#28 – Corinne Isnard Bagnis : médecine, méditation et e-santé
proposée par Élise, Fred, Julie et Mehdi
Diffusée le 23 avril 2025
28e émission “Chemins de traverse” diffusée en direct le 23 avril 2025 à 22h
Notre invitée ce mercredi est Corinne Isnard Bagnis : néphrologue à la Pitié-Salpêtrière et à l’hôpital Tenon, professeure à la Faculté de Santé de Sorbonne Université, et directrice de plusieurs programmes novateurs. Elle dirige notamment le Tiers Lieu d’Expérimentation UNIREIN, dédié à l’innovation en santé numérique, ainsi que deux diplômes universitaires : le diplôme Méditation, gestion du stress et relation de soin, et le diplôme e-Santé et transformation digitale. Elle est également autrice de plusieurs ouvrages destinés au grand public.
Nous allons découvrir son parcours, profondément engagé, qui l’amène tout droit vers une médecine humaniste aussi bien pour les patients que pour les soignants. Et également son parcours d’exploration et d’innovation avec la méditation et la transformation numérique, appliquées au domaine de la santé.
Questionnaire pour mieux vous connaître
Aidez-nous à mieux vous connaître et à améliorer l’émission en répondant à notre questionnaire (en 3 minutes max). Vos réponses sont très précieuses pour nous. De votre côté, c’est aussi l’occasion de nous faire des retours.
Liens
- Le profil LinkedIn de Corinne Isnard Bagnis
- Les livres de Corinne Isnard Bagnis
- Méditation de pleine conscience
- UNIREIN Tiers lieu
- La loi “Hôpital, Patients, Santé, Territoires” (HPST), qui a été adoptée en 2009 en France : en savoir plus.
- Nous avons parlé de Jon Kabat-Zinn, important contributeur à la diffusion de la « méditation de la pleine conscience ».
- Le programme MBSR, Réduction du Stress Basée sur la Pleine Conscience.
- Christophe André, qui a beaucoup pratiqué et rendu accessible la médication de pleine conscience au grand public.
À l’oreille
- Suzanne de Léonard Cohen
- Adore de Prince
- E lucevan le stelle Luciano Pavarotti
- Schmaltz par Jahzzar (générique)
Intervenir en direct
- Vous pouvez nous rejoindre sur le salon web de l’émission pour participer à notre discussion en direct, nous contacter ou nous laisser un commentaire.
- Pendant le direct, vous pouvez aussi nous appeler au 09 72 51 55 46
Transcription
[Musique du générique/ Voix du générique (Laure-Élise Déniel) : Cause Commune, Chemins de traverse, d’autres voies pour imaginer demain.]
Julie : Bonsoir à toutes, bonsoir à tous.
Ce soir, c’est le 28e épisode de Chemins de Traverse d’autres voies pour imaginer demain.
Dans Chemins de Traverse, Frédéric, Élise, Médhi et moi-même, Julie, nous espérons vous proposer de belles rencontres et mettre en avant des parcours personnels et professionnels, des passions, des engagements.
Ce soir, nous vous recevons sur le plateau de la radio Cause Commune, Corinne Isnard Bagnis, néphrologue, professeure à la Faculté de Santé de Sorbonne Université, directrice de plusieurs programmes novateurs impliquant la méditation de pleine conscience et la transformation numérique dans la santé.
Elle est profondément engagée dans ses domaines et nous verrons tout ce qu’elle fait pour améliorer les soins, la vie des soignants et des patients.
Nous allons aussi découvrir son parcours, qu’est-ce qui l’a motivé, comment elle a parcouru tout ce chemin.
Bonsoir Corinne Bagnis.
Corinne : Bonsoir Julie.
Julie : Je vous remercie d’être avec nous ce soir.
Corinne : C’est moi qui vous remercie de l’accueil et de l’invitation.
Julie : Avec plaisir.
Avant que notre discussion ne commence, je vous rappelle que nous sommes en direct sur la radio donc Cause Commune, ce mercredi 23 avril 2025 et il est 22 heures.
Vous nous écoutez sur 93.1 en FM ou en DAB+, en Ile-de-France et sinon partout dans le monde sur cause-commune.fm.
Frédéric est à la réalisation de l’émission ce soir.
Bonsoir Frédéric.
Frédéric : Bonsoir à vous, belle émission.
Julie : Alors n’hésitez pas à participer, à intervenir en direct, à oser nous appeler.
Pour cela notre téléphone est branché.
Vous pouvez nous appeler au 09 72 51 55 46, ou alors vous pouvez réagir sur le chat de la radio sur le site de la radio donc cause-commune.fm. Vous verrez un bouton de chat en haut. Vous y allez sur le salon Chemins de Traverse et vous pouvez donc vous connecter et nous poser des questions ou intervenir.
Alors Corinne, nous allons découvrir votre parcours qui est dense. C’est un premier qualificatif que nous verrons tout au long de cette heure et demie.
Voilà.
Alors j’ai l’impression que, voilà, c’est l’impression que j’ai donc vous allez nous raconter un peu tout ça.
J’ai l’impression que vous avez beaucoup, beaucoup étudié, que vous êtes allé dans beaucoup d’endroits et découvert plein de choses.
Et à partir de là, vous avez réussi à mettre en place et à diriger des programmes. On verra lesquels.
Des programmes universitaires, entre autres, et un tiers lieu d’expérimentation.
Alors, si je ne me trompe pas, vous allez nous expliquer votre parcours.
Vous avez commencé par la néphrologie.
Avant de nous raconter comment vous en êtes arrivée à la médecine, est-ce que vous pouvez nous expliquer qu’est-ce que c’est la néphrologie ou être néphrologue ?
Corinne : Bien sûr, c’est un terme qui n’est pas très connu, finalement, alors que c’est une spécialité médicale, en fait, qui concerne toutes les maladies des reins.
Et ce qui est difficile, c’est que bien souvent, comme les reins, les maladies rénales ne donnent pas de symptômes, en fait, on ne connaît pas très bien les maladies rénales quand on n’en a pas.
Évidemment, quand on est atteint, on est bien plus informé.
Mais c’est vrai que ça concerne pas mal de gens, parce qu’en fait, aujourd’hui, les principales maladies rénales sont secondaires au diabète et à l’hypertension. Et donc, évidemment, le diabète et l’hypertension, tout le monde le sait, ce sont des pathologies très fréquentes. Et donc, ça finit par représenter du monde avec l’évolution de nos modes de vie.
Mais néanmoins, ça reste quand même des maladies qui sont peu symptomatiques, c’est-à-dire qui n’ont pas beaucoup de symptômes.
Et quand on dit qu’on a mal aux reins, en fait, c’est une expression que tout le monde connaît. Mais en fait, c’est souvent les vertèbres qui font mal ou les muscles. Mais les organes, les reins en eux-mêmes, ils font rarement mal. Sauf peut-être le seul moment où les reins peuvent faire mal, c’est quand on a des calculs, des cailloux dans les reins. Alors là, ça fait vraiment très, très, très, très, très mal.
Julie : Alors, vous dites que si on a une maladie comme le diabète, ça peut engendrer des maladies sur les reins.
Corinne : Ça peut engendrer une maladie sur les reins.
Et donc, ça, c’est quelque chose de très important pour lequel il y a des recommandations depuis assez longtemps qui indiquent que quand on a un diabète et qu’on est traité pour son diabète, on doit systématiquement, tous les ans par exemple, rechercher, en faisant des analyses d’urine et puis des analyses de sang, s’il y a un impact de ce diabète sur la fonction des reins. On doit aussi le faire pour les yeux, parce que le diabète peut aussi avoir des conséquences sur les yeux. Donc, on doit faire un fond d’œil, c’est-à-dire un examen où on va regarder les petits vaisseaux dans l’œil. Et donc, si on fait ça, ça permet de surveiller les choses.
Et puis, il y a plein de traitements aujourd’hui, assez nouveaux d’ailleurs, qui sont vraiment intéressants et qui permettent de protéger la fonction des reins. Donc, c’est pour ça que c’est important de dépister ces maladies, même si elles ne se ressentent pas par des symptômes. En fait, on les dépiste surtout par des analyses de sang, donc c’est les médecins qui les dépistent.
C’est important de dépister parce qu’on a des traitements pour essayer de ralentir l’évolution des maladies rénales.
Julie : Donc, comme on va le voir, tout au long de votre parcours, vous avez voulu rendre accessible la santé et la compréhension de la maladie aux personnes. Et donc, on va voir que c’est un sujet qui vous touche.
Corinne : Oui, parce que c’est un bien précieux, parce qu’il n’y a aucune raison de ne pas parler de la santé de façon compréhensible pour tout le monde. Et qu’on est aujourd’hui dans une génération où je pense qu’on a beaucoup changé la posture du médecin et qu’on est allé vers une relation différente et un partage des connaissances qui est différent, pour plein de raisons. Mais en particulier aussi, parce qu’aujourd’hui, tout le monde peut aller chercher de l’information, en particulier sur Internet. Cette information, elle n’est pas triée, elle n’est pas adaptée parfois à chacun. Elle ne concerne pas tout le monde. Donc, on a quand même encore besoin d’en parler avec les professionnels. Mais on n’en parle plus de la même manière parce qu’on arrive chacun avec un savoir.
Et puis parce que les médecins, ça paraît aujourd’hui assez normal de prendre en considération l’expérience du patient, l’expérience patient. On parle beaucoup de ça aujourd’hui. En fait, qu’est-ce que ça veut dire ?
Ça veut dire qu’on est sorti du modèle vraiment patriarcal de la médecine, comme ça a pu être le cas il y a quelques décennies. Et que maintenant, faire de la médecine, c’est rentrer en relation avec une personne pour échanger sur une situation de santé où chacun a quelque chose à dire.
Et moi, j’aime bien qu’on travaille comme ça.
Julie : D’ailleurs, je suis un peu au courant de ce système, comme vous dites, vous l’appelez patriarcal. Et je me demandais s’il commençait à partir, ce système.
Corinne : Oui, parce que les générations changent, parce que la formation des jeunes n’est pas celle qu’on a reçue nous, parce que la société a changé et ça a évolué par étapes.
Une des étapes importantes a probablement été la mise en œuvre en France, par l’intermédiaire d’une loi, de l’obligation de proposer à des patients qui avaient des maladies chroniques, toutes sortes de maladies chroniques, comme le diabète par exemple, un accompagnement pour améliorer la qualité de vie, qu’on a appelé quelque chose qui s’appelle l’éducation thérapeutique. Alors, on a beaucoup discuté de ce terme qui n’est pas forcément bien choisi, parce qu’on n’est pas à l’école, mais c’est surtout de considérer que dans le rôle des médecins et dans une prise en charge d’une maladie chronique, on doit aussi offrir aux gens qui vivent au quotidien avec une maladie des moyens de mieux vivre un quotidien.
D’être moins stressé, de bien dormir, de pouvoir continuer à travailler, de pouvoir continuer à avoir une vie personnelle, sociale, sexuelle, normale.
Du coup, ça a quand même été un tournant important dans les années 2009-2010, parce que ça a obligé les équipes médicales à s’intéresser à toute une partie de la vie de leurs patients qui étaient jusque-là considérés comme pas leur sujet.
Il ne s’agit pas de rentrer dans l’intimité des gens, mais il s’agit aussi d’avoir pour mission de répondre à d’autres besoins que simplement essayer de faire disparaître des symptômes d’une maladie, essayer de guérir ou de traiter une maladie.
Julie : On va voir aussi que dans votre rapport entre patients et soignants, pour vous le facteur de la relation et le facteur de cette éducation est aussi un facteur de guérison.
Corinne : Ce n’est pas moi qui l’ai inventé, il y a des tas de gens qui ont parlé, réfléchi, travaillé cette question-là.
Moi, peut-être dans mon parcours personnel, c’est vrai que quand on est dans un cursus professionnel, quand on se forme à devenir médecin et qu’on fait de la recherche, on est très centré, en tout cas dans ma génération, on était très centré sur les sciences, la recherche, ce qui est évidemment fondamental dans un métier comme ça. Et ça, c’est passionnant de découvrir le corps humain sous tous ses aspects, de faire de la recherche, etc. Et c’est vrai qu’en prenant un peu plus d’âge, peut-être, en ayant un peu plus d’expérience sur le terrain, le côté humain de la relation, pour moi, est devenu particulièrement important. D’autant que c’est assez bizarre de penser qu’on a très peu, voire pas de formation à la relation de soin quand on est médecin du corps, quand on est médecin de l’âme, quand on est psychiatre, psychologue. Là, on a une formation à la relation de soin, à la communication, à l’écoute, à tout ce qui fait l’importance de la relation entre le soignant et le patient. Et c’est un peu comme si, dans notre génération et dans notre pays aussi, qui est très marqué par Descarte, une culture scientifique, etc. Je dis pas que la médecine ne doit pas être scientifique, mais c’est sûr qu’il y a eu un moment où on s’est un peu éloigné de ces questions humanistes à tel point qu’on a fini, depuis une quinzaine d’années, à ne parler que de ça, de remettre de l’humain dans la médecine. Mais ça veut dire qu’à un moment donné, on l’avait peut-être oublié.
C’est assez étrange de penser ça. Comment est-ce qu’on a pu oublier l’humain dans la médecine ? Mais en tout cas, aujourd’hui, c’est un sujet de remettre de l’humain dans la médecine. Et c’est une bonne nouvelle. Parce que c’est tout un travail de préparation. C’est toute une formation. Une formation, je pense, pour que, en tant que soignant, on reste à sa place, qu’on se perde pas dans les émotions de l’autre, dans la souffrance de l’autre. Mais qu’en même temps, on puisse rester disponible et à l’écoute. Qu’on puisse être dans l’empathie, sans pour autant sombrer dans le burn-out ou l’épuisement émotionnel. Il y a des stratégies pour se préparer à ça. Et en fait, beaucoup de soignants n’ont pas cette chance d’avoir cette formation. Il faut aller la chercher. Et je crois que c’est important de le faire.
Julie : D’ailleurs, on va voir comment vous avez créé des programmes pour permettre à accéder à ces formations. D’ailleurs, vous parliez du terme éducation thérapeutique. Moi-même, quand je l’ai lu, je savais ce que c’était sans savoir. Alors, j’ai regardé et j’ai vu : “aider le patient à mieux comprendre sa maladie, son traitement, à mieux le comprendre et à devenir plus acteur de sa santé”.
Corinne : Alors, dans la loi, qui est la loi hôpital patient santé territoire, je crois que c’était 2009. Dans la loi, en fait, ce qui est intéressant, c’est que l’objectif principal de cette loi, c’était d’améliorer la qualité de vie des patients avec la maladie. Mais en fait, comme vous l’avez dit, on a beaucoup développé l’éducation thérapeutique au début en pensant qu’il fallait donner des connaissances aux patients sur sa maladie et son traitement. Et moi, j’ai travaillé dans ce domaine-là. Dans les années 2009, on a créé un programme d’accompagnement pour les patients qui avaient des maladies rénales. Mais assez rapidement, j’ai trouvé ça un peu frustrant de voir qu’on n’améliorait pas tellement leur qualité de vie. C’est-à-dire, on ne travaillait pas sur les savoir-être, on ne travaillait pas sur le stress, l’anxiété Quand vous avez une maladie chronique, il y a des questions d’anxiété, il y a des questions de stress, il y a des questions de troubles du sommeil. Et en fait, ce n’est pas parce que vous savez tout sur votre maladie que forcément, vous n’êtes plus stressé. Et donc, moi, ça m’a amenée à avoir envie de chercher autre chose.
Julie : Alors, pour revenir à votre parcours, vous avez commencé par être néphrologue, c’est ça ? Et c’était vos premières études quand vous étiez étudiante ?
Corinne : Oui, les études de médecine. Moi, mon choix, c’était de devenir médecin. Et puis, le choix de la néphrologie, en fait, il est venu indirectement par le choix de l’hôpital. Mon choix le plus important, c’était d’avoir vraiment envie de travailler dans l’hôpital. Je trouve qu’on ne dit pas assez souvent la chance qu’on a d’avoir des hôpitaux. Enfin, ça peut paraître idiot. Pour moi, c’est un endroit où on soigne les souffrances. Et alors, cet endroit, bien sûr, il n’est pas forcément toujours exactement comme on voudrait qu’il soit. Moi, j’ai toujours rêvé que l’hôpital soit comme un restaurant. C’est-à-dire, quand vous arrivez dans un restaurant, vous avez réservé une table, vous connaissez le patron, il vient vous accueillir à la porte et puis, il vous demande comment ça va, il vous propose une table, il vous demande si là, c’est bien ou si vous voulez piquer ce que vous avez envie de manger. Moi, j’ai toujours rêvé que l’hôpital soit un restaurant. Parce qu’il y a encore des choses à changer pour qu’on se sente accueilli dans l’hôpital. Qu’on ait l’impression de pouvoir poser ses valises. Que ça y est, je suis arrivé dans un endroit où on va s’occuper de moi. Mais ça, ça avance.
Et après, sur le fond, c’est vrai que l’hôpital, c’est quand même un endroit où on s’occupe des gens. Et ça, c’est quand même chouette d’avoir ça.
Donc moi, je voulais travailler à l’hôpital. Et finalement, j’ai choisi des spécialités. Et en fait, mon choix, il est passé par la transplantation. J’étais intéressée par la transplantation. Et donc, à l’époque, quand j’ai choisi un petit peu de m’orienter, j’avais réfléchi à l’hématologie, qui est la greffe de moelle. À la transplantation hépatique ou cardiaque, ou la transplantation rénale. C’était les quatre disciplines autour de la greffe qui m’intéressaient. Et puis, j’ai un peu testé deux, trois trucs. Et finalement, je suis restée en néphrologie.
Julie : Et quand vous étiez jeune, petite, vous vouliez aussi… Comment vous êtes arrivée à faire des études de médecine ?
Corinne : Je ne sais pas. Du plus loin que je m’en rappelle, j’ai voulu être médecin. Et je pense que ça, c’est un sujet vraiment que je trouve important. J’aurais envie aujourd’hui de dire qu’on devrait nous aider à réfléchir au pourquoi on est là. Donc moi, c’est quelque chose maintenant qui est assez intégré dans les parcours de formation que j’ai créés, notamment autour de la méditation de pleine conscience. Cette question de contempler nos intentions, se demander pourquoi on est là. Et je trouve que c’est une question qu’on ne pose pas assez souvent. Du moins, c’est un travail personnel qu’on devrait nous accompagner pour qu’on puisse, en tant que jeune professionnel de santé, être très, très au clair avec ça. Je pense que les professionnels de santé seraient de meilleurs professionnels de santé s’ils étaient un peu plus au clair avec pourquoi ils sont là.
Julie : C’est un équilibre.
Corinne : Oui, parce que c’est probablement aussi une manière de pouvoir ne pas se perdre dans l’envie d’être disponible pour l’autre ou dans l’idée d’aider l’autre ou d’être au service de l’autre. Il n’y a pas que dans la médecine qu’on est au service de l’autre. Mais entre autres, dans ces métiers-là, qui sont souvent des métiers de passion, de motivation, on n’est pas là par hasard. On a souvent une forte motivation à être là. Mais c’est probablement aussi ce qui conduit les professionnels de santé à ce que la terre un peu s’ouvre sous leurs pieds des fois. Parce qu’il faut arriver à construire un équilibre où on est quand même capable de prendre soin de soi, de sa propre vie, de son propre espace et de ne pas tout donner. Sinon, on perd pied. Et donc, répondre à cette question, ça me paraît important. Ou essayer d’y répondre en tout cas.
Julie : Vous voulez faire votre vie dans la médecine et les hôpitaux, même transformer les choses. Est-ce que vous connaissiez les hôpitaux ? Parce que vous avez envie de transformer, d’aller dans l’hôpital précisément. Est-ce que dans votre vie de zéro à 25 ans, quand vous avez été à l’hôpital, il y a quelque chose qui fait que vous connaissiez l’hôpital, que vous saviez qu’il fallait changer ? Quelque chose d’un vécu ?
Corinne : Non. En fait, très bizarrement, j’ai la chance d’avoir très peu côtoyé la santé, la médecine et la maladie avant de m’orienter dans mon métier. Et je crois que je n’avais jamais mis les pieds à l’hôpital, en fait. Non, je crois que je n’avais jamais mis les pieds à l’hôpital. Pour moi, je pense que l’hôpital, ça a toujours représenté un lieu de soins ouvert à tout le monde. Moi, je voulais être là. Mais ce n’est pas du tout en lien avec une histoire personnelle ou familiale. Beaucoup de gens s’orientent vers des professions médicales parce qu’ils ont eu eux-mêmes une histoire de santé, parce qu’un des proches a eu une histoire de santé et que quelque part, ils ont envie de contribuer. Moi, je me suis souvent posé cette question. J’irais même peut-être jusqu’à dire qu’à un certain moment, on est en recherche de légitimité aussi, quelque part. Mais non, je n’ai pas de bonne raison d’avoir fait ce choix. Enfin, je veux dire, ça s’est fait comme ça.
Julie : Pour moi, je me dis par exemple, quand on s’investit dans quelque chose, c’est peut-être parce qu’on a vécu un petit malheur.
Corinne : Souvent, oui.
Julie : Et je me dis, justement, j’aimerais bien rencontrer quelqu’un, lui qui n’a pas vécu le petit malheur et qui s’investit quand même. Pourquoi il le fait ? Parce que vraiment, il a d’autres choses dans son caractère, dans ses envies.
Corinne : Je me suis souvent posé cette question. J’ai toujours eu envie de faire ce métier. Je n’ai aucun médecin dans ma famille, à part ma soeur, qui est ma soeur aînée, mais qui a commencé un peu après moi. Donc, il n’y avait pas de culture médicale dans la famille et il n’y avait pas non plus d’événements qui nous aient vraiment reliés aux soins ou à la maladie. On a eu cette chance de grandir, en tout cas, en dehors d’un contexte vraiment médical. Mais ça ne m’a pas empêché de foncer sur l’hôpital.
Julie : Et vous avez bien foncé, comme on va voir. Alors, du coup, vous intégrez l’hôpital en France, en Paris.
Corinne : Oui, j’ai fait mes études à Nice. Et puis, ensuite, en partie à Lyon. Et puis, pour différentes raisons, je suis arrivée à Paris, à la Pitié-Salpêtrière. Là, pour moi, c’était le Graal. Ah oui. Le jour où je suis rentrée à la Pitié-Salpêtrière, c’était un grand hôpital parisien. C’était l’assistance publique. Et en fait, j’y suis arrivée pour faire un stage. Et puis, j’y suis restée. Et ça fait 30 ans.
Julie : Et donc, vous êtes arrivée à la Pitié-Salpêtrière et vous avez commencé votre travail.
Corinne : Oui.
Julie : Et vous êtes, je ne sais pas comment ça s’est passé, vous vous êtes rendu compte de choses. Vous avez voulu en savoir plus. Vous avez découvert plus de choses. Vous avez continué tout au long du ??.
Corinne : Oui, quand je suis arrivée à l’hôpital, en fait, j’étais encore en formation. Puisque c’est un peu long, la formation de médecin, surtout quand on fait une spécialité. Donc, j’étais interne. Non, j’étais chef de clinique. Donc, après l’internat, on est ce qu’on appelle chef de clinique. Ça veut dire qu’on est responsable des plus jeunes, des internes, dans une équipe. Et puis, j’ai aussi eu un parcours, Alors, pour être universitaire, c’est-à-dire pour devenir professeur, c’est toujours la même chose aujourd’hui, mais il faut avoir à la fois un diplôme de médecin et faire une spécialité médicale. Donc, se former à sa spécialité. Mais il faut aussi, en parallèle, avoir un parcours de chercheur. Et donc, en fait, il faut avoir un doctorat en médecine et un doctorat en sciences. Et donc, la plupart du temps, on fait les deux un peu en parallèle. Ou bien, à certains moments, on fait que de la science. Et puis, à certains moments, on fait que de la médecine. Mais en tout cas, au bout du compte, on doit avoir, à un moment donné, les deux doctorats en poche. Donc, moi, j’ai fait… Je travaillais dans le service de néphrologie à la pitié. Puis, en même temps, j’ai eu pas mal de moments où j’étais au laboratoire, où je faisais de la recherche. Et puis, quand j’ai fini tout ça, il y avait un certain nombre de prérequis pour devenir professeur, dont celui d’aller avoir une expérience à l’étranger. Principalement, d’aller faire de la recherche dans un autre établissement.
À l’époque, on avait encore un peu du rêve américain, si on peut dire, en tout cas dans ce domaine-là. Et donc, c’était un petit peu l’orientation que tout le monde prenait, d’aller travailler dans un grand laboratoire de recherche américain. Et donc, moi, j’ai eu la chance de pouvoir aller passer deux ans à Boston, à la faculté de Harvard, dans un laboratoire de recherche, dans une équipe vraiment très sympa, avec qui j’ai travaillé pendant deux ans. J’ai fait de la recherche là-bas. Donc, c’était à la fois une expérience scientifique, parce que la manière dont ça fonctionnait aux États-Unis par rapport à la France était assez différente. Il y avait beaucoup plus de moyens financiers, beaucoup plus d’un caractère très international. Les laboratoires américains ont toujours accueilli beaucoup de gens de tous les pays du monde, des chercheurs un peu de partout. Et puis, une manière de travailler qui était assez différente. Donc, c’était intéressant au plan personnel. C’est vrai que déménager pour aller habiter à 6000 kilomètres ou 7000 kilomètres de chez soi, c’est quand même une aventure un peu difficile par moments, mais très enrichissante quelque part. Et puis, c’était aussi découvrir une autre culture que la culture française. Et puis, ça crée…Moi, je trouve que c’est vraiment essentiel d’aller voir le monde, quelle que soit la manière dont on le fait. Ça change vraiment quelque chose. Ça change quelque chose dans notre capacité à cueillir la différence, tout simplement. Quand on a eu vraiment un parcours de vie où on n’est resté que dans son propre pays, on ne sait pas grand-chose de ce qui se passe ailleurs. Donc, c’est sûr que pour moi, ça a changé des choses. Et puis, ça m’a donné beaucoup de curiosité, beaucoup d’envie pour continuer dans mon métier. Ça m’a ouvert des portes, en fait, pour pouvoir travailler à l’international et rencontrer des gens à l’international, ne serait-ce que par le biais de la langue et parler anglais correctement, du moins d’une manière facile, pouvoir échanger facilement en anglais avec d’autres collègues. Ça m’a permis de travailler dans plein de trucs à l’international et de rencontrer des tas de gens au coin du monde. Et ça, c’est super passionnant.
Julie : D’ailleurs, je me posais une question. Quand vous êtes parti à Boston, vous étiez donc à la Pitié-Salpêtrière en France. Est-ce que vous parliez anglais avant de partir ?
Corinne : Alors, moi, j’ai toujours bien aimé parler anglais.
Julie : D’accord.
Corinne : J’avais une connaissance, comment dire, scolaire de l’anglais, mais j’aimais bien ça.
Julie : Ça ne vous faisait pas peur ?
Corinne : Donc, ça ne me faisait pas peur. Et j’ai adoré ça, d’habiter à l’étranger dans un pays où il fallait pratiquer une langue différente. Et c’est vrai qu’au bout de deux ans, j’étais vraiment parfaitement… Les gens ne se rendaient même pas compte que j’étais française. Quand on vit dans un pays, c’est vraiment le meilleur moyen d’apprendre une langue.
Julie : Vivre, travailler, les recherches, les études.
Corinne : Bien sûr.
Julie : Et donc, j’imagine que vous parliez de cette histoire de thèse, de science, de médecine. En fait, vous avez vraiment énormément travaillé, énormément étudié.
Corinne : Beaucoup trop, sans doute. Enfin, ce que disent mes enfants. En tout cas, ça ne les a pas motivés pour être médecins. Non, mais c’est vrai que c’est des parcours… D’abord, ce sont des parcours un peu fléchés, où il y a des étapes.Et on est dans un cursus où on est accompagné. C’est-à-dire qu’en fait, ce n’est pas vraiment des concours. C’est-à-dire qu’on est choisi dans une équipe pour devenir le candidat qui va devenir le futur professeur du service. Il y en a parfois d’autres. Mais je veux dire… On est accompagné pour passer toutes les étapes. Donc, il y a cette espèce de relation de…Comment dire ? C’est un peu comme… Comment ça s’appelle ? Dans les compagnons. Pour les artisans, par exemple. C’est un peu un compagnonnage, en fait. Et quand on est passionné par ce qu’on fait, on est un peu dans un tunnel, à un moment donné, à vrai dire. Et je pense que ça, aujourd’hui, on peut dire que c’est un vrai sujet pour la génération actuelle qui n’a plus envie de ça. Dans beaucoup de situations. C’est-à-dire… Comment dire ? Une période de vie où votre engagement professionnel prend beaucoup de place. Peut-être beaucoup trop de place. Parce qu’évidemment, ça tombe aussi au moment où on construit sa vie personnelle, de famille. Enfin, chacun est différent, évidemment. Mais quand c’est entre 25 et 35 ans, on a aussi des tas d’autres trucs à faire dans la vie. Et on est souvent à l’hôpital, ou on est souvent au labo, ou on est souvent en train de travailler. Ça, c’est sûr. Et donc, c’est vrai que c’est des périodes et des engagements qui ne sont pas faciles, au sens où ça ne nous rend pas très disponibles, parfois, pour le reste du monde, et en particulier pour les gens qui sont autour de nous.
Julie : Mais moi, j’ai envie de dire que vous avez beaucoup travaillé, vous étiez dans ce tunnel, vous avez pris des opportunités, notamment aux États-Unis. Vous avez d’autres études, on verra. Vous avez, grâce à ça, je pense que c’est un support, plus votre caractère, je vois, de fonceuse, un petit peu, je ne sais pas comment dire, qui vous a permis aussi de créer après tout ce que vous avez créé. Et c’est un exemple. C’est un exemple aussi, peut-être, peut-être on est moins présents physiquement, peut-être pour les choses, mais on donne aussi un formidable exemple à ces enfants.
Corinne : Oui, alors moi, c’est un sujet qui m’a beaucoup perturbée. Enfin, beaucoup perturbée, c’est-à-dire on se pose toujours des questions, pas toujours quand on est au bon moment d’ailleurs, parce que c’est vrai que dans la vie, parfois, les choses avancent. On a un métier, une famille, tout ça. Et ce n’est pas toujours le moment où on a le temps de réfléchir à est-ce qu’on est un bon parent, est-ce qu’on fait bien les choses. Donc, il y a eu des moments, effectivement, de ma vie, peut-être un peu après, où j’ai vraiment, ça m’a beaucoup questionné. J’ai trouvé des réponses. Enfin, ça m’a culpabilisé aussi. Mais ça, la culpabilité, ça ne sert pas à grand-chose, en fait.
Julie : Tous les parents, je pense.
Corinne : On n’en fait pas grand-chose. C’est juste un truc un peu moche qu’on se trimballe, mais je veux dire, ça ne se transforme pas en quelque chose de positif. Et peut-être une des choses, une des choses importantes que moi, j’ai découvert dans ma découverte de la méditation de pleine conscience, c’est peut-être la capacité, justement, à arrêter de se poser des questions ou de culpabiliser sur des trucs et puis de changer tout simplement ma façon de vivre ou d’être. Parce que ça, c’est vraiment des choses importantes qu’on peut découvrir grâce à la méditation. En tout cas, moi, c’est ce qui m’a intéressé, à la fois sur le plan personnel et professionnel.
Julie : De s’adapter, d’être…
Corinne : Disons que sur le plan personnel, ça m’a permis de me rendre compte à quel point j’étais dans un tunnel, à quel point je ne m’occupais pas suffisamment, probablement, des gens qui comptent pour moi. Mais pas dans une version de culpabilité, justement. Mais ça m’a permis de me dire, OK, je n’ai peut-être pas autant de temps que je voudrais, mais je vais avoir une autre manière de passer ce temps avec les gens que j’aime. Et en tout cas, de travailler une qualité de présence.
Une qualité d’être vraiment là quand on est là.
Julie : Il n’y a pas que la quantité, il y a la qualité.
Corinne : Oui, parce qu’une des premières leçons de la méditation de peine conscience, c’est justement de réaliser à quel point dans la vie on peut être avec d’autres sans être là. On est dans ses pensées, on est dans ses préoccupations. En particulier, à l’époque, mes enfants étaient encore assez jeunes. Mais ça change tout, de passer du temps avec ses enfants en étant vraiment là. Pas en étant encore en train de réfléchir à des choses professionnelles ou même des choses personnelles, la liste des courses, qu’est-ce qu’on va manger demain, etc. Arriver à donner ce temps qualitatif en étant vraiment là, pour moi, ça a été vraiment une découverte. On ne m’avait jamais expliqué ça avant. Donc, c’était une découverte intéressante.
Et puis après, j’ai décliné ça aussi dans mon métier, en ayant envie de faire connaître ça à des patients qui avaient une maladie chronique. Et ça, ça a été une expérience aussi super intéressante.
Julie : Alors, je propose qu’on parle de ces sujets, de ces expériences, après une pause musicale.
Alors, c’était quoi la pause musicale qu’on a choisie en premier ?
Corinne : Eh bien, Suzanne.
Julie : Alors, voilà.
Donc, on va écouter Suzanne de Léonard Cohen. Alors, c’est vous, Corinne, qui avez choisi les musiques ce soir. Alors, pourquoi vous avez voulu choisir Léonard Cohen ?
Corinne : Un immense artiste, un grand poète. Et puis, aujourd’hui, on sait qu’il a souffert de dépression toute sa vie et qu’il a trouvé une aide dans la méditation. Et puis, sa voix, son talent de musicien.
Julie : Alors, nous écoutons Suzanne de Léonard Cohen.
[Musique Suzanne de Léonard Cohen]
Julie : Nous venons d’entendre Suzanne chantée par Léonard Cohen. Vous écoutez l’émission Chemins de Traverse et je suis avec Corine Isnard Bagnis qui est néphrologue, professeure à la Faculté de Santé de Sorbonne Université et directrice de UNIREIN dont nous n’avons pas parlé, mais nous allons parler après.
Alors n’hésitez pas à participer à notre émission, à téléphoner. Frédéric se fera un plaisir de vous répondre au 09 72 51 55 46, ou alors vous pouvez aussi participer sur le chat de l’émission sur le site de cause-commune.fm, en haut dans la barre noire vous verrez le menu chat, et vous allez sur le salon Chemins de Traverse pour participer à l’émission. Vous êtes les bienvenus.
Alors je suis donc avec Corine sur le beau plateau en bois magnifique plateau en bois du salon, du studio de la radio, et nous avons donc commencé à parler de son parcours et nous en sommes arrivés à parler de ce que la méditation nous apportait.Alors donc je vais dire que vous êtes pionnière, reconnue comme pionnière de la pleine conscience à l’hôpital et donc j’ai un peu regardé votre parcours et j’ai compris que vous aviez peut-être connu la pleine conscience aux Etats-Unis avec un…
Corinne : Et bien en fait non, bizarrement. J’ai habité à Boston pendant deux ans et à ce moment-là les chemins de John Kabat-Zinn et le mien ne se sont pas croisés.
Julie : Alors les chemins de qui ?
Corinne : De John Kabat-Zinn, qui est aux États-Unis, donc un scientifique qui a vécu plusieurs années en Asie, je crois en Thaïlande quand il était jeune, où il est devenu moine bouddhiste. Et quand il est rentré aux États-Unis, il travaillait comme scientifique à l’hôpital. Il a eu l’idée en fait de… alors c’était sans doute un peu dans la mouvance des années 70-75. Il n’a pas été le seul à avoir cette initiative, mais en tout cas il l’a très bien mise en œuvre. Il a eu l’idée de transformer une approche de la méditation, telle que celle qu’on pouvait avoir avec le bouddhisme en Asie notamment, en quelque chose de compréhensible pour des occidentaux, notamment aux États-Unis où il habitait. Afin d’en pouvoir en faire bénéficier des gens à l’hôpital qui vivaient avec une maladie, et donc il a créé un programme de méditation qui ne se centrait pas du tout sur l’apprentissage du bouddhisme, mais seulement, entre guillemets, sur la pratique de la méditation.
Et, en dissociant en fait cette philosophie bouddhiste, ou cette culture bouddhiste, de la pratique de la méditation, il a pu mettre en place un programme pour des patients à l’hôpital et offrir ses approches dans le soin. À cet égard, c’est quand même un des premiers à avoir fait ça probablement. Du coup, il a créé une école de formation où il a pu commencer à former des professionnels de santé. Pas que, mais il y avait un certain nombre de critères de sélection pour pouvoir faire la formation chez lui. En tout cas, il a assez rapidement été débordé par les demandes. Enfin, cette école de formation est devenue rapidement internationale. En fait, ça avait commencé probablement dans les années 75-78. Moi, quand je suis arrivée à Boston, ça faisait déjà 20 ans que ça existait en fait, mais je n’ai pas rencontré ça là-bas.
Quand je suis rentrée en France, c’était une période un peu difficile de ma vie, avec un divorce. Sur le plan professionnel, quand je suis rentrée après avoir fait tout ce que j’avais fait, j’étais vacataire à l’hôpital, il n’y avait pas de poste pour moi. J’ai attendu quand même quelques années avant de pouvoir vraiment avoir un poste universitaire. Donc il y a eu quelques années un peu compliquées.
À ce moment-là, je me souviens que ça m’intéressait, la méditation, mais je ne connaissais pas les programmes laïcs de John Kabat-Zinn. Souvent je raconte que c’est Google qui m’a donné l’info. Quand vous faites des recherches sur Google sur un sujet, ils vous proposent des tas de trucs. C’est comme ça que je suis tombée sur une espèce de publicité d’un programme de méditation qui s’appelait MBSR. En fait, c’est un acronyme pour le nom en anglais du programme de John Kabat-Zinn justement, qui s’appelle “Mindfulness Based Stress Reduction Programme”. Ça veut dire : programme de méditation de pleine conscience pour diminuer le stress. C’est comme ça qu’il l’avait positionné.
C’est intéressant, parce que dans les années 70-80, on était aussi en train de beaucoup réfléchir à l’impact du stress sur les maladies chroniques. Ça n’a pas toujours été le cas. Avant ça, on n’en parlait pas beaucoup du stress.
C’est un terme et un sujet qui nous paraît être un sujet vraiment du quotidien, mais c’est vraiment tout à fait récent en vrai. On n’a pas toujours considéré que le stress pouvait être une pathologie. On n’a pas toujours considéré que les gens qui avaient une maladie chronique pouvaient avoir du stress supplémentaire. En tout cas, dans les années 70-80, c’est devenu un vrai sujet d’étude. C’est probablement pour ça qu’il a un peu marketé son programme pour le proposer à l’hôpital, en disant que c’était quelque chose qui pouvait aider à lutter contre le stress, ce qui est vrai. Du coup, ça a énormément parlé aussi aux patients, bien entendu. Parce que ça, on n’a pas de mal à se rendre compte du stress que ça induit d’avoir une pathologie, une maladie chronique. Son programme a été, je pense, super suivi à la fois à l’hôpital où il a développé des programmes pour les patients et puis aussi dans la formation. Cette école a été ouverte vraiment à l’international.
Moi, j’ai découvert ça en rentrant à Paris quelques années après. En fait, cette démarche d’intérêt pour la méditation de pleine conscience, c’était vraiment pour moi à un moment donné où j’avais vraiment l’impression que je n’allais pas y arriver, qu’il y avait trop de trucs compliqués dans ma vie. Ce qui a été intéressant, c’est que ça a été vraiment une découverte importante pour moi d’apprendre à considérer que c’est suffisant d’être. Qu’on n’est pas obligé de faire. Et surtout dans un parcours comme le mien, où je venais de passer 20 ans à faire des trucs. Mais je pense que ça concerne tout le monde en fait. C’est-à-dire qu’on est en tant qu’être humain souvent motivé et on a beaucoup de pression à faire des choses, alors que être, c’est déjà très bien.
Julie : C’est la méditation de pleine conscience qui vous a amené à prendre conscience du fait qu’il faut être aussi et pas que faire ?
Corinne : Disons que oui, je n’avais jamais pensé à ça. Surtout, d’abord, c’est une approche… C’est intéressant parce que la méditation, ce n’est pas un des trucs supplémentaires qu’on va apprendre. C’est-à-dire que ce n’est pas une formation supplémentaire dans une vie. C’est une pédagogie qui est différente, c’est-à-dire qu’on n’est pas là pour apprendre. Il n’y a pas de niveau, il n’y a pas de diplôme. On n’est pas expert ou pas expert en méditation. C’est quelque chose de très personnel, qu’on partage avec celui qui vous guide ou celle qui vous guide. En fait, on fait des exercices ensemble et ensuite on prend un temps pour échanger éventuellement sur l’expérience, sur ce qu’on a vécu en faisant cet exercice. L’idée, c’est vraiment de s’arrêter, d’arrêter de faire des choses et d’être là et d’être avec soi-même. Ce n’est pas facile d’être avec soi-même parfois. Il y a un peu des fois une course en avant à faire des choses, justement parce qu’on n’a pas trop envie de se retrouver en tête-à-tête avec soi-même.
Mais en même temps, pour moi, ça a changé beaucoup de choses sur le plan personnel. Sur le plan professionnel, ça a été aussi pour moi la découverte de ce que je cherchais, qui manquait dans mon programme d’éducation thérapeutique.
C’est-à-dire une approche qui, pour moi, cochait toutes les cases de la fameuse loi “Hôpital Patient Santé Territoire”.
C’est-à-dire diminuer le stress, prévenir l’anxiété, la dépression, améliorer la qualité de vie.
C’est pour ça qu’à peu près immédiatement, quand j’ai fait ce premier stage qui durait deux mois — donc ce n’était pas une formation très longue mais c’était la première étape de découverte de ces pratiques — je me suis dit qu’il fallait absolument que je puisse enseigner ça aux patients à l’hôpital. À l’époque, je ne savais pas très bien qui aller voir pour avoir des conseils, savoir comment mettre en place un programme à l’hôpital. Je ne connaissais personne qui faisait ça à l’hôpital. Le seul que je connaissais, que je voyais à la télé, qui écrivait des livres, c’était Christophe André. Il était à l’hôpital Sainte-Anne et il avait déjà mis en place, depuis plusieurs années, un programme dans son service de psychiatrie, le service où il travaillait. Je suis allée le voir en lui disant : “Moi, j’aimerais bien faire ça aussi pour mes patients, comment je fais ?” Il m’a beaucoup aidée. Il m’a aidée à pouvoir accéder assez rapidement à la formation professionnelle. Du coup, c’est là que je suis repartie à Boston pour aller me former dans l’école de John Kabat-Zinn. Enfin, c’était des stages de formation. Je suis allée plusieurs fois. Ce n’est pas une formation continue pendant plusieurs années, mais c’est une formation qui dure plusieurs années avec différents stages et différentes étapes. Ça se passait là-bas.
Julie : Du coup, vous êtes retournée à Boston et là, vous y alliez combien de temps ?
Corrine : C’était des stages de deux semaines.
Julie : D’accord, c’était possible, oui c’était possible.
C’était vraiment plusieurs… j’y suis allée plusieurs fois sur un espace de temps de deux ou trois ans,
Julie : pour ne pas s’absenter trop longtemps.
Corrine : C’est un cursus de formation qui était fait pour que les gens puissent venir de l’étranger, qui était entrecoupé à la fois de temps vraiment de pratiques de méditation, c’est-à-dire de retraites, de méditation, donc ça pouvait être 5 jours, 6 jours, 7 jours, et on pouvait les faire un peu où on voulait, et puis des moments d’enseignement qui se passaient plutôt à Boston.
Après, moi j’ai fait des tas d’autres formations un peu partout, en Belgique, dans d’autres endroits.
Mais la formation initiale pour pouvoir enseigner la méditation, je l’ai faite là-bas.
Et du coup, quand j’ai fait ça, j’ai créé un programme dans le service, dans mon programme d’éducation thérapeutique,
Julie : à la Pitié-Salpêtrière ?
Corrine : à la Pitié
Julie : D’accord.
Corrine : Et j’ai enseigné plusieurs fois ce fameux programme MBSR qui dure deux mois. C’est une séance par semaine pendant deux mois.
Julie : Vous êtes devenue vous aussi une formatrice.
Corrine : Oui, oui, tout à fait formatrice.
On appelle ça instructeur, c’est un terme un peu militaire, mais c’est une traduction de l’anglais.
Et donc j’ai commencé à enseigner à des groupes de patients.
À l’époque, c’était assez compliqué d’avoir des financements pour faire de la recherche sur des sujets comme ça, parce que ce n’était pas du tout un sujet qui cochait les cases des thématiques de recherche clinique à l’hôpital.
Mais j’ai eu la chance d’avoir des gens qui faisaient de la recherche en sciences humaines, anthropologues, sociologues, enfin plusieurs personnes. En gros, à chaque fois que j’ai enseigné un stage de méditation aux patients, il y avait toujours un chercheur qui faisait une recherche-action, qui était dans le stage et qui en même temps… Donc en fait, on n’a jamais vraiment publié ça, mais on a eu pas mal d’opportunités de réfléchir à ce que ça apportait à nos patients. Comment ça se passait, est-ce que c’était vraiment intéressant ? Et ça m’a vraiment convaincue que oui, c’était utile. Que oui, ça pouvait vraiment apporter quelque chose. Et que c’était vraiment…
On était vraiment sur le sujet de la qualité de vie, de la prévention de la dépression, de l’amélioration des troubles du sommeil, de l’amélioration du vécu de la douleur par exemple, des douleurs chroniques.
Et puis voilà, c’est une expérience humaine aussi super intéressante.
Julie : Donc vous faisiez ça à l’hôpital ?
Corrine : Donc je faisais ça à l’hôpital. Mais ce programme en fait, ce programme d’enseignement, c’est 2h30 à 3h par semaine pendant 8 semaines. Il y a une journée entière de pratique. Donc il y a une trentaine d’heures d’enseignement, plus toute la préparation.
Au bout d’un moment, je me suis dit que ce n’était peut-être pas exactement mon rôle, en tant que professeur de néphrologie, de passer tout ce temps à faire ça. Mais que peut-être c’était plus intéressant pour moi de former d’autres personnes à comprendre l’intérêt de la méditation dans la santé, d’autres professionnels de santé.
Et c’est comme ça que j’ai commencé à avoir envie de monter un cursus de formation universitaire sur cette question-là.
On a mis un peu de temps à avoir les autorisations, parce que ce n’était pas forcément un sujet très évident à l’époque dans l’université de pouvoir aborder ces questions-là.
Mais finalement, on a créé un diplôme universitaire.
[Corinne a une quinte de toux]
Pardon, je vais boire un peu d’eau, je vais l’attraper à côté de moi.
Corrine : On a fêté cette année la dixième année de ce programme de formation.
Julie : Oui justement je voulais vous demander quand est-ce que vous l’avez créé. Donc c’était en 2015.
En 2015 vous avez commencé à créer ce programme universitaire, à la Sorbonne, je crois.
[Corinne a une quinte de toux]
Julie : C’est pas grave prenez 2 minutes, il n’y a pas de problème.
Corrine : Excusez-moi, je vais finir ma petite bronchite tranquillement.
Julie : On peut aussi diffuser une musique, ce n’est pas grave !
Corrine : On a ouvert le programme il y a dix ans, c’est la dixième promotion. Depuis dix ans, on a formé chaque année entre 30 et 40 personnes.
Julie : C’est des personnes qui .. des soignants ?
Corrine : Ce sont des professionnels de santé, des soignants de tous les métiers, qui viennent là pour plein de raisons différentes. Parfois, ils viennent juste pour une formation parce qu’ils ont besoin de se remettre en question sur leur métier, la relation de soins. Parfois, ils viennent spécifiquement parce qu’ils s’intéressent à la méditation. Parfois, ils viennent aussi parce qu’ils ne sont pas très bien dans leur métier, parce qu’ils sont un peu épuisés, parce qu’ils ont besoin de se nourrir, ils ont besoin de redécouvrir une autre façon d’être en lien, de retrouver du sens dans leur métier.
Mais en tout cas, c’est un programme qui est centré sur ce que la méditation de pleine conscience peut nous apporter, justement en tant que soignant, dans la qualité de la relation de soins qu’on a envie de pouvoir établir avec nos patients.
Julie : Là, ça me fait penser à ce que vous avez dit au début quand pour vous l’hôpital c’était un lieu, vous avez fait l’analogie avec le restaurant. Et là donc, cela me fait penser que petit à petit, vous commencez, mine de rien, à apporter des choses à l’hôpital qui font que c’est un peu plus humain, un peu plus de relations. Et les soignants aussi voient les choses autrement grâce à ce parcours, vous diffusez petit à petit ça aux patients aussi ?
Corrine : Alors vous savez, je pense que quand on propose des changements, d’une manière générale, il faut que les gens soient prêts. Je pense que quelque part, l’hôpital était prêt, et qu’il y avait des attentes. D’ailleurs, la méditation n’est pas du tout la seule manière de rendre l’hôpital plus humain. Il y a énormément de gens qui ont mis en place des choses super chouettes, que ce soit la médecine narrative, qui est une approche sur le travail de l’écriture pour les soignants, pour les patients. Il y a plein de choses qui se construisent à l’hôpital, qui créent des ponts, qui permettent aux soignants de retrouver du sens, et de pouvoir devenir acteurs de plus d’humanité dans la médecine à leur façon.
La méditation, c’est une des approches possibles. Je pense que si ça a été bien reçu à ce moment-là, c’est que quelque part, c’était le bon moment. C’était le bon moment. C’est un moment où il y a eu ouverture de ce type de programme de formation dans d’autres universités en France. La première, c’était à Strasbourg. Maintenant, il y en a dans une dizaine de facs de médecine en France. Petit à petit, on voit les choses s’organiser. Un peu comme ça s’est organisé probablement pour l’hypnose. L’hypnose, ça fait plus de 20 ans qu’elle est dans les murs de l’hôpital. Depuis 20 ans, il y a eu beaucoup d’offres de formation, et donc beaucoup de soignants sont formés à l’hypnose, de tous les métiers : médecins, infirmiers, anesthésistes, aides-soignants, etc. Du coup, c’est vrai qu’à l’hôpital, c’est assez facile de trouver, enfon comment dire, on a des ressources internes, dans les professionnels de l’hôpital, beaucoup sont formés à l’hypnose, d’une manière ou d’une autre. Parce que ces formations sont très accessibles et diffsées parce qu’il y a eu un gros de déploiement, de différents types de formations pour les professionnels. Du coup cela existe et c’est présent un peu à l’hôpital.
La méditation n’est pas encore là, parce qu’il n’y a pas encore suffisamment de professionnels formés.
Moi je pense que ce sont les professionnels de santé qui doivent partager ça avec les soignants et les patients à l’hôpital.
Mais ça en prend le chemin. C’est-à-dire qu’aujourd’hui, il y a de plus en plus de professionnels qui s’intéressent aussi à ces parcours.
Alors moi, le parcours que j’ai créé, comme la plupart des diplômes universitaires qui ont été créés dans les facultés de médecine, ce n’est pas un programme qui permet d’enseigner la méditation. Mais c’est un programme qui permet à des professionnels de santé de faire l’expérience de la pratique méditative, de savoir qu’est-ce que c’est, qu’est-ce que ça change pour eux, d’avoir une bonne compréhension de à quoi ça sert, qu’est-ce qui est démontré, qu’est-ce qui n’est pas démontré.
En fait, moi ce que je trouve très important, qui est vraiment mon cheval de bataille si on peut dire, un peu dans ce domaine-là, c’est de dire que la méditation, tout le monde peut en faire. On peut imaginer ou avoir des attentes de toutes sortes, c’est très bien. Mais quand on propose la méditation à l’hôpital, ce n’est pas du tout la même chose. Ce n’est pas du tout la même chose, d’abord parce qu’on s’adresse à un public vulnérable. Quand on est malade, on est vulnérable, on a envie que ça aille mieux, on est prêt à croire un peu, peut-être parfois n’importe quoi. Et surtout, ce n’est pas la même chose parce que quand c’est un soignant qui propose une solution à un patient qui est justement dans l’attente d’une solution, eh bien sa proposition n’est pas du tout entendue et accueillie de la même manière.
Julie : Oui, c’est vrai, ça change tout.
Corrine : C’est une prescription, voilà.
Et donc, je pense que c’est très important que les professionnels de santé soient bien conscients de ça.
On ne peut pas dire en tant que soignant “oh bah vous devriez faire de la méditation, ça vous ferait du bien”. Non. Enfin, il y a des situations dans lesquelles on ne peut pas faire de la méditation. Il y a des situations dans lesquelles ce n’est pas le bon moment. Si on est vraiment dans la dépression, il vaut mieux faire soigner sa dépression. Puis, quand on sera en rémission de sa dépression, là on pourra faire de la méditation. La méditation, ça ne soigne pas les gens. C’est une approche. C’est un mode de vie. Et si ça fait quelque chose dans la santé, c’est de la prévention.
Et donc moi, j’ai beaucoup communiqué dans cet enseignement sur ce positionnement.
Parce que je pense que ça fait vraiment partie d’une éthique professionnelle que les professionnels de santé se positionnent par rapport à ça, comme ils se positionnent par rapport au reste des solutions thérapeutiques qu’ils peuvent proposer à leurs patients, avec une rigueur scientifique et une éthique professionnelle. Alors c’est vrai qu’il y a eu toute une période où on a un peu raconté tout et n’importe quoi sur la méditation. Ça ne rend pas service à la méditation d’ailleurs. Je ne parle pas de Christophe André, qui a un discours tout à fait juste depuis toujours sur ces questions-là. Mais on a quand même entendu des tas de choses qui n’avaient pas leur place. Notamment les études, la recherche autour du sujet de la méditation et de ce que ça peut apporter dans la maladie ou dans la souffrance. Parce qu’il n’y avait pas de financement dédié, pendant assez longtemps les études étaient de mauvaise qualité. C’est-à-dire qu’en fait, des soignants qui étaient convaincus de l’intérêt faisaient une étude sans pouvoir avoir le recul nécessaire, les moyens nécessaires. Donc on publiait des choses. Moi, ça m’a même motivée à écrire quelques livres.
Julie : Vous avez écrit deux livres au minimum
Corrine : le livre que j’ai publié en 2017 aux éditions de Boeck, c’était vraiment ça mon intention. C’était de faire un peu un état des lieux de ce qu’on savait, de ce qui était démontré, de ce qui n’était pas démontré. Pour pouvoir aider justement les soignants à faire référence à des choses scientifiquement démontrées. Avoir un juste discours par rapport aux patients. Et voilà, et ne pas survendre en quelque sorte des pratiques méditatives à des patients qui sont dans l’attente de solutions.
Julie : Et vous avez écrit : “La pleine conscience au service de la relation de soins”, aux éditions de Boeck, et aussi un Que sais-je sur la méditation de pleine conscience.
Corrine : Ça, c’est un petit Que sais-je qui est aussi centré sur l’intérêt de la méditation globalement pour la santé. Mais qui est, à mon avis, très facile à lire, qui a été réédité il y a deux ou trois ans, on l’a remis à jour. Mais oui, c’est intéressant de voir comment la méditation aujourd’hui est rentrée dans le panorama de la santé avec une approche qui est sans doute peut-être moins… Enfin, ça a pris un peu sa place quoi. Disons qu’il y a eu un moment donné, il y a quelques années, où tout le monde était un peu excité avec la méditation, il aurait fallu en mettre partout, à toutes les sauces, il fallait que ça serve à tout le monde, etc. Et je pense que petit à petit, les choses prennent leur place.
D’ailleurs, à cet égard, depuis peut-être sept ou huit ans, peut-être même un peu plus, il y a un collège universitaire qui a été créé : des approches non médicamenteuses de la santé, qui est vraiment plus centré sur la santé intégrative, dont je fais partie. Et donc, il y a une réflexion universitaire sur un certain nombre d’approches comme l’hypnose, la méditation, la médecine chinoise, le yoga, enfin un certain nombre… Toutes ces approches qui peuvent être considérées comme complémentaires à certains traitements. Et la manière dont on peut à la fois former les professionnels de santé sur ces questions. Et maintenant, c’est rentré dans les programmes de formation. Donc, il y a de la formation aussi pour les professionnels de santé sur ces questions-là. Parce que c’est une vraie demande que les patients ont. Parce qu’on ne répond pas à tous les besoins des malades chroniques avec nos médicaments. Donc, on a aussi besoin d’autres choses. Et donc, c’est vrai qu’on voit bien comment il y a une transformation importante de la perception, des attentes, de l’offre de soins. Mais aussi des attentes des patients. Et du coup, de la santé intégrative qui commence vraiment à être vraiment là au quotidien. On trouve des ressources, il y a des gens formés, etc. Ce n’était pas le cas il y a 15 ans. Enfin, ça a beaucoup évolué.
Donc, la méditation maintenant est intégrée dans une transformation plus large de la santé, qui s’intéresse à essayer de répondre à la définition de l’Organisation Mondiale de la Santé de ce qu’est une vie en bonne santé.
C’est une vie dans laquelle on peut se réaliser dans tous les domaines personnels, professionnels. Ce n’est pas simplement avoir un corps qui n’exprime pas de symptômes. Du coup, ça nécessite pas simplement des médicaments mais aussi d’autres approches.
Julie : Et cette approche de la méditation de pleine conscience pour aider à améliorer la qualité de vie des patients et aussi des soignants, elle se fait dans toute la France ?
Corrine : Ben oui, en fait. Pas dans toutes les facultés de médecine disons. Il y a des diplômes universitaires dans 5 ou 6 facultés de médecine en France : à Strasbourg, à Montpellier, à Lyon, à Nice, et j’en oublie certainement. Mais il y a aussi des tas d’autres initiatives qui ont été mises en place pour former les professionnels, pas forcément sous forme d’un diplôme universitaire.
Et puis surtout, il y a des professionnels de la méditation qui proposent des programmes de méditation, du type MBSR principalement, à la fois à des soignants à l’hôpital mais aussi à des patients. Notamment à Bordeaux, il y a un centre qui regroupe des enseignants avec des programmes qui sont dédiés à la fois aux patients et aux soignants. Et il y a plein d’endroits en fait. Il n’y a pas forcément une cartographie très précise de tout ça parce que ça prend des formes différentes suivant les endroits. Mais en fait, quand on pose un peu la question, dans énormément d’établissements de santé, il y a des possibilités d’être accompagnés par des approches non conventionnelles de la médecine, qui peuvent être de l’hypnose — oui, ça c’est sûr — mais aussi de la méditation. Il y a des cours de yoga dans les hôpitaux pour les patients, pour les soignants. Il y a plein d’approches différentes qui maintenant sont disponibles.
Julie : Je dis ça aussi parce que vous avais écrit un autre livre qui parle des déserts médicaux.
Et donc vous dites que les déserts médicaux, par rapport à un endroit qui n’y aurait pas de médecine, pas assez d’hôpitaux, pas assez de personnel on va dire médical, on peut peut-être remplacer ça par du matériel technique, par exemple de la consultation à distance.
Et il me semble que vous dites que dans cette approche-là il manque tout ce qui est la relation avec le soignant et le patient, qui est indispensable.
Corrine : Alors ça, c’est un autre sujet.
Une autre partie de ma vie professionnelle, qui est la santé digitale.
D’abord, je pense que la santé digitale, la santé numérique, en France comme un peu partout, on peut s’y intéresser ou pas, mais elle est là. Elle est là, de la même façon qu’elle est là dans notre quotidien avec nos smartphones. Du digital, on en a déjà partout. Donc forcément, il y en a dans la médecine, et ça transforme la médecine.
Donc la question, c’est de savoir comment accompagner cette transformation, de manière à ce que les innovations digitales en santé ne soient que du positif. C’est-à-dire que ça apporte du mieux et, si possible, que ça libère du temps pour les professionnels de santé, à consacrer à la relation de soin. En tout cas, moi, c’est une des façons de voir les choses qui est la mienne. Et du coup, c’est vrai qu’il y a cette question. Après, c’est un grand débat. Mais on peut se dire que, dans les déserts médicaux… Déjà, si on vit dans un endroit où… D’abord, des déserts médicaux, il y en a partout. C’est aussi un peu le sujet de ce livre qu’on a co-écrit avec Olivier Bavinet. C’est un sujet. À Paris, il y a des déserts médicaux. Les trois quarts des gens ne trouvent plus de médecins généralistes. On est dans cette période où c’est difficile d’avoir accès aux soins dans beaucoup d’endroits.
Donc, effectivement, pouvoir être en relation avec un professionnel de santé, qui n’est pas physiquement au même endroit ou dans la même ville mais qui vous propose un service de santé, c’est quand même une aide considérable. Après, on peut toujours dire que le lien qu’on a à travers un échange en ligne, en visio avec un professionnel de santé, n’est pas le même que celui qu’on a en réalité. C’est sûr que ce n’est pas la même chose. Mais je trouve que plus on utilise ces moyens-là, plus on se rend compte que c’est quand même possible. Qu’on ne perd pas le fil de l’humanité de l’autre parce qu’on est derrière un écran. D’ailleurs, c’est intéressant aussi de voir, et ça a été vraiment l’expérience du Covid. Cette période un peu bizarre qu’on a vécue nous a amenés, par force, à beaucoup travailler derrière des écrans, échanger derrière des écrans, y compris pour l’enseignement de la méditation. C’est un peu paradoxal, mais au début tout le monde disait : “L’enseignement de la méditation, c’est impossible, on ne va pas le faire en ligne, c’est ridicule, les ordinateurs, non, on ne fait pas ça. On ne peut pas parler de qualité de présence et le faire derrière un écran d’ordinateur.” Mais ça marche très bien. Moi, j’ai souvent enseigné des programmes de méditation en ligne. Et ça a aussi beaucoup d’avantages, en particulier celui de l’accessibilité.
Parce que moi, ça m’est arrivé souvent d’avoir des personnes qui suivaient mes programmes de méditation alors qu’elles ne pouvaient pas se déplacer, sortir de chez elles pour x raisons : parce qu’elles étaient handicapées, ou fatiguées, ou malades, parce que dans leur région il n’y avait pas d’enseignement de méditation facile d’accès, etc.
Je crois qu’il y a vraiment surtout aujourd’hui on apprend à bien utiliser des relations humaines à travers des écrans et on peut je pense très bien le faire.
Julie : Alors je vois que vous avez connu la méditation, vous avez trouvé que ça vous a apporté dans votre vie, vous êtes emparé du sujet, vous avez été voir les personnes qu’il fallait, vous avez commencé petit à petit, toujours avec un petit accompagnement, à chaque fois que vous parlez d’un accompagnement j’ai l’impression que c’est très important dans la vie, et vous vous emparez du sujet et ça finit par un programme d’étude de la faculté de Sorbonne. Là, vous vous emparez du sujet de transformation numérique la e-santé, et ça finit par… vous vous emparez du sujet, vous faites quelque chose quand même avec.
Donc, vous dirigez c’est ça, le Tiers-lieu Unirein ?
Corrine : Oui, alors en fait ça c’est un programme national qui a été proposé par l’État en fait, qui a mobilisé beaucoup de ressources financières pour aider au développement des solutions digitales dans la santé, pas que dans la santé mais en tout cas dans la santé.
Et en fait, ça fonctionne souvent par ce qu’on appelle des appels à projet. Donc en fait, on peut candidater pour proposer un projet dans un cadre très précis. Et donc moi, j’ai proposé, j’ai répondu à un appel à projet avec une dizaine d’autres partenaires pour construire ce qu’on appelle un consortium. C’est-à-dire en fait un collectif de gens qui vont pouvoir accompagner des start-up ou des entreprises qui ont une bonne idée. Parce qu’ils sont experts en digital dans quelques domaines que ce soit, peut-être dans l’intelligence artificielle ou d’autres sujets. Ils ont une idée. Mais entre l’idée et l’arrivée sur le marché d’une solution qui va vraiment être utile pour des patients ou des soignants, il y a tout un chemin. Et ce chemin, il est difficile à faire pour les entreprises. Parce que les entreprises ont besoin de tester leur solution, de la construire avec les usagers futurs, de la confronter aux besoins du public auquel ils s’adressent, de tester leur solution sur le terrain de la santé. Sauf que la difficulté, c’est que les hôpitaux jusqu’à présent n’étaient pas très ouverts à ce genre d’expérimentation. Les hôpitaux sont très habitués à tester des médicaments, parce qu’évidemment, dans les 3, 4, 5, 10 décennies précédentes, on a toujours cette culture de la recherche clinique. Ça veut dire tester des solutions thérapeutiques et en grande partie des médicaments, ou des protocoles de soins, ou des chirurgies, pour trouver les bonnes solutions.
Là, le sujet c’est de pouvoir s’organiser de façon à ce qu’on puisse aussi tester des solutions digitales. Et évidemment, c’est assez différent. C’est assez différent pourquoi ? Parce que dès qu’on s’adresse à des algorithmes d’intelligence artificielle, ça veut dire qu’il faut pouvoir les construire à partir de données de santé. Et donc, les données de santé, c’est toutes informations qui concerne la santé d’une personne. Et donc par définition, c’est quelque chose qui appartient à cette personne. C’est vrai qu’aujourd’hui, une des choses qui sont très bien balisées quand même en France — en France, on est un pays qui défend énormément la protection des données — il y a toute une réglementation. Néanmoins, ce qui fait la une des journaux et des médias, c’est quand il y a des fuites de données, il y a des problèmes de cybersécurité. Et ça existe aussi.
Donc, on est un petit peu parfois perplexe ou inquiet de savoir qu’est-ce que ces entreprises peuvent faire de nos données de santé. Par définition, les données de santé, c’est des choses personnelles et intimes qu’on n’a pas envie d’étaler sur la place publique, évidemment.
Néanmoins, on en a absolument besoin pour développer des solutions qui peuvent transformer certaines prises en charge.
Donc, l’idée de ces consortiums, en fait, financés par l’État, c’est de pouvoir ouvrir les portes de l’hôpital. Mettre des compétences à disposition des entreprises. Souvent, en fait, dans les start-up du digital, il n’y a pas forcément de professionnels de santé. C’est des gens qui ont parfois de grandes compétences mais dans d’autres domaines.
Donc, c’est en fait l’idée de faire le lien, de pouvoir se parler et de pouvoir construire ensemble quelque chose.
Et donc de pouvoir construire ensemble une solution digitale en s’assurant que vraiment elle va répondre aux besoins.
Qu’elle va vraiment être une solution qui va transformer une prise en charge. Mais qu’elle va respecter tout un tas de conditions, qu’elle va être bien comprise, qu’elle va être bien utilisée. Et elle va évidemment respecter toutes les questions de sécurité, de respect des données personnelles, etc.
Et donc en fait on travaille mieux quand on est tous ensemble et surtout on peut ouvrir les portes de l’hôpital pour faire des tests pour faire des études, pour faire de la recherche et aider les entreprises à faire la démonstration de l’intérêt de leur solution.
Et donc c’est ce qu’on fait depuis un an et demi avec ce financement de l’état on travaille avec deux associations de patients avec des collègues qui sont dans des services cliniques, de l’assistance publique mais aussi au CHU de la Réunion avec des entreprises qui amènent des compétences en design parce que le design en santé c’est à mon avis tout à fait essentiel c’est pas encore dans la culture de tout le monde d’imaginer que dans la santé spécifiquement on a besoin du design en fait le design ça veut dire quoi ?
Ca veut dire qu’on va aller regarder comment on fait quelque chose dans la santé, de quoi on a besoin et comment cette solution pourrait répondre à ce besoin et c’est un travail de fond qui est souvent pas fait.
Julie : Design c’est fabriquer un produit.
Corinne : C’est fabriquer un produit qui répond aux attentes de l’usager du produit et donc on est très très content de travailler avec une agence de design qui nous aide énormément sur les projets. On travaille aussi avec des spécialistes de la recherche clinique dans les domaines notamment médico-économique pourquoi ? Parce que les entreprises pour pouvoir aller jusqu’au marché avoir un produit qu’elles peuvent commercialiser qui peut parfois être remboursé par la sécurité sociale. Ces entreprises ont besoin de faire la démonstration de l’intérêt médico-économique de la solution qu’ils apportent, c’est à dire qu’on est dans un pays où on est assuré et où on a des soins de santé qui sont pris en charge collectivement par la société, mais encore faut-il que ces solutions démontrent qu’elles sont efficaces, qu’elles sont sûres, qu’elles ne vont pas avoir d’effet délétère, mais que si possible elles n’explosent pas le budget. En tout cas, on ne peut pas dire qu’elles font des économies, mais en tout cas qu’elles permettent de produire un soin de qualité avec un coût raisonnable. Et donc on a besoin d’experts pour travailler sur ces questions-là. Et puis on travaille aussi avec tout un collectif de partenaires qui apportent des compétences et qui nous permettent d’accompagner des entreprises et de les aider à faire la démonstration, d’avancer dans ce parcours, pour essayer de faire en sorte qu’on dispose de solutions qui soient vraiment utiles à la fin, qui soient vraiment utiles aux patients et aux soignants. Mais c’est vraiment super intéressant
Julie : Oui, et comment vous en êtes arrivée à diriger ce tiers-lieu ce programme ?
Corinne : Je ne sais pas. En fait la santé digitale m’intéressait, j’avais déjà été impliquée dans différents projets. Notamment en 2017, j’ai créé un MOOC. En fait on n’en parle plus du tout de ces MOOC. Il y a eu une petite mode des MOOC à un moment donné. Ca veut dire Massive Online Open Course, c’est un terme anglais qui veut dire qu’à un moment donné, grâce à internet, on s’est inspiré des canadiens, et on a découvert qu’on pouvait partager de la connaissance en ligne et que ça pouvait être gratuit pour tout le monde. Et moi je me suis dit c’est génial ce truc-là, alors on devrait pouvoir à ce moment-là monter un programme autour des maladies rénales qui permettrait à tout le monde, les patients, les soignants les industriels de réfléchir ensemble à l’amélioration des maladies rénales.
Julie : Vous avez trouvé ce qu’il faut pour pouvoir le créer ?
Corinne : Voilà, j’ai eu un financement européen et on a créé ce MOOC.
Julie : Bravo.
Corinne : donc ça c’était en 2017, après aujourd’hui, ça a évolué on est un peu revenu sur l’intérêt de ces programmes collectifs gratuits, même s’il y en a plein qui existent, mais c’est surtout devenu des programmes payants donc c’est un tout petit peu différent. Mais c’est pour dire que ça m’intéressait de voir comment les solutions digitales pouvaient transformer la santé. Et puis c’est ça qui m’a motivé à répondre à cet appel à projet. Et du coup je suis allée solliciter différents partenaires avec qui j’avais déjà des relations professionnelles, qui sont des gens merveilleux avec qui j’avais déjà eu l’occasion de travailler. Donc créer ce collectif, ou ce consortium, a été vraiment chouette parce que tout le monde a répondu présent. On savait déjà qu’on pouvait bien travailler ensemble, on avait déjà eu l’occasion de travailler dans la recherche sur certains projets ensemble. Et on a eu la chance d’être financés.
Julie : Et vous, vous êtes alors moteur : dans la création du MOOC, la création de ce…
Corinne : Oui, moi j’aime bien quand ça bouge, quand on fait des trucs nouveaux, quand on avance. Et puis, je crois qu’en fait ce qui m’intéresse surtout c’est le collectif j’aime bien travailler avec d’autres gens. Donc me retrouver à travailler avec une dizaine de personnes qui sont aux quatre coins de France et à la Réunion, pour essayer de faire avancer le schmilblick, j’aime bien faire ça.
Julie : Vous êtes moteur de la relation entre les gens, vous allez les voir, vous leur expliquer. Ah ouais, c’est super, on vient avec toi. Ca se passe comme ça ?
Corinne : Oui, Moi je suis plutôt quelqu’un d’assez enthousiaste, c’est communicatif, je pense.
Julie : Donc il faut quelqu’un qui porte le projet, qui soit là, quand même, c’est beaucoup d’investissement.
Corinne : Ce qu’il y a aussi, c’est que dans la santé digitale on n’est pas dans le même espace temps que dans la recherche clinique. Pour moi ça va passer vite la recherche clinique. C’est à dire que les études pour démontrer un nouveau traitement un nouveau médicament, c’est très bien évidemment, on en fait, il faut en faire. Mais c’est très long à mettre en place, ça prend des années en fait. Moi j’ai besoin que ça aille plus vite que ça. Alors peut-être que je suis un peu trop impatient, mais en tout cas dans la santé digitale, par définition, il faut que ça aille vite.
Une entreprise qui se crée, elle ne peut pas attendre 5 ans avant qu’il se passe quelque chose.
Julie : oui il faut qu’elle vive.
Corinne : Il faut que cela avance. Déjà c’est déjà très long pour les entreprises avant d’entrer dans une phase où ils gagnent leur vie. Mais ça doit aller beaucoup plus vite que la recherche clinique. Et donc ce qui est aussi intéressant avec la santé digitale, aujourd’hui, à l’hôpital, c’est de réfléchir ensemble à comment on va pouvoir creuser des sillons pour faire en sorte que on puisse avancer vite, sur la démonstration d’intérêt de ces solutions digitales, parce que ça ne peut pas fonctionner avec les mêmes modes d’emploi que la recherche clinique. Donc c’est déjà en cours évidemment, et la transformation est en cours, et à l’assistance publique il y a énormément de moyens. Il y a des gens, il y a des moyens, il y a une réflexion. C’est évidemment un sujet dont la direction de l’assistance publique s’est emparée. Du coup c’est intéressant de voir comment petit à petit on va aussi apprendre, ensemble, à voir comment on peut aussi dans un hôpital être en interface avec ce monde de l’entreprenariat économique, des start-up de l’innovation, pour avoir des circuits un peu spécialisés, rapides, pour tester des solutions digitales en santé.
Julie : Et vous avez fait une formation en transformation digitale dans la santé ?
Corinne : Alors j’en ai pas fait mais j’en ai créé une ! J’en ai pas fait, je me suis pas formée comme ça à ce sujet.
Julie : Vous avez créé une formation à la Sorbonne.
Corinne : Oui parce que moi je suis enseignante universitaire, et que on a un énorme besoin, en fait, en France, aujourd’hui, et dans les autres pays, de formation sur ces sujets là. Donc en fait comme j’avais créé un diplôme universitaire sur la méditation de pleine conscience, j’avais le mode d’emploi. Et en collaboration avec plein d’autres gens, on a créé un enseignement sur la santé digitale, donc la e-santé, la transformation digitale. C’est un diplôme universitaire, donc c’est sur le même modèle. C’est une centaine d’heures d’enseignement dans l’année. Et ça permet à la fois à des professionnels de santé, et là du coup alors cette formation elle est ouverte à toute personne qui est dans le domaine du digital en santé, pas forcément professionnels de santé, parce que l’intérêt c’est aussi qu’on puisse créer des liens et qu’on puisse essayer de faire vivre un écosystème, en mettant en contact des professionnels de santé avec justement des gens qui sont des entrepreneurs, des gens qui sont dans l’innovation qui sont dans le digital, et parce qu’ils ont besoin de travailler ensemble. Et donc ça fonctionne super bien c’est hyper intéressant.
Julie : Donc alors à ce moment, on se rend compte que l’accompagnement la mise en relation, l’écoute et le fait de travailler ensemble c’est très important.
Corinne : Moi ce qui m’a toujours passionné c’est, de …, c’est l’interdisciplinarité, la multidisciplinarité. Enfin moi en tant que néphrologue, pendant des années, je me suis occupée des patients infectés par le VIH et des problèmes rénaux qu’ils avaient. Aujourd’hui c’est peut-être un sujet un peu moins présent parce que les traitements ont énormément avancé. Mais voilà moi j’ai toujours eu beaucoup d’intérêt pour collaborer avec d’autres spécialités, ou avec d’autres disciplines. Et je pense que, voilà, après c’est chacun, c’est vraiment quelque chose qui est important pour moi de pouvoir avoir une ouverture sur d’autres disciplines et de sortir de, non pas de sortir de la néphrologie, mais de faire des ponts, et de travailler collectivement.
Julie : Et j’ai une petite dernière question, parce qu’il nous reste deux minutes.
Corinne : Ah oui ! C’est passé trop vite.
Julie : Donc vous dirigez, vous dirigez des programmes, vous dirigez plein de choses, vous avez créé plein de choses Et une petite question : comment vous avez bravé le fait d’être une femme et de pouvoir diriger ?
Corinne : Ah bah c’est pas en deux minutes qu’on va pouvoir répondre.
Julie : Est-ce que vous avez eu besoin de braver des choses ?
Corinne : Je me suis pas posé la question. C’est a posteriori, quand je regarde mon parcours que je vois en effet qu’il y a des choses que j’ai pas pu faire parce que j’étais une femme probablement.
Julie : D’accord ou le ressentez.
Corinne : Mais en fait sur le moment ça m’a pas empêché de vouloir avancer. Mais oui, je dirais que ça, enfin je me suis pas posé la question au moment où j’étais vraiment dans l’action
Julie : Vous étiez dans votre…
Corinne : Ouais, après c’est vrai qu’en l’espace de trois décennies voilà, c’est à peu près on a trois décennies, là de de ma carrière et de ce que j’ai fait. Bon, il y a beaucoup de choses qui se sont énormément transformées, notamment la féminisation du monde médical. Aujourd’hui, je pense que c’est… voilà, on a une grande majorité de femmes et pour autant elles ont pas toutes autant de responsabilités.
Julie : Voilà, des femmes qui ont des responsabilités, c’est ça qui
Corinne : C’est pas encore ça, c’est sûr, c’est pas encore ça, mais ça a quand même beaucoup évolué
Julie : Et vous, vous avez finalement eu la force, Le leadership, pour
Corinne : Je sais pas, je me suis pas posée cette question. A vrai dire, enfin je me suis pas tellement posée cette question, je crois que faut pas se poser trop de questions.
Julie : Si vous vous posez pas la question, vous savez pas et vous foncez
Corinne : oui, en tout cas, moi c’est comme ça que je fonctionne peut-être, je pense que voilà, on a c’est une période tout à fait intéressante où il y a eu beaucoup de transformations.
Moi, quand j’ai été nommée professeure de médecine, j’étais la sixième femme en France à être nommée professeure de néphrologie, dans ma discipline. Bon, est-ce que ça m’a portée ou que c’était compliqué ? Non, je crois pas plus que ça. Faut y aller, c’est tout. Quand on a envie de faire les choses, faut les faire.
[La musique du générique a démarré]
Julie : Merci beaucoup
Corinne : Merci à vous
Julie : Corinne, Corinne Isnard bagnis. Merci pour votre présence et pour votre participation ce soir à l’émission.
Corinne : Merci à vous.
Julie : Notre émission, vous l’entendez par la musique, se termine
Donc, Chemins de Traverse, c’est en direct tous les mercredis à 22h, et l’émission d’aujourd’hui a été réalisée par Frédéric.
Vous êtes sur la radio Cause Commune.
La semaine prochaine, mercredi 30 avril à 21h [1], nous recevrons ici sur le plateau Michelle Zouhari qui est une coach professionnelle et formatrice dans l’accompagnement des entrepreneurs. Elle nous racontera comment elle a transformé sa vie et maintenant accompagne celles et ceux qui souhaitent changer.
Alors, merci à vous d’avoir écouté l’émission. Une émission du domaine médical, j’avais très envie d’une émission du domaine médical, merci Corinne.
N’hésitez pas à nous faire des retours sur le formulaire de contact qui est sur la page internet de l’émission, sur le site de la radio Cause Commune. Sur cette même page vous retrouverez l’émission de ce soir avec les références des sites et des livres dont nous avons parlé.
Nous espérons que cette émission vous a touchés et si c’est le cas, vous pouvez partager le podcast qui va sortir demain ou après-demain, que vous trouverez donc sur la page de l’émission sur le site internet. Vous pouvez le partager avec les personnes que vous aimez.
Juste après, vous pourrez écouter sur Radio Cause Commune, l’émission qui s’appelle “Minuit décousu” et qui va en découdre ce soir avec les livres : fabrication du livre, le marché de l’édition, les manuels scolaires et les stratégies sociales de la lecture jeunesse.
Alors, eh bien on se donne rendez-vous pour une prochaine émission mercredi prochai,n donc le 30 avril à 22h.
Merci de votre écoute.
Salut et solidarité
[1] j’ai dit 21h, mais c’est 22h.
Sauf mention contraire et autres licences applicables cette œuvre sonore de Cause Commune est mise à disposition selon les termes de la
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