, heureusement, sinon il y aurait peut-être 350 députés RN.

Fred : Dernière question que je relaie du salon.

« Les anciens espoirs de la gauche sont-elles et-ils condamnés à redevenir député en réserve de la République comme François Hollande, retraité actif comme Jean-Luc Mélenchon ou responsable d’ONG comme Benoît Hamon ? »

Cécile : Je ne comprends pas cette question.

Fred : En la disant, je ne suis pas tout à fait sûre de comprendre la question.

Cécile : En fait c’est assez marrant parce qu’il y a des gens qui disent que quand tu as une responsabilité politique ça ne doit pas être une carrière, tu dois pouvoir t’arrêter.

Moi par exemple, je me suis arrêtée.

Mais, quand tu t’arrêtes, on te dit « du coup vous êtes dans une ONG tranquille ».

Tranquille, bon, pas forcément tranquille.

Fred : Une ONG ce n’est pas forcément tranquille.

Cécile : Non, ce n’est pas forcément tranquille.

Mais moi ça me plaît.

Ailleurs, on dira « elle a trahi ». Si j’étais allée travailler pour un promoteur immobilier, on aurait dit « elle a tout trahi ».

Donc en fait, tu n’as jamais de bon truc.

Moi, je n’aurais pas pu faire autrement.

Si tu restes engagée, on attend toujours que tu reviennes.

A chaque élection, il y a eu des petits papiers pour dire « mais Cécile Duflot, ceci, cela » y compris sur des trucs internes, des écolos, ce qui m’a un peu fatiguée.

Donc moi, j’ai décidé de le prendre bien.

C’est que je dois manquer à des gens.

Ça me fait plaisir.

Fred : Je pense que ton nom sera recité en 2027 à divers degrés.

Je reviens quand même sur les questions que je ne t’avais pas laissé finir sur la partie politique.

Je t’avais demandé si tu avais des regrets et de quoi tu étais aussi la plus fière de cette période politique.

Cécile : Un regret, je ne sais pas si c’est un regret. La décision de quitter le gouvernement en 2014, c’était une décision très lourde.

Et en vrai, je ne saurais jamais si c’était la chose à faire ou pas.

J’ai senti très profondément que c’est ce que je devais faire, que je ne pensais pas du tout qu’il y avait une option où Manuel Valls, Premier ministre ça nous emmenait dans une bonne direction.

Mais force est de constater que notre départ ça a été aussi une espèce de brèche.

Fred : L’ouveture des vannes ?

Cécile : Oui, voilà, et rien n’est jamais remonté.

D’ailleurs, François Hollande n’a même pas pu être candidat et la gauche a été littéralement balayée.

Est-ce que c’était la bonne idée ?

Franchement, je ne peux pas dire que c’est un regret.

Ou si c’est un regret, le regret, c’est de ne pas savoir quelle était vraiment la bonne décision.

Fred : Et de quoi tu es la plus fière ?

Plusieurs choses, ça peut être de cette période-là.

Cécile : Politiquement ?

Fred : Politiquement oui. Ou même, tu peux étendre.

De quoi tu es la plus fière de ce que tu as fait depuis maintenant ?

Cécile : Franchement, de mes enfants.

Fred : Je m’attendais un peu à la réponse.

Cécile : C’est marrant parce qu’on n’ose pas dire ça.

Je le disais tout à l’heure. En fait maintenant, j’ai envie de dire que j’adore être mère, j’adore cette aventure-là.

Pourquoi je dis que je suis fière ?

Parce qu’ils sont tous épatants.

C’est-à-dire qu’ils ont tous trouvé la voie de leur propre épanouissement.

Et j’ai bien conscience que ce n’est pas forcément simple d’être les enfants de Cécile Duflot, à la fois à titre personnel, mais en plus avec le côté médiatique, la place que ça prend, etc.

Ma dernière fille, elle est née quand j’étais secrétaire nationale.

Comme moi je n’ai jamais voulu me séparer de mes bébés, mais en revanche, je n’ai pas voulu arrêter de travailler. Elle a assisté aux réunions de direction politique des Verts. Elle avait 15 jours. Elle est passée de bras en bras.

Elle a fait une campagne électorale à 3 semaines.

Elle est allée lancer Europe Ecologie avec Dany Cohn-Bendit à Ljubljana, elle avait 2 mois.

Je me suis demandée ce que ça allait faire.

Maintenant, elle a 17 ans.

Honnêtement, c’est une très jolie personne.

Un peu fatiguante, mais quand je lui fais des remarques et que je lui dis qu’elle essaye de m’embrouiller, elle me regarde et elle dit « 17 ans de popol ».

Voilà. Mes enfants.

Sinon, politiquement, je me suis dit qu’il y a 3 choses.

Je laisse 3 choses en gros.

Le passe Navigo à zone unique, la loi ALUR, mais surtout l’encadrement des loyers, et l’histoire de la robe, parce qu’en vrai…

Fred : C’est vrai qu’on n’a pas parlé de ça.

Cécile : Personal political legacy.

C’est une putain de robe.

Fred : Qui est dans un musée maintenant, c’est ça ?

Cécile : Non, je l’ai prêtée à un musée, mais je l’ai récupérée.

L’histoire est très simple.

Je vais au premier conseil des ministres en jeans, sans vraiment le faire exprès, parce que mon pantalon est chez le retoucheur. Le pantalon du tailleur que je m’étais acheté.

Et ça fait tout un pataquès.

Du coup, je me dis qu’il faut que je m’achète des vêtements sobres. Et du coup, je m’achète une robe qui, pour moi, est une robe de dame. Avec des manches, pas de décolleté, qui va sous le genou.

Et le jour où je porte cette robe, tous les députés de droite, à l’Assemblée nationale, plein de députés de droite, se mettent à me siffler de manière hyper grossière.

Et ça fait une polémique.

Mais moi, je me cache à l’époque. Je réagis pas du tout, du tout. J’en parle pas pendant une semaine, etc.

Et après, cette histoire a pris une ampleur. Ça m’a complètement dépassée. Des gens en ont parlé dans le monde entier. Comme le symbole du sexisme en politique quoi.

Et donc, voilà.

Ça fait trois choses.

Je peux pas dire que je suis fière de cette histoire, parce que, vraiment, j’y suis pour rien.

Mais, je pense que ça a marqué un moment.

En revanche, le reste, l’encadrement des loyers, dont va s’ouvrir le débat sur le renouvellement de ce qui a été mis dans la loi ELAN, qui est donc une expérimentation, c’est quelque chose, pour moi, d’important.

Parce que, au-delà de la mesure elle-même, c’était la première fois que la puissance publique se mettait à réguler un prix depuis les années 80. Qui avait été une période de dérégulation massive.

Et donc, ça prouve que c’est possible. Comme ça prouve que ce serait possible de taxer un minimum les super-fortunes, comme plein de choses seraient possibles.

En fait, je crois vraiment qu’on peut faire beaucoup plus de choses que ce qu’on dit.

Je pense que le pays est prêt.

Je pense aussi qu’on peut avoir des accords beaucoup plus larges.

Je ne pense pas qu’il faille découper la politique en micro-tranches, qu’on s’enrichit dans la discussion avec des gens qui sont pas d’accord.

J’ai été dans un parti qui peut quand même, de temps en temps, avoir tendance au sectarisme.

Et vraiment, je sais pas si je vieillis, la ménopause, tout ça, mais je pense qu’on a besoin, notamment parce que les enjeux face à nous sont tellement énormes, qu’on a besoin de davantage de convergences bien plus larges que de se couper en micro-tranches de gens hyper-d’accord avec eux-mêmes.

Fred : Avant les deux dernières questions, une petite question.

Je sais pas si la réponse sera courte ou longue, mais est-ce que tu sais où tu seras dans 5 ou 10 ans ?

Cécile : Pas du tout, mais j’ai jamais su.

D’ailleurs, je rigole souvent, je dis « j’aimerais bien savoir moi, je sais pas encore quel métier je ferai quand je serai grande ».

Fred : Alors, les questions finales traditionnelles de l’émission.

La première, est-ce que tu as envie de partager quelque chose qui t’a émerveillée ou fait du bien dernièrement ?

Cécile : Oui, une chose qui m’a fait du bien, Simon Duteil, qui est un ancien porte-parole du syndicat Solidaires, qui est prof d’histoire en collège à Saint-Denis, m’a invité dans sa classe pendant une heure pour parler de ce que c’était être ministre et être directrice d’ONG avec des collégiens de 3ème.

Et c’était très vivifiant.

Il y en a qui ont posé des questions très intelligentes et j’aime vraiment les adolescents.

Je le dis aujourd’hui où on est au cœur d’un drame absolu d’un jeune homme qui a poignardé une surveillante.

On prend pas assez soin de notre jeunesse dans ce pays.

Alors que vraiment, c’est pas facile d’être ado en général, mais d’être ado en 2025 c’est pas de la tarte.

Et ils m’ont fait beaucoup de bien, ces jeunes.

Fred : J’en profite pour préciser que on n’a pas parlé des réseaux sociaux, on aurait pu en parler, mais tu es présente sur un réseau décentralisé qui s’appelle Mastodon, et Simon Duteil aussi, vu que je le suis aussi.

Deuxième question, si tu avais la possibilité de parler à toi quand tu avais 10 ou 15 ans, que lui dirais-tu ou quel conseil lui donnerais-tu ?

Cécile : Je crois que je dirais « t’inquiète pas ».

Moi j’étais quand même une petite fille anxieuse.

J’avais peur de ne pas avoir d’amis.

Mon père rappelle souvent que j’avais dit cette phrase un jour, j’avais dit « je compte pas plus qu’un petit point noir ». Et donc il m’appelait le petit point noir pour se moquer de moi.

C’était pas facile d’être petite, un an d’avance, tout ça, vraiment. En vrai, c’était pas plus mon caractère.

Franchement, je pensais pas du tout à l’époque que je pourrais être ce que je suis aujourd’hui.

J’ai appris à être liante avec les gens malgré la timidité, même si je pense que je suis toujours ça au fond de moi.

Mais je lui dirais de pas trop s’inquiéter, que ça va aller, et qu’elle a raison d’adorer le Club des cinq, et qu’elle a raison de l’aventure.

Franchement, on a qu’une vie.

Et faut jamais oublier ça, et que mon hymne personnel à l’époque, c’était pas Amel Bent, c’était La Chanson de Balou.

C’est toujours La Chanson de Balou, Il en faut peu pour être heureux.

Fred : Très bien.

Bah écoute, un grand merci Cécile, pour ta présence à notre micro.

Alors je précise aussi que tout à l’heure, j’ai parlé de Mastodon Réseau Social Décentralisé.

Je vous invite à écouter l’émission libre à vous, sur la même radio, Cause Commune.

Alors je sais plus quelle émission c’est.

Vous cherchez Cécile Duflot et Benjamin Sonntag, en tout cas sur causecommune.fm, émission sur Mastodon, c’était il y a 3-4 ans, je crois.

Tu étais venue parler avec Benjamin Sonntag de la société libriste Octopuce.

Cécile : Qui est mon associé, parce que ça c’est l’autre bout de ma vie.

Je suis l’associée de Benjamin.

Fred : Effectivement.

Ça on en a pas parlé, parce qu’on peut pas…

Cécile : Parler de tout [rires].

Fred : On peut pas parler de tout en 1h30, surtout avec quelqu’un qui a une vie aussi riche.

En tout cas, merci Cécile.

Cécile : Merci Fred.

Fred : Merci également à vous, auditrices et auditeurs, d’avoir pris la place autour de la table du studio pour nous écouter.

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Ce mercredi juste après Chemins de traverse à 23h30 une émission inédite de Minuit Décousu. Une heure de son, d’histoire et de bidouilles sonores avant d’éteindre les lumières. Le thème de l’émission de ce soir, le voyage et le tourisme.

Prochain rendez-vous pour Chemins de traverse en direct mercredi 18 juin.

Notre invitée sera Anne Brusson, agent générale d’assurance exclusive AXA Prévoyance et Patrimoine. Elle a eu plusieurs métiers, notamment au Parlement et a repris les études de sociologie et est aujourd’hui indépendante dans les assurances.

C’est Julie qui animera l’échange et moi je serai en régie.

A mercredi prochain, salut et solidarité.



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