#27 – Essais, recherches, errances, avec Isabelle Carrère
proposée par Élise, Fred, Julie et Mehdi
Diffusée le 16 avril 2025
27e émission Chemins de traverse diffusée en direct 16 avril 2025 à 22 h
Notre invitée sera Isabelle Carrère présidente de l’association Antanak (récupération d’ordinateurs et reconditionnement, salle d’ordinateurs en libre accès accompagné·e, permanences d’écrivain numérique public, d’écrivaine numérique publique). Isabelle propose l’émission Un coin quelque part sur l’habitat, sur la question « qu’est-ce qu’on habite », fait une chronique mensuelle « Que libérer d’autre que du logiciel avec Antanak » dans Libre à vous ! (l’émission sur les libertés informatiques).
Court extrait (1 minute) dans lequel Isabelle Carrère expliquer pourquoi elle a accepté d’intervenir.
Questionnaire pour mieux vous connaître
Aidez-nous à mieux vous connaître et améliorer l’émission en répondant à notre questionnaire (en 3 minutes max). Vos réponses à ce questionnaire sont très précieuses pour nous. De votre côté, ce questionnaire est une occasion de nous faire des retours.
Sommaire
En plateau
- Invitée : Isabelle Carrère
- Préparation et animation : Fred
- Réalisation : Magali
À l’oreille
- Try (Just a Little Bit Harder)” par Janis Joplin
- Les Ogres par Solann
- Schmaltz par Jahzzar (générique)
Transcription
Voix du générique (Laure-Élise Déniel) : Cause Commune, Chemins de traverse, d’autres voies pour imaginer demain.
Fred : Bonsoir à tous, bonsoir à toutes pour ce 27e épisode de Chemins de traverse, d’autres voies pour imaginer demain.
Dans Chemins de traverse, Julie, Élise, Mehdi et moi-même Fred, nous espérons vous proposer de belles rencontres et mettre en avant des parcours personnels et professionnels, des passions, des engagements.
Merci de nous accueillir dans votre salon, votre cuisine, voire votre chambre, ou peut-être vautré dans votre canapé, ou encore pendant votre séance de sport.
Notre invitée ce mercredi a été Isabelle Carrère.
On va aller un peu à sa découverte et son parcours, mais surtout on va parler de sujets tels que les luttes contre les injustices, les recherches de libertés individuelles mais aussi collectives, l’idée qu’on peut, on essaye, la pensée « tout est politique » qui continue de résonner et bien d’autres sujets sans doute.
Bonsoir Isabelle
Isabelle : Bonsoir
Fred : Avant que la discussion ne commence, je vous rappelle que nous sommes en direct ce mercredi 16 avril 2025 sur radio Cause Commune, la voix des possibles, sur 93.1 FM et en DAB+ en Ile-de-France, partout dans le monde sur le site causecommune.fm, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast.
N’hésitez pas à participer à intervenir en direct, Magali réalise l’émission ce soir.
Bonsoir Mag
Magali : Salut Fred.
Fred : Donc elle attend vos appels, pour cela notre téléphone est branché, appelez-nous au 09 72 51 55 46, je répète 09 72 51 55 46, ou alors plus simplement vous pouvez réagir sur le salon web de la radio, rendez-vous sur le site causecommune.fm, bouton chat, salon, Chemins de traverse.
Rebonjour Isabelle !
Isabelle : Ben merci Fred de cette invite.
Fred : Et bien écoute c’est avec plaisir, d’abord tu es une invitée un peu particulière. Déjà on se connaît, ce qui n’est pas forcément le cas de toutes les personnes qui sont intervenues dans l’émission. Alors nous nous connaissons via Antanak, association de quartier à Paris 18e qui vient de fêter ses 10 ans, donc association voisine de la radio, 18 rue Bernard Dimey, association qui fait notamment de la récupération d’ordinateurs et de reconditionnement, et aussi de l’ébullition neuronale des gens par rapport aux usages de l’informatique, du numérique, mais on aura l’occasion d’en reparler.
Sur Cause Commune tu proposes l’émission Un coin quelque part depuis 2019, sur l’habitat, sur la question de « qu’est-ce qu’on habite ? », et depuis 2020 tu proposes une chronique mensuelle « Que libérer d’autre que du logiciel avec Antanak » dans l’émission Libre à vous ! que j’ai le plaisir de co-animer sur la radio, l’émission sur les libertés informatiques, et tu fais également partie, avec d’ailleurs Magali qui est en régie aujourd’hui, de l’équipe du Café Libre, débat autour des libertés informatiques.
Mais pour autant je ne te connais pas tant que ça, et je t’ai presque même surpris que tu acceptes d’intervenir dans Chemins de traverse, c’est-à-dire tout de même pour parler un peu de toi, mais aussi de parler de sujets que j’ai évoqués tout à l’heure.
Alors j’ai envie de poser la première question tout simplement, tu dis souvent que ce n’est pas toi qui es importante, alors pourquoi avoir accepté l’invitation ?
Isabelle : Parce que j’imagine qu’ayant entendu plusieurs des émissions que tu as faites, que vous avez faites dans l’équipe Chemins de traverse, ce n’est pas tant une espèce d’égocentrisme que vous êtes en train de chercher, ce n’est pas le culte de personnalité, même au pluriel, que vous imaginez mettre en exergue là, mais plutôt par le biais de chemins, de trouver un petit peu, je ne sais pas, de donner envie à des gens de faire des choses, ou de se lancer dans quelque chose auxquelles ils n’auraient pas pensé.
Et du coup, au début, je ne sais pas non plus pourquoi j’ai répondu oui.
J’ai répondu oui parce qu’on se connaît et que je te fais confiance, parce que j’imagine qu’il y a des sujets comme ceux que tu as cités, qui ne sont pas que les miens, qui sont des sujets collectifs, politiques, et ou très très d’actualité.
Et puis voilà, parce que je trouve ça rigolo, en fait c’est une chance aussi d’avoir un micro devant moi.
Fred : On va en profiter.
Tu as accepté, donc tu es tout de même d’accord pour qu’on parle un peu de ton parcours, mais pas trop, j’ai bien retenu.
Deuxième question, en préparant l’émission, tu m’as dit, ou plutôt tu m’as écrit « à un moment, de ne pas oublier son adolescence, revenir à comment on sentait les émotions qu’on avait petite ».
Donc j’ai envie de te demander comment tu étais quand tu étais petite ou adolescente.
Isabelle : En fait, ce que je voulais dire par cette phrase, c’est que pour moi, j’ai dû dire à un autre moment aussi, que pour moi la vie était comme une spirale.
Une spirale dans laquelle je trouve qu’on revient sur des points, des moments, des instants de son passé.
Et que moi j’ai vraiment l’impression d’avancer.
Je n’avance pas sur un chemin comme tout droit ou sur une route.
Je suis sans arrêt en train de faire des allers et retours.
Et vraiment, pour de vrai, de me souvenir à la fois d’émotions, ou de pensées, ou d’affaires qui me concernaient ou que je trouvais importantes dans mon enfance ou dans mon adolescence.
Et que finalement, je trouve que c’est vraiment intéressant que de ne pas oublier ça.
Pas oublier ça parce que c’est souvent quand on est jeune, quand on est adolescent ou adolescente, qu’on s’autorise à des révoltes ou à des choses qu’on n’accepte pas, ou qui ne nous vont pas dans la société, dans les familles, dans je ne sais quoi.
Et que du coup, ça c’est bien de pouvoir le repenser.
Puis c’est bien aussi quand on rencontre des jeunes, que de se rappeler comment on était soi-même.
Ou quand on entend des enfants, puis qu’il y a des trucs qui nous agacent.
Puis du coup on dit, « ok, mais moi ça me faisait quoi à l’époque, d’être comme ci ou comme ça ».
Voilà, je trouve que c’est important, oui, de ne pas oublier ça.
Et que c’est vraiment en se tournant vers le passé aussi, ou en ramenant avec soi le passé.
Enfin, dans son présent et pour son futur.
Un truc comme ça dans lequel on peut avancer.
Fred : D’accord.
Alors comment tu te définirais, peut-être en une ou deux phrases, quand tu étais petite ou adolescente ?
Qu’est-ce que tu retiens en fait de ça ?
Isabelle : Moi j’étais une gamine, je pense que j’étais. Donc déjà, je suis dans une fratrie de trois, puis une quatrième personne qui est arrivée un peu plus tard.
Donc on était trois, et moi j’étais au milieu.
Et donc c’est une place du milieu dont on sait, enfin je ne veux pas faire de la psychanalyse là ici au micro, mais on sait que c’est une place qui est particulière, qui est singulière, dans le sens où c’était soit on était les grandes avec ma sœur, soit les petits.
Moi j’étais toujours avec quelqu’un, mais j’étais jamais moi en tant que moi-même, en quelque sorte.
Et voilà, par ailleurs j’étais trop exubérante, j’étais trop, je prenais trop de place, je faisais trop de bruit.
En toute mon enfance, on m’a appelé un garçon manqué.
Donc j’ai été, mais grâce à ça, j’ai été aussi en commun.
Fred : Est-ce que tu prenais la parole, ou parce que tu avais des activités aussi, genre sportif, genre foot par exemple, des trucs comme ça ?
Isabelle : Non, on n’avait pas du tout ni les moyens, ni la pensée d’aller faire des activités dans la famille dans laquelle j’étais, d’où je viens.
Non, non, plutôt dans le comportement. Je n’étais pas la petite fille sage, les jupes plissées c’était pas possible pour moi, pour moi ça n’allait pas, ça ne m’allait pas.
Et puis après, plus tard, je n’étais pas féminine, etc.
Donc c’était vraiment une affaire comme ça.
Et donc comme j’avais cette casquette de garçon manqué, ça m’a permis de me poser des questions assez tôt sur la question du genre et sur la question des questions que des gens peuvent se poser après coup peut-être, moi c’était déjà là.
Par ailleurs, j’étais gauchère, et donc du coup, là aussi, et à l’époque ce n’était pas simple, maintenant on accepte plus facilement.
Fred : Est-ce qu’on t’a forcé à devenir droitière par exemple ?
Isabelle : Bien sûr, j’ai vécu des trucs avec la main gauche attachée dans le dos pour me forcer à écrire de la main droite, sauf que ça tombait mal parce que moi je suçais mon pouce droit.
Et donc du coup, si on m’attachait à la main gauche, je suçais mon pouce puis je ne pouvais plus rien faire à l’école, tu sais.
Bref, voilà, donc c’était à la fois quelque chose comme une… des singularités comme ça, familiales, avec des parents qui étaient ce qu’ils étaient, mais tu vois, ma mère d’un milieu ouvrier, mon père d’un milieu paysan, donc tu vois des choses assez populaires dans lesquelles petit à petit les choses se sont construites.
Fred : D’accord, et c’était où ?
Dans quel endroit ?
Isabelle : Ah ben moi j’étais Paris et région parisienne, même si on était très très souvent dans les Hautes-Pyrénées parce que mon père était originaire de là et ma mère était originaire de Bourgogne, mais comme par hasard on a oublié les origines du côté maternel. Je ne sais pas pourquoi [rires].
Isabelle : D’accord, et à l’école qu’est-ce qui t’intéressait ?
Si l’école t’intéressait, parce que je ne sais pas.
Isabelle : À l’école ce qui m’intéressait c’était vraiment de discuter, de bavarder, de parler, de jouer, de chanter, voilà.
Ce n’était pas trop trop trop les trucs.
Fred : D’accord, ok.
Isabelle : Mais en fait je suis allé aussi très tôt, tu vois, ma dernière année à la tTerminale, j’avais 16 ans, tu sais, donc j’étais en décalage.
Fred : Parce-que tu avais sauter des classes ?
Isabelle : Oui, j’ai commencé tôt, j’ai commencé plus tôt que beaucoup de gamins et puis je n’en ai pas, voilà, je n’ai pas redoublé, donc du coup je suis arrivé très tôt et c’est rigolo parce que là aussi ça te met dans des situations complètement déclassées, tu sais, décalquées, à côté.
Fred : D’accord.
Isabelle : Et mine de rien tout ça c’était, je ne l’ai pas vécu obligatoirement toujours comme des chances à l’époque, mais petit à petit je les ai vraiment traduites comme ça.
Fred : D’accord.
Et donc après le BAC, tu as fait des études de quoi alors ?
Isabelle : J’ai fais tout et n’importe quoi.
J’ai démarré des tas de choses.
Mais voilà, ça aussi c’est, tu sais, l’affaire du chemin là, de traverse ou autre, pour moi c’est, j’aime beaucoup, je ne sais plus qui, je n’ai pas retrouvé qui a dit ça, mais pour moi c’est vraiment en marchant qu’on construit le chemin.
C’est-à-dire que ce n’est pas un chemin qu’on suit, ce n’est pas un chemin qu’on se, pour moi en tout cas, qui est déjà tracé, on voit là et puis on va y aller dedans.
Non, pour moi c’est parce que j’ai marché que le chemin s’est construit, s’est tracé avec moi.
Et du coup, oui, en fait, j’ai démarré plein de trucs, j’ai commencé plein de choses, j’ai pas fini grand-chose.
Fred : Qu’est-ce que tu as commencé quoi ?
Psycho ?
Isabelle : J’ai commencé un peu de psycho, j’ai commencé, j’ai eu un premier diplôme, puis après j’ai été éducatrice spé, après j’ai fait du théâtre.
Fred : Éducatrice spécialisée, il faut préciser.
Isabelle : Pardon, oui, spécialisée.
J’ai travaillé, et à chaque fois j’ai travaillé un peu dans ces choses-là, c’est-à-dire que…
Fred : Ah, donc ce n’est pas que des études que tu as faites, tu as aussi travaillé dans ce domaine-là, c’est ça ?
Isabelle : Oui, oui.
Fred : D’accord.
Isabelle : J’ai fait du théâtre, après j’ai fait de l’arabe, et en fait, toutes ces choses-là, je les ai faites parce que je rencontrais des gens, parce que je rencontrais des personnes.
Moi j’ai toujours fait des trucs parce que je rencontrais des gens qui m’amenaient à faire quelque chose.
J’ai rencontré quelqu’un qui était vraiment chouette, qui m’a parlé de l’éducation spécialisée, puis j’ai dit, ok, génial, on y va, on le fait, puis j’ai fait ça quelque temps.
Puis après, le théâtre c’est plus, ça pour le coup, c’est sans doute la chose la plus m’appartenant, on va dire ça comme ça.
Ça, c’est le chant.
Et le reste, c’est vraiment des rencontres.
Fred : D’accord.
Mais donc, est-ce que tu as fini par avoir un diplôme, ou tu t’es fixé sur quelque chose ?
Isabelle : J’ai eu des bouts de diplôme, mais je me suis fixé de rien.
Non, non, c’est ça.
Oui, une première année, deuxième année, à l’époque c’était un DEUG, ce n’était pas de la licence, donc j’ai eu un DEUG de ceci, mais des morceaux de choses.
Je n’ai jamais complété quelque chose avec un vrai parcours doctorant, master, machin, truc, tout ça.
Non.
Fred : D’accord.
Isabelle : C’est pour ça que je continue à dire que je suis spécialiste de rien du tout, en fait.
Je suis une touche à tout.
Tu sais, des trucs…
Oui, voilà.
Fred : Mais t’as enchaîné toute ta carrière en changeant de choses, ou à un moment tu t’es fixé sur quelque chose ?
Isabelle : Non.
Fred : Aucune spécialité ?
Isabelle : Non.
Fred : D’accord.
Isabelle : Et après, le reste, je l’ai appris sur le tas.
J’ai appris, là aussi, en rencontrant des gens, en me disant « pourquoi pas, je peux le faire, je peux le faire ».
Mais aussi, parmi les rencontres, plus que les études et les diplômes, ce qui m’intéressait vraiment beaucoup, c’est de faire des choses avec d’autres.
Quand, par exemple, on se retrouve, un groupe de femmes, à se dire pourquoi c’est que nous, on a des voitures à réparer, et pourquoi il faudrait qu’on les confie à des hommes garagistes pour les réparer.
En fait, nous aussi, on peut démonter des voitures.
Pourquoi pas ?
Et on crée un garage coopératif à Sarcelles, à l’époque.
Fred : Vous avez créé un garage ?
Isabelle : Oui, un garage coopératif.
Fred : En ayant, à la base, pas de connaissances en mécanique ?
Isabelle : Une ou deux personnes avaient quelques connaissances.
Tout le reste, on l’a appris sur le tas.
J’ai démonté complètement mon moteur de 2 CV. Et se l’ai remonté.
On apprenait ensemble des choses.
Et ça, pour moi, c’est génial.
J’avais 20 ans, mais je serais capable de le faire maintenant.
C’est un truc qui est, pour moi, fondateur.
Vraiment.
Que de se dire, j’ai les droits, j’ai le droit de le faire.
Je peux y aller avec d’autres.
On y va et on se met ensemble pour démarrer quelque chose qu’on a envie de faire et qui nous semble intéressant.
On n’était que des femmes.
Fred : Que des femmes ?
Isabelle : Oui.
Fred : Et comment réagissaient les personnes qui venaient te confier la voiture, qui sont souvent des hommes ?
Isabelle : L’idée, c’était un peu comme Antanak maintenant c’est pas « on vous vend un service. Vous venez, vous faites avec nous ».
Ce qui était encore plus rigolo, ce qui est encore plus par rapport à ta question, c’était que des hommes venaient et on leur disait « voilà, je vais te montrer comment il faut que tu fasses. C’est toi qui va le faire.».
Fred : Quelle était leur réaction ?
Isabelle : Pas toujours excellente [rires], mais du coup, peut-être qu’on a eu plus de femmes qui sont venues que d’hommes.
Du coup, ça intéressait pas mal de gens.
Non, j’exagère.
Quelques hommes ont joué le jeu, vraiment, et ont été là sur le truc.
Mais c’est quelque chose, c’était à l’époque, quelque chose de très compliqué.
C’est-à-dire là, je parle, on est dans les années 60. Je l’ai noté quelque part. 77, 76, 77.
Fred : Donc, t’as 20 ans, c’est ça, à peu près ?
Isabelle : Ouais, moins de 20 ans. 18, 19, voilà. 18, j’ai mon permis. 18, 19, 20, par là.
Deux, trois ans, on a fait fonctionner cette affaire.
Et c’est intéressant de déjà se poser à cet âge-là les questions de « pourquoi est-ce que quand on est entre femmes, on arrive, puis on est vraiment sur le partage de ce qu’on sait faire, de ce qu’on n’arrive pas à faire, qu’on trouve des astuces, parce qu’un moteur, c’est super lourd et que pour le porter, du coup, on trouve des façons de le faire avec, on accroche des choses au plafond du garage, etc. »
Versus, il y a un homme qui arrive et qui dit « Attends, moi, je vais t’aider à le porter » Et que « oui, ben non, t’es gentil, mais on ne veut pas ça ». C’est pas mal. Je trouve que c’est bien de pouvoir le faire à 20 ans.
Fred : Et donc, c’est la première expérience où finalement, parce que tout à l’heure, on parlera d’Antanak, où les personnes qui ne viennent pas chercher un service sans participer, elles doivent participer, apporter un petit peu leur pierre à l’édifice, même si elles sont accompagnées par des personnes qui en savent un peu plus, qui sont un peu plus avancées sur le chemin finalement.
Là, c’est dans la mécanique.
Isabelle : Tout à fait.
Mais c’est vraiment ça.
Et c’est drôle, parce que je n’y avais pas pensé avant.
Je viens d’y penser là, en en parlant, du fait qu’effectivement, ça ressemblait à ça.
Et que dans Antanak, il y avait encore ça.
Tu vois la spirale dont je parle.
C’est-à-dire que c’est un truc que vraiment profondément je trouve indispensable dans les relations entre les gens pour faire quelque chose.
Fred : Plutôt que d’en parler tout à l’heure d’Antanak, tout de suite, comme ça. On ne va pas faire du linéaire aujourd’hui. De toute façon, avec Isabelle Carrère, on ne fait pas de linéraire. On fait des spirales. On fait des choses comme ça.
Donc, Antanak, je le disais, vous êtes nos voisines et voisins.
La radio, c’est au 22 rue Bernard Dimey. Antanak, c’est au 18 rue Bernard Dimey, dans le 18ème à Paris.
L’association vient de fêter ses 10 ans.
Et donc, c’est du reconditionnement d’ordinateur.
C’est une salle en libre-service accompagnée.
Et puis, je crois qu’il y a aussi des écrivaines et des écrivains publics.
Isabelle : Voilà.
Fred : Donc, c’est le même principe qu’à l’époque dans ce garage coopératif.
Les personnes ont des besoins, mais elles sont accompagnées par rapport à leurs besoins, c’est ça ?
Isabelle : C’est ça.
Alors, sauf pour les permanences d’écrivains et d’écrivaines publics, parce que là, on se trouve en face, et j’en parlais peut-être sur un autre sujet, également féministe, mais sur un autre sujet, qui sont que les personnes qui viennent là ont vraiment besoin qu’on fasse des choses pour elles. Parce que là, c’est trop compliqué.
Elles sont complètement noyées à un moment par des problématiques administratives qu’elles ne maîtrisent absolument pas, même quand elles maîtrisent la langue française, ce qui n’est pas toujours le cas.
Elles ne maîtrisent pas le langage administratif, les procédures et tout ça. Donc, ça, c’est un peu à part.
Là, on fait vraiment des choses pour les gens, parfois même à leur place, en essayant toujours d’expliquer, de montrer, de dire « la prochaine fois, peut-être tu y arriveras » etc.
Mais quand même, on fait des choses pour, parce qu’il y a des urgences, parfois, et parfois même vitales.
Alors que sur le reste, oui, la salle dans laquelle il y a les ordinateurs en libre accès dit accompagné, c’est-à-dire qu’il y aura quelqu’un pour donner un coup de main.
Et quand des gens viennent avec leur ordinateur, « il ne marche pas, je voudrais le passer en libre » etc.
Ce n’est pas nous qui faisons en disant, vas-y, viens chercher ton ordinateur dans deux jours.
Non, la personne s’assied à côté de nous et on le fait ensemble.
Fred : Donc, c’est une base, parce qu’effectivement, tu viens de parler de libre, c’est-à-dire de logiciels libres.
Donc, l’idée, c’est de reconditionner des ordinateurs que vous récupérez auprès d’entreprises, collectivités et autres, d’installer des logiciels libres.
Isabelle : Des systèmes d’exploitation déjà
Fred : Des systèmes d’exploitation.
Isabelle : Et puis des logiciels.
Fred : Et puis des logiciels, effectivement.
D’où aussi ta participation à l’émission Libre à vous !, qui est consacrée à ce sujet chaque mardi de 15h30 à 17h.
Donc, Antanak, c’est une association. Il n’y a que des bénévoles qui, par rapport à la coopérative tout à l’heure du Garage, où vous étiez plutôt…
Je ne sais pas si vous étiez salariées, quel statut vous aviez
Isabelle : On tentait de l’être [rires].
Fred : Oui, vous tentiez de l’être, c’est une belle expression.
Là, Antanak, c’est géré que par des bénévoles, c’est ça ?
Isabelle : Oui, sauf les écrivains numériques publics.
Parce que là, il y a une vraie demande, une vraie obligation. Tu donnes un rendez-vous à quelqu’un, il ne faut pas se planter.
Il y a de la confidentialité, il y a plein de choses qui méritent un salaire, qui méritent une rémunération.
Tout le reste, toutes les autres activités d’Antanak, oui, c’est du bénévolat, comme on dit.
Et ce sont des personnes qui, donc, sont le noyau. On appelle ça le noyau, les gens, la quinzaine de personnes qui viennent là régulièrement.
Ce sont des acteurs, actrices, qui font autre chose dans leur vie.
Ce n’est pas obligatoirement leur seul centre d’intérêt.
Et puis, ils ont un boulot.
Vraisemblablement, à peu près la moitié des gens ont un boulot.
D’autres sont à la retraite, d’autres sont étudiants, étudiantes.
C’est très varié.
Il y a des gens qui sont des ingénieurs, ingénieures.
Et d’autres, pas du tout.
Des gens qui, comme moi, découvrent des tas de trucs.
D’autres qui savaient déjà avant.
C’est vraiment des choses qui sont très intéressantes. Rien que dans ce noyau-là, cet apprentissage partagé.
Fred : Cette association a été créée depuis 10 ans, en 2015.
C’est toi qui l’as créée ?
Isabelle : Oui.
Fred : Quelle était ta connaissance du logiciel à l’époque ?
Pourquoi as-tu créé cette structure ?
Isabelle : Ma connaissance des logiciels et des systèmes d’exploitation était assez mauvaise.
Pas nulle, mais vraiment très mauvaise.
Ce qui s’est passé, c’est que j’ai fait plusieurs années, j’ai travaillé comme consultante en ressources humaines.
Dans ce cadre-là, dans des sociétés de conseil, dont une dernière que j’avais créée, avec d’autres gens, on était amené à parler avec des informaticiens, informaticiennes.
Dans ce contexte-là, j’ai compris des tas de choses, de l’extérieur, sans être moi-même en train de développer ou de faire. Mais je comprenais.
On écrivait des cahiers des charges en tant que maîtrise d’ouvrage pour une maîtrise d’œuvre.
Il fallait comprendre comment les informaticiens allaient parler avant.
Fred : Peut-être préciser ce que c’est qu’une maîtrise d’ouvrage et maîtrise d’œuvre.
Isabelle : Ce que j’en sais moi. Une maîtrise d’ouvrage, ça va être les gens qui vont dire de quoi ont besoin les utilisateuristes et qu’est-ce qu’il leur faut comme fonctionnalités.
La maîtrise d’œuvre, c’est celle qui va développer, mettre en place.
Ensuite, il y a des échanges, des débats, des tests partagés, des recettes pour être sûr que c’est bien ça qu’on attendait, etc.
Moi, je n’ai jamais été dans une maîtrise d’œuvre.
J’ai toujours été en maîtrise d’ouvrage.
En faisant le lien entre des utilisateuristes qui disent « Mon système de paie, je voudrais qu’il fasse comme ci, comme ci, comme ça, qu’il calcule ça, que l’URSSAF, ça soit ça, tac, tac, tac ». Bref, on a telle règle de telle prime d’ancienneté qui est un peu différente, donc il faut la paramétrer de telle et telle manière.
Et moi, j’écrivais, entre autres, je ne faisais pas que ça, mais entre autres, pour parler de l’informatique en tout cas, on écrivait ces besoins et puis on disait « on veut que ça soit comme ça », « on veut que si on clique sur tel bouton sur l’écran de la personne, alors ça donne tel résultat ».
Et on écrivait de manière à ce que des informaticiens et informaticiennes le comprennent.
En fait, surtout informaticiens à l’époque, d’ailleurs, il y avait très peu d’informaticiennes, mais bref, c’est un autre sujet.
Fred : Pas qu’à l’époque.
Isabelle : Pas qu’à l’époque, mais il y en a un peu plus, on peut dire ça comme ça.
Bon.
Et donc, du coup, voilà, j’ai un peu compris comment ça fonctionnait, ces affaires-là.
Voilà, c’est mes premiers liens avec l’informatique, on va dire ça.
Et puis, surtout, surtout, rapidement, dans des missions de conseil, j’ai fait pas mal de missions de conseil avec des ministères, et dans lesquelles, j’ai compris soudainement l’espèce d’énorme écart entre ce qui aurait dû pour moi d’ores et déjà, à l’époque, je le pensais tel que, on aurait dû avoir des logiciels libres déjà là.
Moi, j’ai fait des formations il y a 30 ans, 35 ans maintenant, j’ai fait des formations sur LibreOffice, traitement de texte et autres, dans plusieurs ministères, ministère de l’Environnement, etc.
Et donc, pour moi, il y avait une logique et je ne comprenais pas pourquoi on continuait à avoir des choses complètement hallucinantes, des dépenses phénoménales pour, pardon, je vais les citer, tant pis, les Accenture, les Capgemini et autres énormes structures, sociétés de conseil et l’État dépensait des sommes phénoménales pour faire des choses qui n’ont jamais démarré.
Je me souviens du système de paie, l’ONP ça s’appelait, ça devait sortir, c’est jamais sorti, enfin bref, il y a eu énormément d’énormes projets comme ça donc je trouvais ça absolument, une horreur
Fred : Beaucoup d’argent public dépensé pour rien.
Isabelle : Oui, mais tout à fait, notre argent qui partait comme ça, pour rien, enfin pas pour rien puisque du coup ça allait dans les poches de ceux qui, voilà, engrangeaient ça, mais bon.
Ça et puis l’arrivée aussi du numérique, de l’informatique, de l’informatisation de plein, plein, plein de procédures, processus dans les métiers des entreprises qui étaient les clientes des sociétés de conseil dans lesquelles j’étais. Et on voyait soudainement que les personnes étaient hyper maltraitées et qu’on leur disait « mais non, tu as toujours travaillé comme ça peut-être, mais c’est pas du tout comme ça, c’est pas judicieux, c’est pas bien, il faut maintenant que tu t’y mettes et non, non, tu ne vas pas imprimer le bulletin de paie pour le vérifier, tu vas le faire à l’écran » etc.
Et avec vraiment une violence que je trouvais déplacée.
Je ne comprenais pas pourquoi on cassait et on maltraitait comme ça à ce point-là les personnes dans plein, plein, plein d’endroits.
Ça plus ce que je voyais du matériel qui était mis à la benne.
Fred : Dans les entreprises et dans les collectivités ?
Dans les entreprises, oui, oui, les ordinateurs, tout le matériel qui partait comme ça parce qu’on changeait puis on rechangeait puis on rechangeait encore, et tu ne comprenais pas, tu étais là et tu disais « mais pourquoi ? ».
Fred : Donc, si je ne comprends pas, tu as ressenti peut-être une dissension entre certaines valeurs chez toi et ce que tu voyais dans le cadre de ton activité de consultante, et tu t’es dit « je vais faire quelque chose ».
Isabelle : Oui, et d’autant que par ailleurs je suis tombée dans le conseil entre guillemets. Voilà, comme je l’ai dit tout à l’heure, je n’ai pas du tout choisi ça. Je n’avais pas du tout envie de faire ça.
Fred : Je te poserai une question là-dessu après alors.
Isabelle : Je l’ai fait, bon voilà, je l’ai fait, j’ai accepté mais parce qu’il fallait bien accepter des boulots pour vivre, pour assurer les trucs et payer les loyers, enfin bref, comme tout le monde quoi.
Et j’ai réussi quand même à peu près à ne jamais faire des missions dont je ne sois pas fier, tu sais.
J’ai refusé des tas de missions, notamment celles où on me demandait de virer des gens, de faire semblant de faire des trucs pour un patron mais en fait, tu vois, c’était soi-disant des discussions avec des syndicats qu’il fallait mener sur le plan social mais en fait, les résultats étaient déjà acquis et on m’avait dit c’est à ça qu’il faut arriver.
Donc ça je disais non, ce n’est pas pour moi.
Jusqu’à ce que je ne puisse plus dire non.
Bon, mais ça c’est la fin donc des choses.
Mais en tout cas, tout ce machin-là faisait que, tu vois, ça m’a fait ruminer quand même sur le « il y a un jour, il va falloir que je fasse quelque chose avec ça, c’est pas possible, ça ne me va pas », vraiment ça ne m’allait pas.
Fred : Et donc c’est pourquoi ça que tu t’es dit que tu allais créer Antanak ?
Isabelle : Oui, du coup Antanak, du coup, voilà, ça me permettait ce trépied-là.
Ça me permettait à la fois de dire « tiens, on va récupérer ce matériel-là, on va arrêter de jeter tout ça ».
Alors évidemment, avec tout ça sur fond de réflexion et de lecture et de discussion avec beaucoup de monde sur l’extractivisme, sur la question des matériaux, sur aller chercher « mais comment en fait, qu’est-ce qu’il y a derrière tout ça ? »
« Comment c’est fait ? »
« Comment c’est fabriqué ? »
Enfin voilà, je pense que maintenant, il y a une bonne, une relative bonne connaissance des drames que ça provoque un peu partout dans le monde, ces affaires-là.
Aussi bien en amont qu’en aval de cette augmentation des déchets.
Et donc, qu’est-ce que je voulais dire ? Je ne sais plus.
Ah oui, voilà, c’est ça, c’était le triptyque qui est maintenant celui d’Antanak, c’est-à-dire avec à la fois le libre sur des machines qui peuvent revivre mieux parce que le libre le permet puis que c’est des outils vraiment super bien faits, qui ne sont pas lourds, qui sont, voilà, sur lesquels il y a une vraie vigilance sur le fait que ça va continuer de fonctionner.
Et puis avec ce que j’ai appelé au tout début d’Antanak, j’ai appelé ça la fracture numérique.
Puis là maintenant, j’ai laissé tomber cette affaire parce que c’est nul comme terme en fait.
Fred : Est-ce que tu utilises un autre terme ?
Isabelle : Oui, oui, moi je préfère parler d’appropriation, c’est-à-dire que chacun puisse faire ce qu’il a envie de faire et ce n’est pas vrai qu’il y a ceux qui seraient fracturés et les autres non.
En fait, on est tous fracturés avec cette affaire et on est tous, enfin, il y a beaucoup beaucoup de gens qui sont en grosses grosses difficultés en face de ce que la société nous propose.
Fred : Mais est-ce que’à travers Antanak, qui s’adresse quand même aussi à un public qui a des difficultés, que ce soit sociales, économique ou autre.
Isabelle : Pas que, mais aussi.
Fred : Aussi.
Est-ce que tu retrouves pas un petit peu ce que tu pouvais avoir quand tu as été éducatrice spécialisée ?
Parce qu’éducatrice spécialisée s’adresse à des publics qui ont des difficultés diverses, variées, c’est très très large.
Isabelle : Je retrouve plein de choses, oui bien sûr.
Mais c’est pour ça que je te dis que c’est, oui, pardon, je vais revenir sur les spirales, les chemins.
Oui bien sûr, mais je pense que comme toute personne qui vit, on engrange des machins.
Au tout début de l’émission, tu as parlé de la question de l’injustice.
Je pense que c’est un des sujets primordial pour moi qui est que, oui, petite, je détestais les injustices, ça me faisait faire des colères phénoménales.
Je trouvais ça, vraiment, c’est le pire. Je pense que moi c’est le pire. Et ça reste le pire.
C’est plus tout à fait les mêmes injustices que quand j’avais trois ans.
Mais parfois, j’ai encore trois ans devant certaines injustices et donc c’est tout ça.
Oui, oui bien sûr, les gamins dont je m’occupais dans les, avec d’autres, avec d’autres éducateurs et éducatrices à Sarcelles ou à Saint-Gracien dans le Val-d’Oise, notamment, en tant qu’éducatrice spécialisée, oui bien sûr, ils ressemblent énormément, déjà, à ce qu’on voit là par exemple, sur la rue Bernard Dimey, avec des gamins qui sont comme guettoisés et qui, là aussi, se demandent pourquoi leurs parents ne sont pas acceptés là comme ils pourraient l’être sous prétexte qu’il y a une couleur de peau ou une langue ou qu’est-ce que…
Enfin voilà, on retrouve quand même des choses qui sont malheureusement, 50 ans après, non allez pas, 35, 35 ans après, un peu pareil.
Fred : Ne te veillis pas.
Isabelle : Non mais quand même, quand même, ça c’est grave.
C’est grave que ça soit encore un peu pareil, tu vois.
Fred : Alors j’invite les auditrices et auditeurs à écouter d’ailleurs l’émission Chemins de traverse avec Simon Assoun.
Alors je ne sais plus quel numéro c’est de l’émission, mais vous allez sur causecommune.fm, vous allez dans la partie Chemins de traverse, Simon Assoun est éducateur spécialisé, donc il a été interviewé par Mehdi il y a quelques mois et c’était une partie de l’émission, l’autre partie de l’émission était consacrée au collectif Tsedek, donc il est le porte-parole, des Juifs décoloniaux.
Alors je regarde de l’heure, on va peut-être se faire une petite pause musicale tout de suite.
Isabelle : Allez !
Fred : Alors comme dans toutes les pauses musicales de Chemins de traverse, en général on demande à la personne d’expliquer ce choix de Janis Joplin.
Isabelle : Janis Joplin, d’abord parce que c’est une voix juste phénoménale, merveilleuse, c’est sans doute une des premières chanteuses que j’ai à ce point aimé écouter en boucle, et puis parce que la chanson en question, c’est donc Try, Essaye, donc vas-y fonce quoi, essaye un peu plus, un peu plus fort, un peu plus, mais vas-y, ne t’arrête pas.
Alors donc, nous allons écouter Try, Just a Little Bit Harder par Janis Joplin.
On se retrouve dans 3 minutes 50.
Belle soirée d’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.
[ Diffusion de la pause musicale ]
Voix du jingle (Laure-Élise Déniel) : Cause Commune, 93.1.
Nous venons d’écouter Try, Just a Little Bit Harder par Janis Joplin, donc c’est Essaye et encore un petit peu plus.
Vous êtes toujours sur la radio Cause Commune, donc 93.1 FM et en DAB+, en Ile-de-France et partout dans le monde sur le site causecommune.fm.
N’hésitez pas à participer à notre conversation, soit sur le salon web dédié à l’émission, sur le site causecommune.fm, bouton chat, salon Chemins de traverse, ou soit au téléphone.
On verra, Magali vient d’apprendre comment gérer le téléphone.
Donc au 09 72 51 55 46, je répète 09 72 51 55 46.
Nous sommes toujours avec Isabelle Carrère, qui anime l’émission, dont on va parler tout à l’heure d’ailleurs, Un coin quelque part, qui est la présidente et fondatrice d’Antanak, donc qui est au 18 rue Bernard Dimey, dont on vient de parler juste avant la pause musicale, qui intervient également dans l’émission sur les libertés informatiques Libre à vous !, donc le mardi de 15h30 à 17h.
Alors juste avant la pause musicale, on a parlé d’Antanak, on y reviendra sans doute un petit peu.
Tu as aussi un peu évoqué ton passage dans le consulting, quelque part.
Alors en début d’émission, tu nous as parlé quand même de psycho, de théâtre, d’une partie activité sur éducatrice spécialisée, de création d’une coopérative de femmes garagistes.
Tu as dit que pour la partie consulting il fallait payer les factures en gros, mais comment on arrive à devenir consultante dans les ressources humaines ?
Parce que c’est quand même particulier.
Isabelle : Là aussi, à cause de rencontres.
Fred : D’accord.
Isabelle : Rencontres avec des gens qui ont besoin de quelqu’un qui saurait faire des choses sur la gestion d’une entreprise.
La facturation, la comptabilité, la paie des machins, des choses.
Et eux, ils sont déjà dans le consulting RH.
Et donc du coup\0
Fred : RH c’est Ressources Humaines.
Isabelle : Pardon, Ressources Humaines, oui.
Et donc Ressources Humaines, c’est toutes les soi-disant… Voilà, la gestion, en fait, aussi bien administrative que sociale, politique, etc., de la gestion des compétences, la formation, etc., dans les entreprises, pour toutes les personnes salariées.
Et donc du coup, moi, je ne savais pas spécialement faire tout ça, mais là aussi, j’ai dit « oui, pourquoi pas ».
Fred : T’as suivi une formation ou pas ?
Isabelle : Non, non, non, j’ suis allé, et puis après tu sais c’est pas si sorcier que ça en fait.
C’est pas si compliqué une fois que tu t’y mets.
Il suffit juste d’accepter d’être un peu par exemple vraiment… tu sais genre borné pour faire la compta.
Il faut être borné deux minutes et demie.
Fred : Isabelle est à la radio, elle me fait des gestes, donc en fait il faut être borné, c’est-à-dire qu’il faut aller tout droit.
Isabelle : Non mais voilà, je veux dire, il faut parfois être complètement obsessionnel pour faire de la comptabilité, pour faire de la paie, des choses comme ça.
Donc tu acceptes le rôle deux minutes, tu sais, puis là c’est comme un rôle de théâtre.
Tu acceptes d’être la personne qui là va faire les feuilles de paie, puis va faire les chèques, puis c’est pas grave.
Fred : Peut-être que je me trompe mais ça me surprend un peu que tu aies fait ça, parce que je te voyais pas faire ça en fait.
C’est-à-dire ce côté…
Isabelle : Non non plus [rires].
C’est pour ça que je dis qu’il faut être un peu obsessionnel de temps en temps.
Non, si parce que tu sais, j’ai un côté où j’aime bien les choses bien faites.
Fred : D’accord.
Isabelle : J’aime bien les choses carrées aussi, tu sais.
Fred : Et là il faut être carré effectivement.
Isabelle : Il faut être carré.
Tu sais, à Antanak, si Antanak a 10 ans, c’est quand même aussi parce que j’ai un côté comme ça, d’être carré.
Il n’y a pas une dépense qu’on ne sait pas ce que c’est.
Il n’y a pas une facture qu’on n’a pas.
Récemment, j’ai encore aidé des gens qui avaient un contrôle URSSAF, tu sais, dans une association, une compagnie de théâtre, des choses comme ça.
Et donc, oui, je sais faire ça aussi.
Je ne dis pas que j’adore.
Je dis que je sais le faire.
Et en fait, c’est ça qui est intéressant aussi, c’est d’être capable de ne pas mettre trop d’affect dans tout, de ne pas mettre de l’émotion dans tout et de se dire « ok, ça, il y en a besoin. Des gens en ont besoin, des amis à moi que j’aime beaucoup ont besoin que leur donne un coup de main pour parler à leur place pour face à un contrôleur URSSAF »
Et puis il n’y pas eu d’amende. Et puis tout va bien.
Fred : Et tu as travaillé pour des cabinets de conseil ou tu as créé une structure ?
Isabelle : D’abord, on avait créé une structure.
Après, j’ai travaillé dans d’autres cabinets parce que j’étais quand même mieux payé que quand moi-même j’avais créé la structure.
Et puis après, avec des gens que j’ai rencontrés dans ces cabinets-là, on a monté une structure.
Puis là, je me suis complètement fait avoir.
Et donc, c’est là où je suis parti.
Fred : D’accord.
Et quand t’es parti, tu as fait quoi alors ?
Isabelle : Un prud’hommes [rires].
Un prud’hommes pour gagner de l’argent et pour être tranquille, être sûre que j’allais bien gagner de l’argent, pour être tranquille et pouvoir monter Antanak.
Parce que sinon,
Fred : C’était autour de 2015, c’est ça ?
Isabelle : 2013, 2014.
Je continue à réfléchir à Antanak.
Je commence à poser les trucs et je fais le prud’hommes que je gagne, bien.
Fred : Et là, ça doit être grisant de gagner le prud’hommes ?
Isabelle : Grave.
Vraiment.
Mais oui, ils m’avaient cherché.
Il ne fallait pas me chercher.
Tu sais, il y a des moments comme ça où il ne faut pas venir me chercher sur des trucs.
Et donc là, ça m’a permis de vivre plusieurs années très tranquillement.
Et du coup, en étant bénévole. Oui, en agissant bénévolement pour Antank. C’est en or.
Tout le monde devrait avoir le droit de faire ça, tu sais, un jour dans sa vie.
Vraiment.
Fred : Alors justement, par rapport à un point dont tu parlais tout à l’heure, qui est essentiel pour toi, la lutte contre les injustices.
Tu l’as un petit peu évoqué, mais dans le travail de ressources humaines et autres, il y a beaucoup d’injustices quand même.
Isabelle : C’est pour ça que c’était vraiment à la fois hyper formateur de voir à quel point l’entreprise est cassante et violente et méchante, etc.
Et en même temps, d’essayer bêtement, parfois naïvement, de continuer à aider et à discuter avec des personnes syndiquées pour arriver à un accord salarial dans une entreprise.
Tu te dis « ok, là je me suis levé, ce n’était pas que pour rien ».
J’ai essayé de moyenner, mais je ne pouvais pas ne pas gagner de l’argent à ce moment-là.
Il fallait que je fasse tourner les trucs.
J’étais seule avec mes deux gamines.
Il fallait que je fasse quelque chose.
Il fallait que je gagne de l’argent.
Et donc, j’ai accepté de gagner de l’argent avec ce que je savais faire.
Je savais le faire, je l’ai fait.
Je ne dis pas que je suis toujours fière, mais en tout cas, si, je suis quand même fière de ne pas avoir fait des missions complètement pourries.
De ne pas avoir accepté des deals qu’on me demandait et qui auraient été vraiment hors les clous pour moi.
Fred : Oui, tu n’as jamais dépassé la limite de l’acceptable que tu t’es fixé, d’accord.
Tu viens de parler de deux filles, c’est ça ?
Isabelle : Ce sont deux personnes que j’ai mises au monde, mais je ne veux pas parler d’elles là.
Je les adore, je les aime trop, mais oui, voilà.
Fred : Parce que sinon, j’avais une question, mais tu n’es pas obligée de répondre, mais je la pose quand même, parce qu’on se connaît bien et on s’entend bien.
Est-ce que leur naissance et puis le fait de grandir, qu’est-ce que ça a changé ? Est-ce que ça a changé des choses ? Forcément que ça a changé des choses, mais qu’est-ce que ça a changé dans ton approche, de tes activités ?
Tu n’es pas obligé de répondre si tu n’as pas envie.
C’est ton émission.
Isabelle : Non, mais il y a ce que je viens de dire là, c’est-à-dire que de fait, quand tu as la responsabilité de deux êtres que tu as mis au monde, je me suis dit qu’il fallait de toutes façons que j’y arrive.
Il fallait que j’y arrive, il fallait que je travaille, même si ce boulot-là ce n’était pas le boulot que j’avais rêvé et que je voulais.
Et que oui, même à ce moment-là, juste avant, je faisais du théâtre et puis j’arrivais, j’étais contente, j’avais fait une mise en scène et j’avais payé tout le monde sauf moi-même.
Donc, j’avais payé le régisseur, le technicien, j’avais payé les actrices, j’avais payé.
Voilà, on a joué au Lucernaire, machin, plusieurs endroits, très bien, super, mais moi, non, pas un centime.
Puis, ça, tu peux le faire quand tu es toute seule avec toi-même.
Juste après, tu as un enfant, puis un deuxième enfant, non, tu ne peux pas le faire.
Donc, oui, ça change, ça ça change.
La responsabilité, ça change, évidemment.
Mais de l’autre côté, c’est le bonheur.
Voilà, je ne veux pas parler de ça, mais c’est une grande joie.
C’est par ailleurs une immense joie.
Fred : En préparant l’émission, tu as employé le mot entreprendre, qui peut être bien dévoyé aujourd’hui, souvent mal vu.
Qu’est-ce que tu entends dans ce mot entreprendre ?
On a peut-être un peu compris avec la création de…
Isabelle : Oui, voilà, c’est ce que j’ai raconté pour Antanak, c’est la question du garage coopératif à Sarcelles, c’est la coopérative alimentaire à La Goutte d’Or, où je me lance aussi…
Fred : Ça tu n’en as pas parlé encore
Isabelle : Non, pas encore, mais je t’ai dit ça dans trois secondes et demie, mais ce n’est pas grave.
C’est une affaire dans laquelle on se dit qu’à l’époque, il n’y avait pas trop de…
Là, maintenant, on trouve beaucoup de produits bio et de produits de proximité avec des maraîchers et maraîchères, tout ça, c’est très bien.
En 2014, on n’en trouvait pas tant que ça, et surtout pas à La Goutte d’Or.
J’ai participé à ça aussi, mais c’est entreprendre dans le sens « y aller ».
S’autoriser, s’autoriser à avoir une idée avec d’autres, à prendre des risques où on ne peut pas trop les voir, ce n’est pas grave, mais en tout cas, à y aller, tu sais, et à se dire qu’on va y arriver.
Mais c’est la même chose que se dire qu’on va y arriver, trouver un appartement, quitter le père de ses enfants et aller trouver un appartement, un boulot. Je vais trouver, je vais trouver, ça va marcher, ça va le faire.
Fred : Tu as toujours eu confiance que ça marcherait ?
Ou que si ça ne marche pas, peu importe, c’est une expérience ?
C’est ça ta vision ?
Isabelle : Non, c’est « on y va »
Fred : On y va ?
Isabelle : C’est « on y va »
Isabelle : D’accord, c’est-à-dire qu’il y a un truc, une étincelle, un besoin, et on y va.
Isabelle : Une énergie, une énergie, mais c’est celle qu’il y a dans Janis Joplin, le try, mais vraiment, vas-y.
De toute façon, au pire, c’est quoi ?
Au pire, ça ne marche pas.
Au pire, ça ne marche pas, tu fais autre chose.
J’ai l’air d’en parler comme ça facilement, mais je veux dire que si tu as ça, tu peux aussi, pour de vrai, aider les autres.
C’est-à-dire que tu ne peux pas sinon.
Tu sais, je rencontrais encore ce matin une femme qui était en larmes, qui est venue à Antanak, et qui, ce n’est pas pour faire larmoyer ce soir, mais juste quand même, il y a des gens qui ont des difficultés phénoménales, des choses hallucinantes, qui sont d’une injustice crasse.
Mais si toi, tu n’as pas l’énergie et la force de dire « on va trouver des solutions pour elle, on va y aller et on va aller se bagarrer contre tel truc, on va écrire une lettre à telle personne, on va faire telle démarche avec elle, on va aller porter plainte parce que c’est injuste qu’elle se fasse agresser par son… etc »
Si tu ne le fais pas, tu ne fais rien, mais tu ne bouges pas alors.
Fred : D’où vient cette énergie ?
Parce qu’il n’y a pas beaucoup de gens qui ont cette énergie.
Est-ce que tu sais d’où ça vient ?
Est-ce que c’est quelque chose qui est, entre guillemets, naturel ?
Ou est-ce que c’est par le fait d’avoir osé…
Isabelle : Oui, c’est à force d’accumuler les trucs, tu peux y arriver.
Et puis du coup, tu t’aperçois que oui, c’est vrai et que tu l’as fait.
Et que du coup, comme tu l’as fait, tu peux continuer à le faire.
Enfin, il y a quelque chose comme ça.
Et puis, parce que tu n’es pas seule.
Oui, je suis profondément seule, évidemment, éminemment seule, mais avec d’autres.
Fred : Et ça, tu as commencé quand à oser ?
À partir de quand tu te souviens ?
Quand tu étais petite déjà ?
Isabelle : Ouais, pour moi, c’est pareil.
Fred : Quand tu osais prendre la parole, par exemple ?
Isabelle : L’idée, en tout cas, de « on verra bien ».
Et puis, il y a un côté, quand même « on les emmerde ».
Tu sais, un truc… [rires]
Non, sérieusement, oui, que je ne pensais pas comme ça, à ce point-là, petite, mais qui, quand même, me vient de là.
Mais j’ai eu la chance aussi qu’on me fiche la paix, en fait.
J’ai eu la chance que, petite, comme j’étais, il y avait l’aîné et puis il y avait l’autre. Et moi, on m’a oublié un peu.
Fred : Ça va être ma question.
Comment tes parents se sont comportés par rapport à ça ?
Par rapport à cette énergie que tu avais ?
Isabelle : Ils étaient sur d’autres trucs.
Ils ne pouvaient pas s’en occuper.
C’était très bien.
En fait, on m’a foutu la paix.
Non, je pense que vraiment.
Vraiment, c’est-à-dire que…
Et bon, ils étaient…
Chacun, chacune avec leurs affaires, leurs histoires.
Et du coup, il y avait l’aîné qui a fait beaucoup de bruit et qui a porté tout le…
Le combat d’adolescence et machin…
Et moi, je me suis glissé à côté.
Fred : Sur le salon web, il y a une réflexion « Mieux vaut faire soi-même qu’attendre que les autres fassent, ça avance plus vite ».
Isabelle : Je ne sais pas.
Moi, j’aime bien faire les choses avec des gens.
Pour moi, les autres, ce n’est pas un empêchement.
C’est très, très souvent un soutien.
Moi, j’ai besoin de parler avec les gens.
Tu sais, quand tout à l’heure tu disais, j’ai monté à Antanak toute seule.
Oui, voilà. J’ai monté seule dans le sens où c’est moi qui ai dit « oK, on y va ».
Mais je me suis toujours entourée.
Je suis allé voir des gens qui avaient fait des choses qui ressemblaient un peu ou qui pouvaient faire ça à Grenoble, à Nantes, machin.
Je me suis obligatoirement nourrie avec les autres.
Je veux dire, je suis persuadée, et c’est pour ça que je parle de liberté.
Je suis persuadée qu’on a toutes et tous intérêts à se vivre en interdépendance.
Et qu’à partir de ce moment-là, même si tu es fondamentalement seule, de fait, il y a tout le monde.
Fred : Mais quand tu dis que tu es fondamentalement seule, c’est dans le sens de la responsabilité ?
J’imagine qu’en tant que présidente de Nantanac, pour connaître un peu le monde associatif, le sentiment peut-être des fois d’être toute seule à gérer des choses un peu chiantes ou préparer l’avenir ?
Isabelle : Je ne le pensais pas comme ça.
Je le pensais plus comme étant « par ailleurs c’est fondateur que d’être seule ».
Tu sais, c’est comme un truc, ça t’ancre.
Pour moi, ça m’ancre dans la terre.
Mais ça ne peut pas être sans les autres.
Je ne sais pas comment le dire autrement.
C’est comme un…
Fred : Tu entraînes les autres, en fait.
Ton énergie pousse les autres à te suivre.
Isabelle : Ça aide, oui.
Après, il y a d’autres gens qui ont aussi d’autres formes d’énergie ou d’autres façons qui viennent faire la mixture qui va bien, qui fait que ça prend.
Fred : D’accord.
Pendant la préparation, tu as parlé de recherche de libertés individuelles mais aussi collectives .
Et donc, Antanak ou ta coopérative de garagistes femmes, ça rentre dans cette catégorie ?
C’est-à-dire ce lien entre libertés individuelles mais qui aussi doit tenir compte des libertés collectives ?
Isabelle : Oui, il y a ça.
Et puis, il y a la liberté de penser, la liberté de s’autoriser à penser des choses, même si elles sont bizarres par rapport à l’époque qu’on est en train de vivre, même si elles sont décalées par rapport à ce que d’autres peuvent penser.
Même si, on va te dire « mais qu’est-ce que ça vient faire là, cette idée ? Ce n’est pas du tout comme ça ».
Ou même si là, maintenant, on me dit des choses du genre « mais non, mais ça, c’est normal, il faut bien y aller, par là, c’est le progrès ». « Oui mais non, moi ça ne m’intéresse pas ».
Fred : Quel exemple ?
Isabelle : L’exemple, oui, voilà, sur Antanak, avec les questions sur l’intelligence artificielle, sur des sujets comme ça.
Ou là, où le contrôleur, l’autre jour, avec qui je me suis engueulée en revenant de train, parce que je n’avais pas imprimé le bon papier, puis il lui fallait un QR code.
Et je lui ai dit « mais sur mon papier, celui-là, le papier que je vous montre, c’est marqué, c’est mon nom, c’est justificatif, j’ai bien la carte d’avantage en question qui me permet d’avoir le billet que j’ai ».
Et c’est juste que ce n’était pas le bon, ce n’était pas la carte d’avantage, c’était un papier justificatif d’achat.
Et le mec, il m’a dit, il a gueulé, il est monté au plafond sur le… « Non, non, il me faut le QR code »
Je lui ai dit « mais je n’en ai pas ».
« Allez sur Internet, allez, prenez votre smartphone ».
Je dis « Mais je n’en ai pas de smartphone, là. Puis pourquoi ? Où est-ce que c’est marqué à la SNCF que c’est obligé ? ».
Et donc, il ne savait pas me répondre.
« Vous devez avoir un QR code »
« Non, où est-ce que c’est marqué dans le règlement des billets ? »
Enfin, tu vois, je veux dire ça, c’est un exemple à la con, on s’en fiche, mais tu vois ce que je veux dire, c’est un exemple qui dit juste que si tu continues simplement à prendre pour argent comptant tout ce qui est dit, pensé, véhiculé, même si tu dois rentrer de la force…
Tu vois, moi, ça ne m’intéresse pas.
Ça ne m’intéresse que si on a le droit de repenser les choses, reposer les questions, dire « ah bon, est-ce que tu es sûr que, et pourtant ».
Fred : Élargir les limites ?
Isabelle : Oui, oui, élargir les limites, absolument, absolument.
Arrêter d’ériger des murs partout, des frontières qui ne sont pas utiles.
Fred : Alors, est-ce que dans ce cadre-là, les murs partout, les frontières qui ne sont pas utiles, je vais peut-être faire le lien avec l’émission que t’habites, euh, que t’habites, lapus,s que tu animes depuis 2019, je crois, sur radio Cause Commune, sur notre radio bien-aimée, qui s’appelle Un coin quelque part, qui est sur l’habitat et qui est sur la question de « qu’est-ce qu’on habite ? ».
Est-ce que tu peux nous expliquer, c’est quoi l’idée de cette émission ?
Isabelle : Ben là, c’est d’essayer de réfléchir et d’aller rencontrer et de donner la parole à des gens qui cherchent ou réfléchissent à d’autres façons d’habiter les espaces.
Et ça va de soit des gens qui se battent pour des logements dits participatifs ou communautaires ou que sais-je, des choses comme ça, aussi bien que des gens qui réfléchissent à la question de la propriété que des gens qui vont habiter en squat ou dans des espaces, des lieux de vie dits informels, comme on dit ça, ou que les gens qui sont relégués dans des espaces qu’on leur laisse vraiment pas sympathiques et pas du tout accueillants.
Mais en tout cas, c’est les espaces qu’on leur donne.
Voilà, c’est d’essayer de donner la parole à des gens qui réfléchissent, qui pensent ou qui vivent des situations dans ce qu’ils recherchent, dans l’habitat.
Leur habitat, leur habité et leur façon de mener leur vie.
Fred : Alors c’est pas vraiment une hebdomadaire, c’est une…
Isabelle : C’était autrefois, ça a d’abord été une mensuelle, après c’était une bim mensuelle, donc deux fois par mois.
Puis là, il y a eu un moment de creux où j’ai pas réussi à trouver d’autres choses.
Et c’est ça aussi qui est génial dans la radio ici, à Cause Commune, c’est qu’on n’est pas…
Alors je sais que toi, tu es quelqu’un d’hyper…
Fred : Elle refait des gestes [rires].
Isabelle : Je refait des gestes, pardon.
Tu es très organisé avec des choses qui tournent, tu arrives à faire tous les trucs, toutes les semaines, etc.
Fred : Je te coupe tout de suite, parce que…
Tu dis « je suis ».
Non, c’est une équipe.
L’émission Libre à vous !, qui est du mardi du 15 h 30 à 17 h, c’est une équipe.
Il y a beaucoup de gens qui interviennent sur l’animation, sur la préparation, sur le traitement du podcast, sur les transcriptions, etc.
Chemins de traverse, c’est une équipe.
Et quand l’équipe Chemins de traverse n’est pas au complet pour faire la régie, on appelle l’équipe Libre à vous ! avec Magali pour faire la régie.
Je ne suis absolument pas tout seul.
C’est un peu comme toi.
Isabelle : C’est vrai que c’est un peu différent.
Mais ce que je voulais dire, c’est que je trouve que c’est important aussi de pouvoir s’autoriser à respirer.
C’est-à-dire qu’il y a eu un moment où j’ai… Non, les gens que je rencontrais, je trouvais que c’était… J’avais déjà dit des choses comme ça.
J’avais déjà enregistré quelqu’un qui avait déjà dit la même chose.
Est-ce que c’était intéressant de réenregistrer quelqu’un qui allait dire les mêmes choses qu’une autre personne avait dit six mois avant ?
Je me suis dit non.
Et donc oui, j’ai respiré.
Puis j’ai dit « bah tiens, ce mois-là, j’en ai pas. Je suis désolé ».
Puis j’en ai une autre là.
Puis après, j’en ai trois.
Puis après, j’en ai plus.
Enfin bon.
Oui, ce n’est pas génial obligatoirement.
Peut-être que les auditoristes pourraient dire « oui, mais ça ne va pas. On ne sait pas quand est-ce que ça va arriver ou pas. »
Je les comprendrai.
Mais voilà.
Fred : En tout cas, les podcasts sont disponibles.
Isabelle : Oui.
Fred : Et de temps en temps, il y a une nouvelle émission qui arrive.
Isabelle : C’est ça.
Fred : Donc c’est Un coin quelque part.
Donc vous allez sur causecommune.fm.
Vous cherchez Un coin quelque part, il y a un flux RSS si vous voulez écouter le podcast.
Et donc, c’est animé par Isabelle depuis 2019.
Tout à l’heure, je crois que tu as parlé de oser, de la place qu’on prend.
J’ai envie de dire, mais il y a aussi la question de la place qu’on nous laisse et surtout aux femmes.
Parce que malheureusement, on a parlé de l’informatique tout à l’heure.
Notamment dans la partie technique, il y a très peu de femmes.
Et cette place-là, comment toi, on a bien compris que tu avais une énergie et que tu osais, entre guillemets.
Comment ça s’est passé quand même ?
Est-ce que tu as été à un moment, par exemple, dans ta carrière ou même à Antanak, est-ce que tu as été confrontée à du sexisme ou à le fait d’être abaissée ? « Ah, t’es une femme, tu ne vas pas faire de l’informatique » ou « t’es une femme, tu ne vas pas être consultante ».
Enfin, je ne sais pas.
Isabelle : Pas dit comme ça, mais c’est beaucoup plus insidieux que ça.
Et de toute façon, on est quand même, et à l’époque, dans les années 60-70, les années où moi j’étais petite ou moyenne adolescente, tu te rends compte que bien plus tard de comment tu as été mise dans des situations telles que si tu n’y fais pas attention sur le moment et même juste après, tu peux te laisser embarquer dans des rôles ou dans des positions, des postures, des comportements qui vont être ceux qui sont attendus par la société.
Et donc, comme tu n’es que une fille ou que une femme ou même si tu es un garçon manqué, on ne va pas te laisser de toute façon faire des tas de choses que tu veux faire ?
Et donc, tout est déjà un combat.
Peut-être que l’énergie aussi, elle vient de là.
C’est ce que je disais tout à l’heure, d’être confrontée très tôt à ces questions.
Et que du coup, les premiers livres féministes ou les premières confs que je suis allée voir, les premiers groupes où je suis allée, les groupes de paroles entre femmes où je suis allée, j’étais jeune.
C’est très formateur.
Et les premières discussions, je me souviens de discussions où je n’avais même pas 20 ans, j’en avais peut-être 17, 16, 17, en face des gens d’EDF qui venaient installer des machins, on commençait déjà à se bagarrer contre le nucléaire et on nous envoyait bouler parce qu’on était des filles.
Et puis, tu n’avais pas le droit de parler de ça.
De toute façon, tu ne connaissais rien, tu ne comprenais pas. « Ma petite dame, on ne va pas vous expliquer »
Fred : « Ce sont des choses sérieuses ».
Isabelle : Voilà « des choses sérieuses, ce n’est pas pour toi »
« va donc apprendre le tricot ».
Non, mais sérieusement.
Ou bien « crie moins fort, les voisins vont t’entendre » etc.
Je veux dire, tu es déjà très tôt mise en situation et donc, tu les vois, tu les vois, les choses.
Tu les vois, les choses et puis après, tu les suis pour peu que tu arrives à les penser un petit peu.
Fred : Et donc, dans les années 70, plutôt 75, quand tu étais adolescente, tu as rencontré des gens, des féministes, des personnes peut-être du MLF, etc.
Isabelle : Bien sûr, bien sûr.
Fred : Qui ont construit ta réflexion.
Isabelle : Qui permettait qu’on se pose un peu des questions, même si à l’époque, c’était très blanc tout ça, quand même.
Fred : Oui, c’était des personnes blanches.
Isabelle : Les féministes de l’époque.
Alors à côté, on allait voir les gens dans les Sonacotra, déjà, à l’époque.
Et on allait se battre et on luttait pour que dans les foyers, les gens, c’était tous des hommes à ce moment-là.
Tu vois, il y avait des choses comme ça.
Bref, en tout cas, je veux dire que oui, il y a eu une construction politique, féministe et politique, qui s’est faite relativement tôt.
Oui, bien sûr.
Il faut que tu expliques ce que c’est que Sonacotra.
Fred : Les foyers Sonacotra, c’est les foyers qui sont maintenant…
Alors maintenant, c’est les foyers Adoma ou autres machins.
C’est les foyers dans lesquels les jeunes travailleurs venus d’autres contrées ont été, j’allais dire, enfermés, c’est exagérés.
C’est exagéré, mais
Fred : parqués.
Isabelle : Oui parqués.
Et donc, toute petite pièce, pas le droit de recevoir des gens.
Et encore maintenant. Je fais des émissions dans Un coin quelque part sur la suite de Sonacotra, avec notamment Geneviève du COPAF pour expliquer toutes ces choses-là.
Je veux dire, ça aussi c’était un sujet que j’avais déjà là.
Et en fait, il y a beaucoup de thématiques qui reviennent et qui ont émaillé ailleurs avant dans ma vie.
Je te propose de faire une petite pause musicale.
En annonçant cette pause musicale, j’ai une pensée pour ma plus jeune fille qui adore cette artiste et cette chanson, notamment Les Ogres par Solann.
Je vais laisser Solann présenter cette chanson : « La chanson Les Ogres parle de ces entités qui sont là depuis très longtemps et qui nous plongent dans le chaos, juste par avidité et gourmandise et non pas par faim ou nécessité. Elles ont tout, mais en veulent toujours plus. Pour y arriver et conserver leur statut, elles n’hésitent pas à sacrifier énormément de personnes ». Donc, nous allons écouter Les Ogres par Solann. On se retrouve dans 3 minutes. Belle soirée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.
[ Diffusion de la pause musicale ]
Voix du jingle (Laure-Élise Déniel) : Cause Commune, 93.1.
Nous venons donc d’entendre Solann, Les Ogres.
Vous écoutez toujours l’émission Chemins de traverse.
Je suis toujours avec Isabelle Carrère.
N’hésitez pas à participer à notre conversation au 09 72 51 55 46. Je répète, 09 72 51 55 46.
Sur le salon web dédié à l’émission, sur le site causecommune.fm, bouton chat, salon, Chemins de traverse.
Juste pour finir sur Solann, j’ai eu la chance de la voir en concert il y a quelques jours. Et franchement, je vous conseille d’aller la voir. Elle sera au Zénith. Pour les personnes qui habitent en Ile-de-France, elle sera au Zénith à Paris en mars 2026. Et sinon, elle est en tournée dans toute la France.
C’est vraiment une artiste toute jeune, qui s’est fait découvrir il y a peut-être un an ou deux avec de superbes chansons.
Donc, dernière demi-heure de l’émission.
J’ai même oublié en annonçant ça, ce dont on parlait juste avant.
Ah oui, on parlait effectivement des années 70, 80, le féminisme, le MLF, prendre sa place, etc.
Aujourd’hui, est-ce que tu penses que la situation a un petit peu changé ? Enfin, elle a changé. En bien, en mal ?
Comment tu vois la situation aujourd’hui ?
Isabelle : La situation des femmes, tu veux dire ?
Fred : Oui.
Isabelle : Je ne pense pas avoir une seule conclusion.
C’est-à-dire qu’à la fois des choses ont évolué, oui bien sûr.
Des réflexions, des pensées, des mouvements sont super importants.
Je pense que les jeunes générations qui nous suivent là sont vraiment acquises à des tas de choses pour que des libertés et des, ce n’est même pas le terme égalité que je trouve intéressant, des libertés soient là, soient présentes et qu’elles puissent toutes et tous vivre autrement.
Pour autant, le patriarcat continue d’exister.
La société capitaliste a besoin du patriarcat pour continuer à exister.
Et donc c’est archi compliqué politiquement que d’arriver à…
C’est pour ça que je n’aime pas parler des termes d’égalité, parce que je ne suis pas la première à le dire, mais je vais le redire quand même là.
La question n’est pas que les femmes arrivent à faire les mêmes conneries que les hommes.
La question n’est pas qu’on accède, contrairement à ce que beaucoup de femmes ont fait, que les femmes accèdent à des positionnements et des comportements de pouvoir, de concurrence, de rivalité, de toute puissance et de maltraitance vis-à-vis des autres, comme les hommes l’ont fait depuis des décennies, des siècles.
Donc ça, ce n’est pas encore inventé, ça ne va pas encore tout à fait mieux, je trouve.
Parce que c’est très compliqué d’inventer autre chose, d’inventer d’autres façons d’être, d’inventer d’autres rapports au monde, et peut-être qu’avec les mouvements non-binaires, peut-être qu’avec des mouvements genrés autrement, que peut-être qu’avec ces mouvements queer dont il est beaucoup question, on va arriver à autre chose, parce que ça veut dire une autre conscience de comment on est et de qui on est.
Et ça permet aussi un autre positionnement à des êtres biologiquement masculins, mais qui pourraient du coup se vivre et être autres.
Donc ça, c’est plutôt réjouissant que ça puisse exister.
Et l’autre grosse grosse difficulté que je vois là pour le moment, c’est la question que j’évoquais tout à l’heure, je n’aime pas trop, mais c’est comme ça qu’on en parle, donc parlons-en comme ça, des personnes racisées.
C’est-à-dire que le MLF de l’époque, quand moi j’avais 20 ans, il était blanc, on l’a dit tout à l’heure.
C’est-à-dire qu’il a fallu beaucoup beaucoup de temps pour que les féministes acceptent de penser qu’il n’y avait pas un féminisme, déjà, et qu’il n’y avait pas une seule façon de se battre contre tout ça.
Et qu’on ne pouvait pas simplement dire que « non, mais bien sûr, pour les femmes noires c’était pareil, ou pour les femmes arabes c’était pareil ». Non.
Et donc ça, cette conscience-là aussi, elle est ouverte, beaucoup plus, mais ce n’est pas encore gagné.
Ce n’est pas encore gagné, et dans un pays comme ici, sur ce territoire dit français, on est quand même tout le temps dans des situations dans lesquelles on est dans le mépris.
Beaucoup, beaucoup, beaucoup, pour des tas de situations.
Fred : Et là tu fais référence notamment au féminismes intersectionnel, l’intersocialité des luttes ?
Isabelle : Oui, je fais référence au fait que quand une femme en France, comme moi, je suis une femme blanche, plutôt privilégiée.
Donc si tu veux, c’est relativement facile pour moi d’œuvrer et de faire là tout ce que j’ai raconté que je faisais.
C’est facile.
À côté de ça, je rencontre tous les jours, avec Antanak, ou avec Un point quelque part, ou bref, dans des tas d’autres situations, ou dans Les soulèvements de la terre, etc.
Des tas de gens qui n’ont pas accès à tout ça, n’ont pas accès aux mêmes choses que moi.
Et du coup, ce que je trouve très intéressant, c’est de pouvoir me poser la question à chaque fois que je parle avec quelqu’un, de me dire « mais d’où je suis en train de parler ? » Tu parlais de la place tout à l’heure, on comprends ou on ne comprends pas. Mais c’est surtout « quelle est la place que j’ai, de fait ? »
Quand je rencontre quelqu’un qui vient nous voir à Antanak et qui pose des questions par rapport à sa situation, comment je lui parle ?
Je sais que je ne suis pas méprisante a priori.
Sauf que je peux très bien être vue ou véhiculée à mon corps défendant, j’allais dire, dans son esprit ou dans le regard qu’elle va avoir sur moi comme étant la femme blanche qui vient lui raconter des trucs.
Fred : Et qui ne peut pas comprendre ce qu’elle vit parce que tu ne le vis pas.
Isabelle : Exactement.
Et donc je peux dire des choses, mais je veux aussi pouvoir à ce moment-là leur dire ça.
Et leur dire que ma parole, elle est la parole de là où je suis.
Et que j’écoute la leur aussi.
Et je ne peux pas juger.
Je vais raconter une anecdote, pas drôle du tout, mais une anecdote ce matin.
Une femme qui vient et qui voulait me parler à moi, parce que j’étais une femme. Je ne fais pas les permanences, les permanences écrivains publics.
Donc là, un écrivain public vient me chercher. « Isabelle, il faut que tu viennes, il y a une femme qui est en larmes »
Bon, j’y vais.
Je parle avec elle.
Elle voulait me parler parce que j’étais une femme et elle voulait, je ne sais pas ce qu’elle voulait au début.
Mais en tout cas, elle commence à me raconter qu’elle est battue.
Qu’elle est battue et que c’est très compliqué, mais qu’elle ne sait pas comment faire.
Et qu’elle ne veut pas aller porter plainte.
Et donc, qu’est-ce que je dis moi à ça ?
Qu’est-ce que je dis ?
Je ne veux pas jouer l’assistante sociale, « Ah non, il faut faire comme ci, comme ça ».
Après, elle me dit « ah mais on m’a donné des papiers, et puis on m’a donné un document pour aller à la police. Mais moi, je ne veux pas aller à la police parce qu’il m’a dit qu’il ne le ferait plus ».
Donc moi, très calmement, je lui dis, « ben, il ne le fera plus, mais vous savez, c’est compliqué. Quelqu’un qui a battu déjà une fois une femme, il peut recommencer. Du coup, qu’est-ce que vous en pensez ? »
Tout ça, pour essayer de dire, ce que je trouve passionnant en dans la vie c’est vraiment ce truc de s’autoriser à se questionner tout le temps.
Et à ne pas prendre pour argent comptant quelque chose sous prétexte tu en est là où tu en es, toi, de ta propre existence. Et du coup, la mettre comme étant « c’est ça, c’est ça la vérité ».
Et trop souvent, je trouve dans les groupes féministes, même ceux auxquels je peux aller régulièrement, irrégulièrement, là maintenant, ça reste encore un petit peu ça. C’est-à-dire que c’est souvent des jugements, « Ça doit être pareil pour tout le monde », ben oui, mais non.
Tu sais, c’est les affaires qu’on a vécues ou qui ont été moultes fois discutées sur la question du port du voile versus la question de la religion.
Donc, à la fois, il y a des choses réjouissantes pour répondre à ta question, des choses réjouissantes sur le ça va mieux, et en même temps pas du tout.
Et donc, oui, il faut continuer.
Il faut qu’on continue.
Fred : Tu as parlé du port du voile.
J’encourage les personnes qui nous écoutent à écouter l’émission de la semaine dernière.
Notre invitée, c’était Sandra Reinflet, qui est photographe et qui se décrit de mémoire comme inventrice d’histoire vraie.
Donc, elle a fait beaucoup de choses.
Et récemment, elle a été la photographe de l’expo Les nouvelles reines à la Basilique de Saint-Denis, qui n’a pas fait du tout parler d’elle pendant longtemps, jusqu’à ce que des fachos se rendent compte qu’il y avait sur les 31 portraits de femmes de Saint-Denis, qui sont prises en photo avec les vitraux derrière, qu’il y avait deux femmes voilées.
Elle explique un petit peu ce qu’elle a vécu, notamment des gens qui ont balancé son adresse postale, et comment elle a vécu ça, et l’importance de continuer quand même à lutter.
C’est l’émission du 9 avril 2025 de Chemins de traverse avec Sandra Reinflet.
Parce que c’est très intéressant.
Et j’en profite aussi pour signaler qu’au sein de la radio Cause Commune, le planning des émissions n’est pas complet.
Donc si des gens ont envie de proposer des émissions, notamment sur ces thématiques-là, ou sur d’autres, venez nous voir, notamment lors des soirées mensuelles.
La prochaine soirée mensuelle, ce sera vendredi 2 mai 2025, à partir de 19h30, au 22 rue Bernard Dimey, dans le 18e arrondissement de Paris.
Je regarde l’heure, parce que le temps file, et on s’approche de 23h30.
Tout à l’heure, on parlait des années 60, 70, MLF, etc.
Dans la préparation, tu m’as dit que la pensée « tout est politique » continue de résonner en toi.
C’est quoi le « tout est politique » et pourquoi ça résonne en toi ?
Isabelle : « tout est politique » au tout début où pour moi ça fait du sens c’était vraiment sur les relations amoureuses et sexuelles avec des gens, à l’époque, à mes 20 ans.
On disait, et on discutait de ça, sur le politique c’est aussi au fond de ton lit.
Quand tu es avec quelqu’un, c’est politique.
La question du « ben non c’est privé, on n’en parle pas » ben non.
Fred : La vie privée est politique.
Isabelle : La vie privée reste politique aussi, elle doit pouvoir s’exporter, elle doit pouvoir être dite si on a envie de la dire, elle doit pouvoir se relater, et venir se confronter à d’autres choses sociales, sociétales, parce que nous sommes des êtres sociaux.
Ce n’est pas juste par hasard que les choses peuvent se passer de telle ou telle manière.
C’est bien aussi culturel, éducatif, etc.
On en a parlé tout à l’heure.
Oui ça continue à résonner, y compris dans des choses… Quand on aide des personnes à Antanak, par exemple, oui, c’est politique.
Mettre du libre sur un ordinateur, oui, c’est politique.
Ce sont des vrais choix politiques.
Et donc il est intéressant de se poser la question tout le temps comme ça.
La question de ne pas imaginer que, oui, il y a une intelligence artificielle qui est juste, bonne, et qui va être enchantresse. Oui, c’est politique de le penser et de le dire.
Venir dans une radio associative, je pourrais citer 150 000 exemples, manger plutôt des légumes d’une maraîchère du quartier pas trop loin de Paris, en Île-de-France, plutôt que des sachets de carottes tout épluchées du Monoprix, oui c’est politique.
Fred : Tu sais qu’il y a des gens dans les soirées qui ramènent ça ?
C’est pour ça que tu dis ça, d’accord.
Isabelle : C’est pour ça que j’ai dit ça [rires]
Fred : Je n’étais pas sûr.
Isabelle : Je les aime quand même.
Voilà, chacun fait ce qu’il veut.
Fred : Je peux te dire que j’en connais un autre, parce que Magali connaît quand même très bien quelqu’un qui aussi a ce genre de pratique d’acheter des carottes dans des petits sachets, etc.
Isabelle : Oui, mais je veux dire après, encore une fois, ce que je dis, ce n’est pas des jugements.
Là, je faisais une blague effectivement sur Jean-Philippe avec les endives et les carottes.
Bon, d’accord.
Fred : Tu balances le nom, toi, carrément.
Isabelle : Oui, je balance le nom.
Mais non, mais il est chou.
Mais il sait que je l’aime bien.
Et puis, ce n’est pas la question.
Et vraiment, c’est ça que j’essaye de dire.
Ce n’est pas un jugement.
C’est juste, moi-même, pour moi-même, j’essaye.
C’est vachement compliqué.
Je n’y arrive pas toujours.
Mais j’essaye.
Je m’exerce à la cohérence.
Ce n’est pas gagné.
Ce n’est pas gagné.
Ce n’est pas toujours.
Je n’y arrive pas toujours.
C’est une des choses sans doute les plus compliquées, à la fois d’arriver à faire ce que tu penses, à penser comme tu le fais, à ce que tu sois un peu sur une ligne qui tienne la route, et à ne jamais flancher.
Comme on n’est pas…
Je suis une humaine.
Du coup, je peux me planter.
J’ai le droit.
Et parfois, je vais dire « excuse-moi, écoute, là, j’ai fait une connerie. Vraiment, je n’aurais jamais dû te parler comme ça. uMais en fait ».
Bon, voilà. Mais je veux dire, au moins, s’autoriser à y aller, puis à penser, puis à revenir en arrière, et à partager ses erreurs.
Tu vois, pour moi il n’y a pas de problématique à dire « là, j’ai vraiment été nulle sur ce coup-là, puis je suis désolée ».
Fred : Oui, l’important, c’est de le reconnaître et de le dire, en fait.
Isabelle : Oui, puis de le partager, puis de dire « qu’est-ce qu’on en fait maintenant ? »
Et puis, voilà « je t’ai blessé, je ne voulais vraiment pas ».
Voilà.
Ou par exemple, tu mégenres quelqu’un, tu sais, pour moi, c’est un truc, ça m’arrive fréquemment.
Fred : Est-ce qu’il explique ce que c’est que mégenrer ?
Isabelle : Mégenrer, c’est par exemple, faire a priori, penser, imaginer, a priori que la personne que tu vois en face de toi, toi tu la vois comme une femme par exemple, et donc tu vas dire elle, pour parler d’elle, ou tu vas mettre les adjectifs pour parler d’elle au féminin, puis en fait, ce n’est pas du tout ça, tu n’en sais rien, puis d’où tu te permets de faire ça ?
Enfin, tu vois, c’est des choses comme ça, ou à l’inverse, j’ai pris cet exemple, ça peut être dans un autre cas, ou même simplement inventer des mots qui n’existent pas encore, puis ça il va falloir qu’on le fasse dans la langue française, parce qu’il y a des choses qui n’existent pas.
Fred : Comme tu le fais quand tu dis les auditeurices.
Isabelle : Les auditeurices, mais c’est un mot, tu as remarqué que beaucoup de gens le disent maintenant, et même sur France Culture, je les entends.
Fred : Ah bon ?
Isabelle : Je te jure.
Moi, je pense que France Culture, ils copient vraiment beaucoup de choses sur Cause Commune, comme on est juste à côté.
Fred : C’est normal, car en termes de fréquence on est juste à côté.
Isabelle : Justement, on est juste à côté, et j’entends des émissions dans lesquelles, oui, des gens disent les auditeurices, et c’est tant mieux.
Il y a des mots qui nous manquent, on les invente, c’est parfait.
Ce n’est pas toujours facile.
Fred : Olivier, le directeur d’antenne de la radio, bénévole, lui dit « auditeurices et trans ». Il va encore plus loin.
Isabelle : Plus loin, je ne sais pas si c’est plus loin.
La vraie question, c’est que pour le moment, on n’a pas de mots qui ne soient pas binaires.
Et ça, ça reste quand même une chose très compliquée.
Je suis désolé, parce qu’il y a des gens qui s’évertuent, qui essayent d’expliquer.
Fred : Il y a des pronoms, « iel », par exemple.
Isabelle : « iel », ça reste un peu binaire, quand même.
Je suis désolé, pardon.
Il y a des gens qui mettent un « x », pour ne pas mettre le point, etc.
Mais ça ne marche pas complètement.
Il y a du boulot encore, c’est chouette.
Fred : Notamment sur la langue, il y a beaucoup de boulot.
Isabelle : Sur la langue, sur l’utilisation qu’on en a, sur les autorisations à se vivre soi-même autrement.
J’ai lu un truc, je suis en train de lire un bouquin qui s’appelle « Le château de mes sœurs ».
Je trouve ça assez joli, en relation avec « La gloire de mon père », « Le château de ma mère », Pagnol, etc.
Elle commence son bouquin en disant qu’il y a un mot qui manque.
C’est-à-dire, est-ce qu’il y a quelque chose qui peut parler, une fratrie, on est d’accord qu’une fratrie, c’est pour des frères, normalement.
« Comment on dit quand c’est cinq sœurs ? »
On ne le dit pas.
Le mot manque.
Ce n’est pas génial, ça ?
Le mot manque.
Il n’y a pas.
Du coup, on dit une fratrie de sœurs.
La belle affaire.
Tu vois, c’est drôle.
C’est chouette parce qu’on a plein de choses encore à inventer, à imaginer.
Fred : Après, il y a des mots qui arrivent dans le langage courant.
Sororité, par exemple.
Adelphité aussi.
Isabelle : Sororité, c’est comme fraternité.
Fred : Adelphité, normalement, c’est les Adelphes.
Ça regroupe normalement tout le monde.
Si j’ai bien compris.
Isabelle : Mais comment tu dis ? Tu ne dis pas une Adelphité ?
Fred : Non.
Isabelle : Adelphes, c’est effectivement pour pouvoir dire « ce n’est ni frère ni sœur, c’est globalement, on a des liens de sang, dont acte ».
Mais la fratrie, ça n’existe pas autrement que fratrie.
Sororité, ça remplace fraternité.
Oui, je suis d’accord.
Fred : Oui, tout à fait.
Peut-être qu’un jour, ça se remplacera sur les frontons des écoles.
Isabelle : Liberté, égalité, Adelphité.
Fred : Pas avec ce gouvernement-là, c’est sûr.
Isabelle : Ça ne va pas marcher. Non.
Et le prochain, je ne suis pas sûr non plus.
Fred : D’ailleurs, comment toi, tu…
Oui, le prochain, oui.
Comment toi, tu ressens ce qui se passe notamment en France, mais aussi aux États-Unis, parce que là, avec l’arrivée de Donald Trump, mais aussi en France, avec, comment il s’appelle ? Ah mince, Retailleau, Darmanin, enfin, toute la clique quoi.
Isabelle : T’es sûr que qu’on aille sur ce sujet-là ? [rires]
Parce que là il ne reste pas assez de temps pour vraiment dire tout ça.
Fred : À 10 minutes de la fin de l’émission, je ne sais pas, à moins que tu veuilles aborder un autre sujet.
Isabelle : Non, non, non.
Mais, je ne sais pas s’il y a quelque chose de plus intelligent que tout ce qui a déjà été dit.
C’est une catastrophe.
Fred : Mais beaucoup de gens sont vraiment inquiets, c’est-à-dire se disent, là franchement, ça part en sucette quand même.
Isabelle : Alors moi, je ne peux pas dire que là, ça part en sucette plus qu’avant.
Fred : D’accord.
Isabelle : On le savait que les choses allaient arriver comme ça, que les choses allaient être celles qu’elles sont là maintenant.
Retailleau, Darmanin, je suis désolé, mais on leur a préparé un terrain en or.
Qu’un Retailleau soit capable ou même des Wauquiez.
Fred : Oui, Wauquiez.
Isabelle : C’est pas les seuls, il y a vraiment beaucoup, beaucoup de monde là qui, on a fait de la place en pensant et on a juste ciblé Le Pen, pour dire « c’est vraiment ça le danger ».
Mais pas du tout, c’est tout ce qui était en train de se fabriquer autour.
Et tous ces dragueurs-là de la famille Le Pen et consorts, ils se retrouvent là maintenant au pouvoir.
Et on a un pouvoir qui est déjà, qui est déjà avec les armes et les mots et les comportements et les idées du Front National.
Donc, tu vois, je veux dire, non, ne faisons pas semblant de penser que ce n’était pas déjà en train d’être préparé.
Fred : D’accord.
Isabelle : Et ne nous étonnons pas qu’un Elon Musk soit au pouvoir d’une certaine manière aux États-Unis.
C’est pas vrai.
C’est ce qu’il a déjà pré, enfin, c’est ce qui a été pré-organisé là, déjà.
Pour moi, pour moi, c’est vraiment ça.
Et voilà, posons-nous la question quand chacun, chacune prend son smartphone et va sur Meta ou autre.
Bon, j’ai lu dans le Canard aujourd’hui qu’il y avait le procès là, ça y est, qui est lancé.
Fred : Quel procès ?
Isabelle : Le procès Meta.
Donc, Elon Musk, peut-être qu’il serait obligé de revendre ou de ne pas garder tout Instagram et WhatsApp, parce qu’il est en train de tout casser là
Fred : Meta ce n’est pas Elon Musk, c’est Mark Zuckerberg.
Isabelle : Pardon, je mélangeais deux sujets.
Mais je veux dire, pour moi, c’est un peu, ces choses-là on ne peut pas faire comme si on ne savait pas qu’elles allaient arriver.
C’est ça que je voulais dire.
Je veux dire que c’est le côté de « ah là là, mon Dieu, j’ai peur maintenant ». Non, il fallait avoir peur déjà avant.
Tu sais, puis se battre déjà avant pour.
Il n’est pas trop tard, mais bon.
Fred : Alors, sur le salon web, on nous parle aussi de Wauquiez qui veut envoyer à Saint-Pierre-et-Miquelon
Isabelle : Les étrangers et les étrangères
Fred : D’ailleurs, je ne sais pas si tu as vu, Saint-Pierre-et-Miquelon a fait des pubs très marrantes pour détourner ce qu’a fait Wauquiez en réutilisant le terme OQTF, mais avec des mots très marrants, enfin des phrases très sympas.
Je n’ai plus en tête exactement, mais je t’enverrai, tu verras.
Isabelle : Ah oui, d’accord.
Fred : On cite Bardella, il y a aussi Bolloré, évidemment, qui est cité sur le salon.
Isabelle : Une catastrophe. Absolument.
Fred : Il faut rappeler que Magali est aussi et surtout libraire.
Je ne sais pas si tu veux réagir, n’hésite pas, tu peux allumer ton micro.
Isabelle : Bolloré, c’est une catastrophe sur la question des médias, sur la question de l’emprise sur plein de domaines, mais c’est ça qui est fou, c’est-à-dire qu’on ne voit souvent, on voit qu’un axe dans le…
Voilà, Bolloré, on va voir la question des médias, des journaux et tout ça, et en fait, non, c’est également quelqu’un qui est en train de faire des désastres au Cameroun.
Enfin, je veux dire, il y a énormément d’affaires, tu sais, à chaque fois. C’est comme Google, ne pas penser que Google est qu’une question d’informatique, de numérique, ben non, regardons qu’est-ce qu’il y a derrière cette société et qu’est ce qu’on soutient en fait quand on est en train d’utiliser ces toutes ces affaires là.
C’est vraiment ça dont il est question.
Fred : Alors juste pour préciser sur Saint-Pierre-et-Miquelon qui a utilisé la sortie de Wauquiez sur les OQTF, les « Obligations de quitter le territoire français ».
Donc c’est des sortes de pubs.
Là on en voit une par exemple c’est « On vient en Quête de Tranquillité Familiale ».
« On Quitte Tout Facilement ».
« Ouvriers Qualifiés pour Travailler dans le Froid ».
Parce que Wauquiez a dit qu’il faisait très froid à Saint-Pierre-et-Miquelon.
Donc voilà.
Isabelle : « Comme il fait 5 degrés ça découragera »
Fred : Exactement voilà.
Mais en tout cas ce que j’aime bien c’est la réaction créative derrière, suite à ces sorties là.
Mais effectivement ça fait quand même très peur.
Quelle heure il est ?
Il est 23h18.
Il ne reste plus beaucoup de temps avant les questions finales et puis la désannonce de l’émission.
Fred : Quand tu veux te détendre tu fais quoi ?
Parce qu’en fait quand on est…
Je ne sais pas si tu as besoin de te détendre.
Mais quand on est plein d’énergie…
Quand on est militante ou militant, quand on a plein d’énergie, des fois, enfin je trouve, on a besoin de soit ne rien faire.
Moi j’avoue que me vautrer dans mon fauteuil, mon canapé et ne rien faire me convient.
Soit de faire autre chose.
Est-ce que toi tu as des activités qui te…
Isabelle : Ah bah plein.
D’abord je lis énormément.
J’adore lire.
Et j’ai un hamac, un siège hamac dans lequel c’est trop bien de lire.
J’aime écouter de la musique.
Je fais du Qigong.
Mais j’adore aussi faire des choses manuelles.
Donc aider des gens dans des maisons à faire des travaux, des choses comme ça.
Parce que pour moi c’est aussi tellement une autre activité que ça fait bouger des muscles que tu n’as pas l’habitude de faire bouger.
Je fais du Qigong parce que c’est un recentrage d’énergie qui est vraiment intéressant.
Non voilà.
Puis je peux découvrir d’autres choses aussi.
Je peux marcher.
J’aime bien marcher.
Fred : Et tu écoutes quelle type de musique ?
Toutes sortes.
Isabelle : Toutes sortes de musiques oui.
Et puis je danse.
J’aime bien danser aussi.
Fred : Toutes sortes de danses ?
Pas des danses classiques genre la valse, ou je sais pas quoi, je ne sais pas le faire.
Parce que je marcherais sur les pieds sans doute des personnes si je faisais ça.
Non, danser je veux dire danser dans le sens faire la fête.
Fred : Je réfléchis de tête.
Je crois que c’est le 21 mai 2025.
Nous recevrons Claire Favillier.
J’ai cherché le nom.
Donc on parlera de son parcours.
Et aussi de bals folks.
Parce que depuis une quinzaine d’années elle fait des bals folks.
Elle fait des initiations.
Isabelle : C’est génial ça.
Fred : Et donc elle va nous parler de ça.
Elle parlera aussi de son parcours.
Je crois de mémoire que c’est le 21 mai 2025.
Mais j’aurai l’occasion d’en reparler.
Isabelle : Ça c’est trop bien.
Inviter des gens.
Mettre des gens dans une même salle.
Puis leur apprendre quelque chose.
Puis on y va.
Fred : Alors exactement.
C’est « on danse avec les autres ».
Moi qui suis pas du tout danseur.
Je fais des bals folks depuis quelques temps avec mon épouse et des amis.
Et c’est vrai que ce côté danser avec les autres et puis apprendre en faisant, sans forcément maîtriser.
Donc par exemple des fois il y a des valses.
On fait un peu ce qu’on pense faire, ce qu’on peut faire [rires].
Isabelle : 1, 2, 3, 1, 2, 3.
Fred : Tout en essayant simplement de respecter le sens du bal pour pas rentrer sur les autres.
Est-ce que tu voulais aborder d’autres sujets ?
Il nous reste 2-3 minutes avant la fin de l’émission.
Peut-être qu’il y a des sujets qu’on n’a pas abordés que tu souhaitais aborder.
Isabelle : Je sais pas trop.
C’est rigolo parce qu’en une heure et demie c’est vrai que, c’est assez marrant, il y a des sujets qu’on a pu voir un peu plus que d’autres.
Non non c’est bien.
On a parlé des grandes thématiques effectivement sur les choses qui me tiennent à cœur et qui me font bouger.
Qui me donnent envie de continuer à lutter, me bagarrer, soutenir, être là pour d’autres.
Fred : Est-ce que tu as des idées déjà des prochains projets ?
Isabelle : Non ne dis pas ce mot. J’ai horreur du mot projet.
Fred : Tu n’aimes pas le mot projet ?
Isabelle : J’aime pas du tout ce mot projet.
Partout il faut avoir des projets.
Pour avoir des subventions il faut avoir un projet.
Pour faire quelque chose il faut avoir un projet.
Fred : Je vais la facher à 5 minutes de la fin de l’émission [rires].
Isabelle : Non c’est vrai que c’est un mot que je n’aime pas.
Il n’est pas intéressant.
Ce que j’ai envie de faire c’est de continuer à trouver des luttes communes avec d’autres gens et notamment, vu l’âge que j’ai là maintenant, dans l’intergénérationnel.
Ça m’intéresse vraiment, vraiment beaucoup.
Quand je vais aux réunions des gens de Soulèvements de la terre, j’adore trop voir, on n’est pas beaucoup de mon âge, mais il y a beaucoup de jeunes, beaucoup, beaucoup.
Je comprends bien aussi, les activistes, il faut quand même pouvoir démarrer au quart de tour, partir en courant, etc.
C’est comme dans les manifs, tu hésites à y aller quand tu as des enfants très jeunes, puis après tu hésites quand toi-même tu n’arrives plus à courir trop.
Fred : Et je dirais que c’est de pire en pire en France.
Isabelle : C’est de pire en pire.
Vraiment, parce qu’on est tout de suite nassé,
Fred : gazé
Isabelle : gazé, etc.
Mais voilà, faire ça, continuer à aller soutenir des luttes qui m’intéressent, et notamment celles des Soulèvements de la Terre, un peu partout.
Je les vois bouger, se rassembler, être hyper organisés sur des tas de trucs, c’est beau.
Fred : Il y a une question sur le salon web que je viens de voir.
On demande, est-ce qu’elle a dit s’il était végane ou voulait le devenir ?
Isabelle : Végane, pas complètement.
Végétarienne, oui, ça, et depuis de nombreuses années.
Végane, pas complètement.
J’essaye.
Donc là, les chaussures que j’ai aujourd’hui, elles sont véganes, par exemple, mais pas toutes.
C’est un truc un peu compliqué.
Pas compliqué, mais j’y arrive pas toujours.
Là aussi, c’est la question de la cohérence que j’évoquais tout à l’heure.
Là aussi, je discutais avec une personne maraîchère qui, soudainement, elle aussi est végétarienne. Et puis là, elle me dit « je vais acheter des cochons, je vais élever des cochons »
Je lui dis, « mais attends, c’est quoi ton affaire ? Tu es végétarienne, pourquoi tu vas »
« Oui, oui, je vais élever des cochons. Je ne sais pas si je m’occuperais de la partie boucherie derrière, mais en tout cas, oui. »
Et elle m’explique des trucs super intéressants sur le fait que…
D’abord, il y a un petit bouquin trop chouette aussi à lire qui s’appelle Plutôt Nourrir, qui est assez beau, sur cette question-là.
Sur la question de comment est-ce que, finalement, on se…
Qu’est-ce qu’on s’autorise à faire, là, sur la planète, là, maintenant, eu égard au fait que, est-ce qu’il vaut mieux utiliser l’engrais des cochons ou des engrais chimiques ?
Est-ce qu’il vaut mieux avoir des moutons ou des vaches qui vont continuer à être dans le paysage et avoir des pâturages et qu’on puisse mettre des…
Enfin, j’allais dire, aménager tout ça de manière cohérente ou pas du tout ?
Donc, voilà.
Oui, oui, moi, ça ne m’intéresse pas.
Je n’aime pas la viande.
Je n’ai jamais aimé.
Petit, je détestais la viande.
On me forçait à en manger parce que mon père était une famille de paysans.
On me forçait à manger de la viande.
On ne comprenait pas.
On me laissait devant mon assiette avec de la viande.
Je n’aimais pas ça, mais…
Et donc, très naturellement, je suis devenue végétarienne dès que j’ai pu le faire pour moi-même, relativement, voilà, assez vite, même si…
Bon, bref, voilà.
Mais ce n’est pas si carré que ça.
Et là aussi, c’est pareil.
Je vis là dans un endroit à Paris où je peux me permettre de l’être, tu sais.
Je serais Inuite et je vivrais sur de la glace dans laquelle il n’y aurait que du poisson et des élans ou des caribous à manger, je mangerais ce qu’il y aurait.
Enfin, voilà, je veux dire, tranquille, quoi, tranquille.
Fred : On arrive aux questions finales.
Les classiques questions finales de l’émission.
La première, as-tu envie de partager quelque chose qui t’a émerveillée, fait du bien dernièrement ?
Isabelle : Du coup, je n’aurais pas dû en parler avant.
J’aurais dû en parler que maintenant.
Mais cette affaire-là des Soulèvements de la terre, pour moi, c’est une joie.
Ou des luttes comme ça qu’il y a eu à Grenoble ou sur des victoires que tu as sur des sujets comme ça, d’une autoroute qui ne se fait pas ou d’un aéroport.
Ce sont des choses qui, vraiment, pour moi, sont hyper importantes et joyeuses, oui.
Fred : Deuxième question.
Si tu avais la possibilité de parler à ton toi quand tu avais 10 ou 15 ans, que lui dirais-tu ou quel conseil lui donnerais-tu ?
Isabelle : De lâcher la colère, parce que ça fait mal au foie et que, du coup, cette énergie-là, ce n’est pas obligatoirement toujours utile la colère.
La force, oui, la puissance.
La puissance est intéressante pour se battre contre les trucs, mais pas une colère qui te fait mal à toi-même.
Je lui dirais ça.
Fred : Écoute, merci Isabelle.
Isabelle : Merci à toi, Fred.
Un grand merci.
On entend la musique de générique de fin, c’est Schmaltz par Jahzzar, qui est disponible sous licence libre Creative Commons partage dans les mêmes conditions.
Merci à vous, auditrices et auditeurs, d’avoir pris la place autour de la table en bois du studio pour écouter l’émission.
N’hésitez pas à réagir, donner votre avis, poser des questions, faire des suggestions.
Un formulaire de contact est disponible sur la page de l’émission sur le site causecommune.fm.
Nous espérons que cette émission vous a touché, inspiré, convaincu.
Si c’est le cas, vous pouvez la faire vivre en en parlant et en la partageant avec au moins une personne.
L’émission va bientôt se terminer.
Vous pouvez vous abonner aux podcasts de l’émission, à la lettre d’actus.
Les infos sont sur le site causecommune.fm.
Aidez-nous à mieux vous connaître et améliorer l’émission en répondant à notre questionnaire dans la page de l’émission sur le site causecommune.fm ou dans les notes de l’émission si vous nous écoutez en podcast.
Il y a un lien vers un questionnaire.
En 3 minutes max, vos réponses à ce questionnaire sont très précieuses pour nous.
Et de votre côté, ce questionnaire est une occasion de nous faire des retours.
Chemins de traverse est en direct tous les mercredis à 22h.
Julie, Mehdi, Élise et moi-même avons le grand plaisir de participer à cette belle aventure que représente Cause Commune, radio associative, la voix des possibles.
Présente depuis janvier 2018 dans le paysage radiophonique francilien et partout dans le monde sur le site web, les applications Android et iOS, Cause Commune porte l’héritage des radios libres.
Et la radio a besoin de soutien financier pour payer notamment les frais matériels même si toute l’équipe d’animation est bénévole.
Donc nous vous encourageons à aider la radio en faisant un don et rejoindre ainsi le club des soutiens de la radio.
Vous pouvez aussi aider en consacrant du temps.
Pour faire un don, rendez-vous sur le site causecommune.fm, bouton don.
Vous souhaitez nous rencontrer et nous aimerions vous rencontrer.
Donc Cause Commune ouvre ses portes chaque premier vendredi du mois à partir de 19h30 pour une soirée radio ouverte.
Venez découvrir le studio et nous rencontrer.
La prochaine soirée aura lieu vendredi 2 mai 2025 à partir de 19h30.
L’adresse du studio, 22 rue Bernard Dimey.
Juste après Chemins de traverse, il y a une émission euh non c’est une rediffusion de l’émission Minuit décousu.
Prochain rendez-vous pour Chemins de traverse mercredi 23 avril 2025.
Julie recevra Corine Isnard Bagnis Néphrologue et Professeure à la Faculté de Santé Sorbonne Université et praticienne hospitalier à l’hôpital Pitié-Salpêtrière et à L’hôpital Tenon. Elle s’est impliquée dans le développement de l’éducation thérapeutique en Néphrologie et dirige les activités de Néphrologie Ambulatoire. Elle a introduit la méditation de pleine conscience pour le bénéfice des patients à l’hôpital dans le cadre de son programme d’ETP en 2012 et a créé un diplôme universitaire centré sur le développement de la relation de soin par les sciences contemplatives
Donc elle sera notre invitée la semaine prochaine.
Donc à mercredi prochain.
Salut et solidarité.
Sauf mention contraire et autres licences applicables cette œuvre sonore de Cause Commune est mise à disposition selon les termes de la
Licence Creative Commons Attribution - Partage dans les Mêmes Conditions 4.0 International.