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#22 – Florence Chabanois – Wokisme et micro-actions

proposée par Élise, Fred, Julie et Mehdi

Diffusée le 26 février 2025


#22 – Florence Chabanois – Wokisme et micro-actions
Chemins de traverse

 
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22e émission Chemins de traverse diffusée en direct 26 février 2025 à 22 h

Notre invitée est Florence Chabanois. Florence est dans le secteur de la technologie depuis plus de 20 ans. Elle est membre des Duchess France, une association destinée à valoriser et promouvoir les développeuses et les femmes avec des profils techniques, leur donner plus de visibilité, mais aussi à faire connaître ces métiers techniques et créer de nouvelles vocations. Elle a aussi cofondé La Place des Grenouilles qui propose un espace safe et inclusif pour exister, échanger, (dé/re)construire sans limitations ou injonctions de genre. Outre son parcours, il sera aussi question d’éveil, de sexisme, de racisme, de systèmes, de la méritocratie qui n’existe pas, de services publics, de l’influence qu’on peut toutes et tous avoir.

Questionnaire pour mieux vous connaître

Aidez-nous à mieux vous connaître et améliorer l’émission en répondant à notre questionnaire (en 3 minutes max). Vos réponses à ce questionnaire sont très précieuses pour nous. De votre côté, ce questionnaire est une occasion de nous faire des retours.

Sommaire

À l’oreille

Transcription

Note concernant la transcription : nous avons choisi, comme le préconise l’article Pourquoi et comment rendre accessible un podcast ?, une transcription fidèle aux propos tenus, sans suppression des tics de langage (les phrases qui ne finissent pas (…), les répétitions, les onomatopées).

Voix du générique (Laure-Élise Déniel) : Cause Commune, Chemins de traverse, d’autres voies pour imaginer demain.

Fred : Bonsoir à toutes, bonsoir à tous pour ce 22e épisode de Chemins de traverse, d’autres voies pour imaginer demain.

Dans Chemins de traverse, Julie, Élise, Mehdi et moi-même Fred, nous espérons vous proposer de belles rencontres et mettre en avant des parcours personnels et professionnels, des passions, et des engagements.

Merci de nous accueillir dans votre salon, votre cuisine, voire votre chambre, ou peut-être encore pendant votre séance de sport.

Notre invitée de ce mercredi soir est Florence Chabanois.

Florence est dans le secteur de la technologie depuis plus de 20 ans.

Elle est membre des Duchess France, une association destinée à valoriser et promouvoir les développeuses et les femmes avec des profils techniques, leur donner plus de visibilité, mais aussi à faire connaître ces métiers techniques et créer de nouvelles vocations.

Elle a aussi confondé La place des grenouilles qui propose un espace safe et inclusif pour exister, échanger, déconstruire, reconstruire, sans limitation ou injonction de genre.

Outre son parcours, il sera aussi question d’éveil, de sexisme, de racisme, de système, de la méritocratie qui n’existe pas, de services publics, de l’influence qu’on peut toutes et tous avoir.

Et le sous-titre de l’émission que Florence a proposé est « Wokisme et micro-actions ».

Fred : Bonsoir Florence,

Florence : Bonsoir Frédéric, bonsoir Julie.

Fred : Avant que la discussion ne commence, je vous rappelle que nous sommes en direct ce mercredi 26 février 2025 sur radio Cause Commune, La Voie des Possibles sur 93.1 FM et en DAB+ en Ile-de-France partout dans le monde sur le site causecommune.fm.

N’hésitez pas à participer à intervenir en direct.

Julie réalise l’émission de ce soir.

Bonsoir Julie.

Julie : Bonsoir, bonsoir à tous.

Fred : Et donc elle attend vos appels.

Notre téléphone est branché.

Appelez-nous au 09 72 51 55 46, 09 72 51 55 46, ou alors vous pouvez réagir sur le salon web de la radio.

Rendez-vous sur le site causecommune.fm, bouton chat, salon, Chemins de traverse.

Alors rebonjour Florence.

Florence : Bonjour, bonjour.

Fred : Alors c’est un grand plaisir de t’avoir.

Les auditrices et auditeurs fidèles de Cause Commune et notamment de l’émission Libre à vous ont peut-être reconnu ta voix vu que tu interviens dans l’émission sur les libertés informatiques. Le mardi de 15h30 à 17h que j’ai le plaisir de co-animer.

Tu as une chronique et tu participes aussi à l’émission de débats Au Café Libre.

Et ce soir, ça va être l’occasion de découvrir un peu plus ton parcours au-delà de ton implication dans la tech, la technologie.

Alors, tu as fait un post sur un réseau social qui nous a beaucoup touché pour annoncer ta présence dans l’émission, pour expliquer évidemment notamment tes critères ou en tout cas les choses dont tu souhaites parler, notamment dans les conférences, les podcasts.

Et là ce soir, dans ce post sur réseau social, tu annonçais que tu allais parler de ce qui était important pour toi.

Première question avant de commencer finalement par la question dont je t’ai parlé tout à l’heure.

Est-ce que c’est un effort pour toi ?

Est-ce que c’est un enjeu particulier ?

Est-ce que c’est un risque de parler de ce qui va être important pour toi ?

Florence : Oui, complètement.

Un risque mesuré là, parce que c’est prévu, planifié et que je sais que l’audience de la radio est plutôt acquise, on va dire.

Typiquement, je ne l’ai pas posté sur un autre réseau social (rires), ce message.

Mais en tout cas, c’est un effort, c’est vrai.

Ce n’est pas la chose la plus spontanée.

Et même si c’est ce qu’on voit le plus de moi, de mes messages ou de ce que j’envoie, c’est vrai qu’à chaque fois ça me coûte quand même, de le faire et que j’ai toujours une hésitation avant de poster quelque chose qui est un peu plus politique ou engagé.

Parce que même quand on ne le fait pas, on a des retours qui peuvent être désagréables.

Fred : Effectivement, je comprends.

D’autant plus que nous sommes ravis que tu acceptes cette invitation parce que c’est en direct, c’est une carte blanche, c’est sans filet (rires).

Mais c’est aussi l’intérêt de la radio.

On va parler un peu de ton parcours et d’un certain nombre de sujets qui te tiennent à cœur, que j’ai évoqué un petit peu tout à l’heure.

Mais une première question qui fera aussi référence à une question finale, c’est j’ai envie de te demander comment tu étais quand tu étais une petite fille d’une dizaine d’années, d’une quinzaine d’années ?

Florence : Du coup, j’étais au collège à peu près.

Je suis asiatique, je le dis parce qu’en radio, ça ne se voit pas.

Fred : Dans la voix, ça ne se voit pas.

Florence : Non, ça ne se voit pas.

Je ne crois pas avoir d’accent autre que parisien.

Mes parents sont d’origine chinoise et ils viennent du Cambodge.

Du coup, je suis typée asiatique.

Au collège, ça se voit. J’étais plutôt bonne élève, dans un collège très mixte.

Plutôt réservée parce qu’on a bien appris qu’on était chanceux et chanceuses d’être en France et par rapport à ce qui se passe justement au Cambodge à ce moment-là.

Fred : Quand tu dis réservée, c’est timide ou tu ne voulais pas faire parler de toi ?

C’est dans quel sens réservé ?

Florence : On ne peut pas trop parler quoi.

Fred : D’accord.

Il ne faut pas faire de bruit.

Florence : Oui.

Et puis, il ne faut pas faire de vagues.

Il faut plutôt être conformiste, être d’accord avec tout ce qui se passe.

Il ne faut pas faire de vagues.

Vraiment, c’est ça.

Fred : D’accord.

Florence : Super élève.

Du coup, ça marche bien.

Ça marche moins pour la suite.

Avec quelques ami·es, mais plutôt asiatiques à vrai dire.

Et un collège public très populaire où il y avait des embrouilles, etc.

Je me rappelle d’une fois, on m’avait dit que je parlais trop, typiquement, quand je disais que je n’étais pas d’accord.

Je sais que c’était en primaire, mais ça m’a marqué un peu tout le reste.

Fred : Est-ce que tu étais déjà “revendicative” ?

Ou en tout cas, avec des idées que tu voulais défendre ?

Florence : Je ne crois pas.

Fred : Non ?

Juste bavarde peut-être ?

Florence : Non, pas bavarde.

Juste quand je ne comprends pas quelque chose, de le dire.

Ou alors, quand on pose une question, souvent on reproche aux filles particulièrement de ne pas assez participer.

Et du coup, moi, je participais.

Mais ça, c’était jusqu’à ce qu’on me dise ça. Après, je n’ai plus participé (rires).

Fred : Alors, qui te disait ça ?

C’était d’autres élèves ?

Des garçons ?

Des profs ?

Florence : Non, même pas.

Je crois que c’était une fille qui avait dit ça.

Parce que du coup, il y a la pénalité où si une fille est trop visible ou une femme, ben elle se vante en fait. Il ne faut pas se mettre en avant.

Donc, il y a tout le système qui encourage ça et qui fait que les filles, entre elles, se surveillent.

Du coup, après ce feed-back, je me suis dit que je ne suis pas dans la case.

En tout cas, apparemment, c’est un problème.

Donc, je me range.

Mais je ne le vivais pas plus mal que ça.

C’est plus un code qui est intériorisé.

Et sinon, j’étais plutôt garçon manqué.

Je n’aimais pas trop les filles, en fait.

J’étais Chevalier du Zodiaque, Olive et Tom.

Pour les gens des années 80, d’ailleurs, le créateur d’Olive et Tom est à Marseille en ce moment.

Fred : C’est vrai ?

Pour les personnes qui sont d’une génération plus jeune, rappelle ce que c’est Olive et Tom.

Florence : C’est un manga de football.

Et moi, je jouais chez ma grand-mère toute seule.

Vraiment, j’adorais ça.

Dragon Ball Z.

Vraiment, tous les trucs de bagarre, c’était des choses que je regardais.

Fred : Et tu faisais du sport à l’époque ?

Parce qu’aujourd’hui, tu fais du sport.

Florence : Non, je ne sais pas si ça compte de taper contre la balle chez ma grand-mère.

Mais sinon, non.

Non, j’ai arrêté très vite.

J’ai fait six mois de judo et j’ai arrêté parce qu’il y avait trop de garçons.

Mes parents n’aimaient pas ça.

C’est vrai que je n’étais pas si bien que ça dedans.

Même si j’avais beaucoup milité dans la famille pour pouvoir en faire, ça a été assez bref, cette histoire de judo.

Et j’ai fait un an de tennis.

Fred : Il y avait le côté bon élève dont tu viens de dire.

Et le côté asiatique, est-ce que tu en as souffert pendant cette période ?

Parce que souvent, les enfants, ils ne sont pas forcément toujours très sympas entre eux, on va dire.

Florence : Oui, mais surtout les élèves, en vrai.

Moi, je ne me rendais pas compte.

Après, on sait que l’école, c’est toujours un peu la jungle.

Du coup, oui, clairement, mais c’était banalisé.

Donc, on se fait traiter de chinetoque.

Je me rappelle, j’étais dans la rue, je marchais. Pour le coup, c’était un adulte qui m’a juste dit « sale japonaise ».

Souvent, on confond les asiatiques, mais on comprend très tôt qu’on n’est pas pareil et qu’il faut faire attention et se faire le plus invisible possible.

Et en même temps, on a des discours très démocratiques qui nous disent que tout le monde est pareil, etc.

Donc, moi, je pensais quand même être blanche, même si de temps en temps, j’avais des feedbacks autres.

Et surtout, je faisais tout pour être blanche, en fait.

Je sais que je touchais mon nez pour essayer de l’allonger, par exemple. (rires)

Ça ne marche pas.

Quand mes parents, mes grands-parents venaient me chercher et parlaient chinois, j’avais tellement honte.

Enfin, je faisais en sorte d’être très, très, très rapide.

Je sais que j’avais des remarques racistes.

Une fois, on s’était battu sur ça à l’école.

Et c’était des personnes racisées qui disaient des choses comme ça.

Donc, vraiment, c’est un milieu qui n’est pas super inclusif.

Mais bon, comme tout le monde, on essaie de juste évoluer, de travailler à peu près à l’école et on attend que ça passe.

Fred : D’accord.

On reviendra sur ce sujet, notamment du racisme.

Est-ce qu’à l’époque, tu savais déjà ce que tu voulais faire quand t’étais au collège ou au lycée ?

Tu viens de dire que t’étais une très bonne élève, mais est-ce que t’avais une idée de ce que t’avais envie de faire ?

Florence : Très bonne élève, je précise, jusqu’au collège.

Parce qu’après, le lycée, c’était la dégringolade. C’était la cata.

J’ai intégré un lycée de Bourges, enfin de “bourges”, façon de parler, mais plutôt bien coté.

Fred : C’était à Paris ?

Florence : Oui, c’était à Paris.

Je pense que c’est toujours un choc. Le lycée, c’est beaucoup plus grand.

Il y a des personnes beaucoup plus différentes, on va dire.

Des gens qui étaient très aisés, ce que moi je n’avais pas trop côtoyé.

Typiquement, il y avait un voyage scolaire. C’était la première année, on ne pouvait pas le faire parce que les gens n’avaient pas assez d’argent pour le faire.

Ça, c’était vraiment incroyable au niveau du lycée parce que jusqu’ici, ils n’avaient jamais eu ce genre de problème.

J’ai répondu à ta question ?

Fred : Non, plus ou moins.

Tu ne savais pas exactement ce que tu voulais faire quand tu étais au lycée.

Florence : Non, pas trop.

Franchement, c’était trop vague.

Pour moi, c’est tellement jeune.

Même à 18 ans, quand j’ai fait un choix, c’était un choix “comme ça”.

Fred : Tu as fait un bac ?

Florence : Je fais un bac économique et social.

Fred : Bac ES, ok.

Florence : Oui, parce que les maths, je ne me sentais pas légitime sur le truc, très clairement.

Au collège, j’étais pas mal, mais en seconde, beaucoup moins.

Fred : Statistiquement, je crois que beaucoup on pousse les filles quelque part à décrocher au lycée souvent au niveau maths.

Je ne sais pas si ça a changé maintenant.

Florence : C’est pire maintenant parce qu’on leur demande de choisir plus tôt.

Du coup, on arrête les maths plus tôt.

Et surtout, on les incite à développer des stratégies sécurisantes.

Du coup, elles vont plutôt aller là où les gens les figurent plus.

Mais ce qu’on voyait, c’est que les personnes qui faisaient maths quand c’est des filles avaient des niveaux équivalents voire supérieurs jusqu’en terminale.

C’est après que ça se genrifiait encore plus.

Fred : Ok. Tu fais un bac ES que tu obtiens.

Florence : Oui.

Fred : Tu vas où ?

Tu vas à la fac ?

Tu vas en école d’ingé ?

Florence : J’ai fait un double cursus chinois socio.

J’étais à la fac Paris 5 Descartes à l’époque et à l’Inalco à Dauphine.

Au bout de 6 mois, j’arrête.

Et là, je me reconvertis en informatique.

Fred : Ah ? Alors pourquoi ?

Tu t’intéressais à l’informatique depuis que tu étais jeune ?

Ou c’est un hasard ?

Florence : Oui, plutôt.

Je sais que j’étais qualifiée.

Comme tu disais, j’étais assez garçon manqué.

J’ai toujours honte de le dire, mais c’est vrai que je méprisais de tout ce qui était fille.

Pour moi, c’est soit tu es jolie, soit tu es bête.

Soit tu es jolie, soit tu es intelligente, pardon.

Je n’avais pas envie d’être bête.

Je vais plutôt aller côté garçons.

Maintenant, quand rétrospectivement, je vois toute la culture qui m’entourait que ce soit musical, série ou cinéma, on voit que des gars blancs.

Ce n’est pas étonnant que je méprise à l’époque les filles.

J’ai fait informatique parce que comme j’étais un garçon manqué, j’aimais beaucoup tout ce qui était technique.

Je jouais à FIFA beaucoup. Et par rapport à la famille, ça se voyait que j’étais plus sur les ordinateurs que les autres.

Par contre, je ne voulais pas le faire parce que je trouvais que c’était très solitaire comme métier.

Vraiment, j’avais le cliché d’être dans une cave où on ne parle à personne.

Fred : On mange des pizzas, on boit des bières, et c’est tout.

Florence : Je portais des lunettes à l’époque. Maintenant je suis toujours myope mais j’ai été opérée.

C’est quelque chose qui m’a pesé très longtemps d’avoir des lunettes parce que ça me gênait.

Et surtout, je me disais « je suis cassée ».

Ma vue se détériore.

Donc, si je travaille sur des écrans, je vais accélérer ce processus.

Maintenant, je me dis que c’est bizarre comme pensée quand même au collège.

Fred : C’est très tôt comme pensée.

C’est très jeune pour ce genre de pensée.

Florence : Du coup, je m’étais dit qu’avec l’informatique je vais devenir aveugle à 30 ans. (rires) Ce n’était pas possible.

Au bout d’un moment, je me suis dit, bon, de toutes façons c’est trop tard, on verra.

Et surtout j’ai vu que c’était plus créatif que je croyais.

C’était l’essor d’Internet, du coup, il y avait des sites qui étaient créés.

Fred : C’est quelles années ?

Florence : En 2000, j’ai eu mon bac en 2000.

Fred : En plus, c’était au début de la démocratisation d’Internet de mémoire.

Florence : Oui, complètement.

Il y avait les tous premiers forfaits ADSL.

On sortait un peu du 56K et des modems qui grésillaient.

Quand j’ai acheté mon premier modem, d’ailleurs j’ai pas compris. Je me suis dit qu’il ne se passe rien. Il faut faire des choses et aller sur les sites.

Mais en tout cas, sur le site, je trouvais ça génial de pouvoir mettre des choses en ligne et que tout le monde le voit et surtout d’avoir une marge de manœuvre dessus.

Je trouvais que c’était un pouvoir de fou de pouvoir faire ça.

Fred : Ce qui t’intéressait, c’était de créer des sites Internet pour publier des choses dans un domaine particulier ?

Florence : Non, là, c’était très vague.

C’était plus wow. C’est génial et ça donne une liberté de dingue.

Et surtout, on n’est pas dans une cave, c’est un contact vers l’extérieur.

Du coup, j’ai potassé l’été.

En fait, j’étais geek, mais pas tant que ça parce que je n’y connaissais rien par rapport aux gars qui commençaient à 10 ans.

Enfin, moi, je le vois bien quand je parle à des hommes maintenant.

Ils ont commencé à 10 ans, ils avaient un ordinateur chez eux très tôt.

Fred : Pas tous, pas tous, mais beaucoup.

Florence : À l’époque, ça a commencé.

Moi, je vois les écarts quand même.

Franchement, pas tous, mais beaucoup.

Alors que très peu, dans ma classe en tout cas, commençaient pile poil au moment des études seulement.

En fait, il y a toujours un passé, quoi.

Des disquettes qu’on s’échange, qui lisaient des magazines, qui se débrouillaient tout seul.

Alors que moi, je n’avais juste pas accès à tout ça.

Fred : Et t’as fait quel type d’études alors ?

Florence : J’ai fait un BTS.

Fred : BTS, OK.

Florence : Un BTS informatique de gestion en alternance.

Et du coup, parce que je devais financer mes études.

Du coup, c’est pour ça que j’étais en alternance, sauf que je n’y connaissais rien.

Donc, c’est compliqué de trouver un travail quand on n’y connaît rien.

Et du coup, je me suis débrouillée.

Après, j’ai continué toutes mes études en alternance.

Et ensuite, j’ai intégré la fac en alternance de Créteil et encore une autre à Dauphine.

Fred : Toujours en informatique ?

Florence : Oui, tout le temps, c’était de l’informatique.

Fred : Donc, tu as été jusqu’en bac plus 5, c’est ça ?

Florence : Oui, c’est ça.

Fred : Avec une spécialisation en bac plus 5 ?

Florence : C’était informatique de gestion, technologie nouvelle.

Fred : Et en parallèle, tu as créé des sites web.

Est-ce que tu te souviens, par exemple, le premier que tu as créé ?

Florence : En fait, en BTS, c’était une école privée.

Déjà, j’ai découvert que c’était n’importe quoi avec les écoles privées et qu’on pouvait très bien ne pas avoir de cours, typiquement.

Fred : Vous faisiez quoi alors ?

Florence : En fait, c’est pas mal d’étudiants qui sont profs.

Il y a du turnover, il n’y a pas vraiment de contrôle dessus.

Le seul engagement, c’est de nous faire passer le BTS au bout des deux ans.

Donc, on peut juste très bien le planter et ne pas avoir de cours. C’est à nous de nous donner les moyens.

Du coup, j’avais cherché des cours.

Et là, mon enjeu, c’est le premier site Internet que j’avais créé, c’était pour mettre en ligne justement les cours qu’on n’avait pas.

Fred : Pour les autres étudiants et étudiantes ?

Florence : Exactement.

Donc, de ma classe ou d’autres classes.

Moi, je n’en trouvais pas.

Je galérais quand même à en trouver.

Je me suis dit « autant avoir un endroit où centraliser tout ça ».

Là, c’était mon premier site en PHP et MySQL.

Après, je ne sais plus tellement la chronologie, mais je sais qu’il y a une période où j’étais très prolifique en site Internet.

À cette période-là, à peu près, je suis devenue végétarienne pour le coup.

Moi, je suis un peu obsessionnelle quand j’ai une révélation.

Et pour moi, le végétarisme, c’était marrant parce que j’étais très contre.

Fred : Tu étais une viandarde ?

Florence : Oui.

Fred : Tu aimais beaucoup la viande en tout cas ?

Florence : Oui, je mangeais des grecs tout le temps.

Fred : Des trucs gras ?

Florence : C’est ça.

Et puis, j’ai grandi comme ça.

Ça s’associe à plein de souvenirs d’enfance, à des moments, à des personnes.

C’est beaucoup d’émotions et d’intimes dans la nourriture.

En plus, on n’a connu que ça.

Donc, ça fait quand même un peu peur de se dire « on va juste manger de la salade et des carottes ».

Mais du coup, je l’ai fait pour plusieurs raisons.

En tout cas, je trouvais que je n’avais pas le choix et que si je voulais être un minimum cohérente avec moi-même, dans la mesure où s’il y a une vache qui passe et qu’on me donne un couteau, on me dit « vas-y, tu l’as, mange-la », je vais dire « non, je vais manger ma salade en fait ».

Ça ne vaut pas le coup, ce plaisir par rapport à ce coût-là.

Et je trouvais ça trop hypocrite.

Après, encore une fois, je ne suis pas du tout parfaite et je ne juge vraiment pas.

Mais moi, je ne voulais pas faire ça, dans le sens « ça me coûte trop ».

Fred : Tu n’étais pas contentée de devenir végétarienne.

Tu as créé un site web sur le végétarisme ?

Florence : Oui, alors c’est vrai que ça paraît extrême.

Une fois que je commençais à être végétarienne, je me dis « moi, c’est ça la raison, c’est juste de la cohérence ».

Je commence à regarder qu’il y a des facteurs écologiques.

Je me rends compte qu’il y a énormément de végétariens et végétariennes célèbres qu’on ne connaît pas.

Et moi, je fonctionne beaucoup avec des rôles modèles dans le sens où si quelqu’un existe, je sais que ça va être plus facile pour moi d’aller dans cette voie-là en me disant « quelqu’un l’a fait devant moi et ça va quoi ».

Fred : Quelqu’un qui existe aujourd’hui ? Pas des rôles modèles morts ?

Florence : Ça marche aussi.

Franchement, je suis remontée assez loin et surtout des gens qu’on admire.

Il y avait Moby par exemple à l’époque.

Fred : Un historique Moby, oui.

Florence : Il y avait des sportifs aussi, où on a plein de clichés, on dit que les végétariens et végétariennes sont malades.

Je me suis dit que les gens ne savent pas.

Et pareil que sur le site que j’avais fait pour les cours, c’est des données qui sont parsemées.

Du coup, je me dis « autant créer une base de données que les gens puissent contribuer, mettre des photos pour que ce soit sympa ».

Donc Je fais une base de données de végétariens et végétariennes célèbres.

Je ne sais pas du tout si ça a marché.

Fred : Ça existe encore le site ?

Florence : Oui, ça existe encore.

Je crois qu’il n’y a personne dessus.

Ça, c’est l’époque Free.

Fred : C’était ma question.

Tu avais un abonnement Free et tu l’hébergais sur les sites perso de Free, les pages personnelles.

Florence : Je ne sais même pas s’il fallait un abonnement à l’époque. Je ne crois pas.

Fred : Je suppose qu’il fallait être abonné à Free pour utiliser les pages perso.

Florence : Je ne suis pas sûre.

J’ai vu le nombre de sites que j’ai.

Fred : Je ne peux pas dire parce que je n’étais pas abonné à Free à l’époque.

Peut-être que tu as raison.

C’était l’époque des pages perso ouvertes à toute personne comme Club Internet et cie.

Florence : C’est une catastrophe parce qu’ils ne seront jamais éteints.

Fred : Visiblement, les tiens existent encore.

Et tu ne t’es pas dit que tu allais les mettre à jour notamment sur les végés célèbres ?

Florence : Non.

Maintenant, il y a plus de sites qui existent. Cela s’est largement démocratisé depuis 20 ans.

En plus, je suis passée à autre chose en vrai.

J’étais dans le métro. Je distribuais des flyers.

C’était vraiment quelque chose où je me disais qu’il faut que ça se sache.

Fred : Tu avais du militantisme en plus, physique.

Pour une personne geek, mettre en ligne un site internet, ça paraît normal, logique.

Mais aller distribuer des flyers dans la rue, c’est-à-dire se confronter aux autres, et surtout à une époque il y a 20 ans, ce qui n’est pas forcément évident.

Florence : Tout le monde s’en foutait en vrai.

Tout le monde s’en fout.

Mais ce qu’il y a, c’est que j’ai souvent cette démarche où si quelque chose m’intéresse, je vais me renseigner beaucoup dessus.

Donc, je vais rejoindre plusieurs communautés pour voir les connaissances.

Je vais me dire « waouh, c’est trop important, il faut que ça se sache ». Et après, je vais faire des trucs qui sont plus ou moins absurdes.

Fred : C’est quoi genre absurde ?

Florence : En soi, c’est ridicule, rétrospectivement.

Fred : vas-y, donne un exemple, sans te forcer.

Florence : j’étais, entre guillemets, une gamine, je ne sais pas quel âge j’avais, j’avais 20 ans, dans le métro, en train de donner des flyers.

Par exemple, il y avait la Veggie Pride qui venait de se lancer à l’époque.

Je crois que ça n’existe plus.

Et moi, je mangeais souvent chez un grec quand je suis devenue végé.

Quand je suis devenue végé, j’ai aussi mangé chez ce grec, mais il a fait un truc sans viande pour moi.

Et du coup, j’avais récupéré des affiches pour la manif.

Et je lui ai demandé si on pouvait l’afficher, chez son grec.

Et là, ça me parait complètement absurde.

Mais je me rappelle, à l’époque, il m’a regardé et il a fait « bah non » (rires).

Mais moi, ça me paraissait tellement évident qu’on ne pouvait pas être contre, que c’était important, je ne m’étais pas dit « ah, ce n’est pas le meilleur endroit ».

J’aurais pu aller au magasin de musique en face ou à la pharmacie.

Fred : Ce n’était pas là où tu avais le plus de chance de convaincre des gens, mais quoi que en fait.

Florence : En tout cas, il n’allait pas critiquer son propre business.

Mais comme je le connaissais bien et qu’on s’entendait bien, je n’avais pas mesuré le conflit d’intérêt qu’il pouvait y avoir.

Pour moi, c’était juste une information.

Si on a envie, on y va. Si on n’a pas envie, on n’y va pas.

Mais il n’y avait pas d’enjeu.

Fred : Après, il peut faire des plats végé avec des aubergines, des trucs comme ça, garder des frites.

Il y en a de plus en plus qui le font d’ailleurs aujourd’hui.

Florence : Oui, complètement.

Fred : Parce qu’il y a de la demande aussi, tout simplement.

Florence : Absolument.

Oui, c’est un marché.

Fred : C’est ça, c’est aussi parce qu’il y a un marché.

Tu disais que tu étais un peu obsessionnelle et que tu avais envie de comprendre, de te plonger beaucoup dans les choses.

Est-ce que c’était potentiellement lié aussi au fait de ne pas avoir envie d’être prise en faute ?

Quand on est un peu militant ou militante, on a besoin d’avoir le maximum d’arguments pour être sûr de pouvoir vraiment bien défendre sa cause.

Est-ce que c’est lié à ça ou pas du tout ?

Florence : Je ne sais pas.

Je ne saurais pas dire.

Mais par contre, ce que je sais, c’est qu’on m’embêtait beaucoup sur mon végétarisme.

Alors moi, je n’avais pas du tout envie de convaincre.

Fred : Qui t’embêtait ?

Dans ta famille ?

Florence : Dès que je mange avec quelqu’un, en fait.

Plusieurs fois, tu as dit « je suis militante », mais moi, je ne me considère toujours pas militante.

C’est juste des accidents on va dire.

C’est dans le sens où il y a quelque chose qui est important pour moi.

Et à un moment, je vais sortir du bois et faire quelque chose. Et après, je retourne dans ma grotte.

Mais ce n’est pas quelque chose où, entre guillemets, je me fais plaisir ou je tire de l’énergie.

C’est vraiment plus un élan de survie ou une nécessité sur un message ou quelque chose de plus grand que moi.

Je ne pourrais jamais être comme certaines personnes que je vois, je ne sais pas, dans les manifs ou dans les assemblées, aller sur une estrade, tirer tout le monde, aller dans la contradiction des gens en public.

Fred : Je t’ai déjà entendue dans des podcasts ou dans des interviews parler de ça, notamment récemment.

Et j’ai l’impression que tu associe le mot « militant » au fait d’aller dans des manifs, de prendre des risques, d’aller se confronter, par exemple, politiquement, soit sur des réseaux sociaux où il ne faut pas se confronter, ça ne sert à rien. Mais par exemple, à la télé avec des gens qui ne sont pas du tout sur tes positions.

Alors qu’en fait, on peut être militant à son propre niveau non ?

Florence : Pour moi, militant, on prend quand même un peu plaisir à ça.

Alors bon, c’est quand même un peu une souffrance quand je le fais.

Fred : Tu le fais parce que tu penses qu’il faut le faire, mais c’est une souffrance.

Florence : C’est ça. Après, souffrance, c’est peut-être un peu fort, mais je suis en mode, il n’y a pas le choix, il faut le faire.

C’est quand même une lutte contre moi-même quand je le fais, quand je m’exprime sur ce truc.

Alors que pour moi, un militant, et peut-être que je me trompe, un militant ou une militante est à l’aise. En vrai, j’en sais rien. Peut-être que je ne connais pas assez de militants pour pouvoir le dire, mais c’est vrai que j’ai cette image-là, de, entre guillemets, « c’est facile ».

Fred : Tu ne te définis par comme ça.

Florence : Pour moi, c’est un métier, ça prend plus de temps.

C’est vrai que je ne me définis pas. Je dirais engagée, parce que je me dis oui, c’est vrai, des fois je suis engagée, des fois non.

Alors que militant, ça me paraît plus… On est plus entraîné·e. C’est presque un métier, je ne sais pas comment le dire.

Fred : Ça fait deux fois que tu emploies ce mot métier pour militant. C’est vrai qu’il y a des militants professionnels quelque part.

Je ne sais pas, peut-être qu’on en reparlera plus tard.

Florence : Après, c’est qu’un mot.

Fred : Oui, c’est qu’un mot.

Après, à un moment il y a eu un autre mot qui était activiste, et pas mal de gens ont arrêté de l’utiliser parce que ça donnait une vision violente d’une activité militante, alors que pas forcément, c’était simplement une traduction anglaise.

Mais en tout cas, oui, j’avais été marqué quand j’avais écouté un podcast récemment où tu parlais de personnes qui allaient en manif, qui prenaient des risques.

Donc, ça m’étonnait que tu me parles du fait que tu allais distribuer des flyers dans le métro, parce que quelque part, ça peut prendre des risques.

Florence : Oui, mais peut-être que j’étais inconsciente.

Je ne me dis pas, on va m’attaquer.

Et aujourd’hui, tu vois, aller coller la rue. Même si je le faisais, ça m’arrive de coller un peu des trucs en douce et tout.

Fred : Tu parles de collage féministe ?

Florence : Un peu, mais pas que.

Je mets des stickers par-ci, par-là, mais c’est vraiment, c’est juste que j’en ai dans mon sac et de temps en temps, j’en mets.

Mais c’est en passant.

Ce n’est pas vrai, parce que des fois, je fais des sorties exprès, mais c’est vraiment très, très ponctuel.

C’est sur l’actualité politique ou des choses comme ça.

Fred : En parlant de l’actualité politique, avant de faire la pause musicale et de parler un peu de ton parcours pro, tu as parlé d’engagement tout à l’heure. Est-ce qu’au niveau politique, à un moment, tu t’es engagée ou tu t’es sentie concernée par des différents projets de loi ?

Parce que vu ton âge, je pense notamment au truc de Villepin, le CPE, le Contrat première embauche, ou des choses comme ça.

Est-ce qu’à un moment, tu t’es sentie concernée, avoir envie de comprendre ce qui se passait, de t’investir ou pas du tout ?

Florence : Un peu, parce que du coup, le contrat de nouvelle embauche, effectivement, j’étais bien investie dessus.

Mais du coup, j’avais créé un site dessus aussi.

Fred : Encore ?

Florence : Vraiment, je me disais, quelle tête brûlée à l’époque.

Mais là, pour la même raison, en fait.

C’est dans le sens où je me dis, ça nous concerne directement, on pourra nous virer et nous rendre corvéable à merci.

Quand je discute avec des personnes autour de moi, elles n’ont pas l’air de savoir ni de se renseigner dessus, alors que ça va vraiment être compliqué pour notre avenir.

Donc là, pareil, à la base, ça part assez simplement, je crée un site, j’écris du texte, je le mets en page, je mets un graphisme.

Et après, petit à petit, je l’enrichis par rapport à ce que je retrouve à gauche à droite.

Et ça fait aussi que du coup, je peux le partager à des gens qui se posent des questions, par exemple.

Donc là, du coup, il y avait un site qui avait pas mal tourné à l’époque.

Mais en vrai, c’est ma seule fois qui était aussi engagée.

C’est assez paradoxal, mais c’est vrai que j’y vais à reculons en vrai.

Fred : Ce qui est marrant, c’est que j’avais une image de toi inverse avant que je te connaisse.

Je n’allais pas dire, j’allais employer le terme guerrière, mais en tout cas, c’est l’image que j’avais, mais je ne sais pas pourquoi, parce que tu faisais partie des Duchesse France, etc., dont on parlera tout à l’heure.

Je me disais, oui, c’est quelqu’un qui y va, qui n’a pas peur, etc.

Et finalement, de ce que je comprends, c’est pas vraiment ça, en fait.

Florence : Non, vraiment, je me fais violence.

Et ça, je pense que j’ai découvert récemment, c’est lié aussi à mon côté racisé, où en fait, on n’est pas…

Fred : Il ne faut pas faire de bruit, c’est ça ?

Il ne faut pas faire de vagues.

Florence : Il ne faut pas faire de vagues.

Et du coup, il y a l’espèce de…

Si on conteste le statu quo, le système en place, on est ingrat et ingrate.

J’ai oublié les termes politiques qu’il y a, mais je ne sais plus ce que c’est, la reconnaissance de la France, bref, des choses de ce type-là, tu vois.

Nous, si on est là, on doit juste servir et puis c’est tout.

Après, la question, c’est servir qui ou quoi ?

Mais en tout cas, il y a vraiment le côté, on doit…

C’est pour ça que les Asiatiques, d’ailleurs, sont moins critiqués que d’autres, parce qu’on se fond dans le moule et qu’on ne parle pas trop, quoi.

Là, j’exagère, ce n’est pas du tout essentialiste, c’est vraiment plus dans la culture.

Aussi, on ne les écoute pas, c’est aussi simple que ça, quoi.

Mais en tout cas, on encourage ce type de système-là et on va complimenter ça.

Ce qui fait que moi, souvent, enfin, ce n’est pas souvent, mais ça m’est déjà arrivé en conférence ou dans des tables rondes de juste dire des choses.

Et on me dit « mais toi, on sait que tu n’as pas la langue dans ta poche ».

Moi, ça me surprend quand on me dit ça, je me dis « ah bon ? ».

Je parle juste comme toi et moi, mais parce que je suis une femme, je pense, et parce que je suis Asiatique, ça détonne avec des stéréotypes qu’on a sur ça.

Et quand on me dit ce genre de choses, je pourrais m’en moquer, ce qui est un peu le cas.

Mais en même temps, je pense qu’insidieusement, ça renvoie le message de « tu n’es pas conforme et tu n’es pas censée faire ça »..

Donc, je pense que c’est aussi le côté immigrée qui fait que c’est plus compliqué quand même d’aller à contre courant et c’est plus risqué.

Et même si en vrai, il ne m’est pas arrivé grand-chose.

Fred : Et puis, c’est aussi plus dur pour une femme.

Florence : Oui, aussi.

Oui, complètement.

Fred : Dans l’engagement ou autre, c’est beaucoup plus dur.

Florence : C’est ça.

C’est interdit.

Et en plus, comme on est élevées pour être validées par les autres, surtout les hommes blancs, les blancs et les hommes. Ça dépend de l’intersection dont on parle.

Comme on fait pour être validé ? On fait ce que les autres veulent.

Donc vraiment, c’est là où c’est un peu mindfuck.

Et du coup, quand je le fais, je me dis, je me fais violence.

Fred : Manfuck ?

Florence : Oui, dans le sens où on est un peu schizo.

Fred : D’accord.

Ah, mindfuck ?

Florence : Oui, mindfuck.

Fred : J’aavais compris manfuck.

Florence : Je ne sais pas comment dire en français.

Fred : L’esprit torturé ou je ne sais pas quoi.

Florence : Oui

Dans le sens, c’est contradictoire en fait.

Il y a des injonctions contradictoires.

On peut le dire plus simplement comme ça.

En disant, si tu veux être acceptée, rentre dans le système et fais ce qu’on te dit.

Et en même temps, tu sens que ce n’est pas OK et qu’il faut faire quelque chose. Sinon, tout le monde va le payer.

Et du coup, ça, c’est un système qui marche bien parce que ça entretient les systèmes dominants qu’il y a aujourd’hui en fait.

Fred : Et par rapport à ça, tout à l’heure, tu parlais des rôles modèles que tu apprécies beaucoup.

Est-ce que le fait de le faire, c’est aussi une façon de servir ? Pas de rôles modèles, mais en tout cas, de montrer aux autres personnes qu’il est possible de le faire ?

Florence : Maintenant, oui, plus.

Plus, plus, plus.

Tu vois, typiquement là, notre point. Je parle très peu de racisme en fait. J’ai commencé il y a un an.

Fred : Tu parles plus de sexisme.

Florence : Oui

Fred : On va en parler tout à l’heure.

Florence : C’est ça.

Mais même le sexisme, j’ai mis du temps parce que je n’ai pas envie de rentrer dans le groupe des victimes ou des empêcheuses de tourner en rond.

Là, pareil, c’est juste un besoin d’être intégrée et de se faire accepter.

Et du coup, c’est drôle ce que tu dis en disant que je suis une guerrière et tout, parce qu’en fait ça me coûte.

Moi, ça fait que un ou deux ans où je me suis dit « mais en fait, je ne suis pas blanche ».

Et du coup, ça explique plein de choses.

Ça explique des comportements différents avec moi et moi, je ne comprenais pas.

Ou des intersections, typiquement, quand on est végé, à l’époque en tout cas, souvent, il y a des amalgames en disant, entre guillemets, tu es pure et du coup, on va te faire ton procès, en fait, dans le sens « ah ah ben là, je ne sais pas., t’as fait ça de mal, quoi. »

Fred : Ah oui, puisque comme tu es végé, tu dois être pure sur tous les domaines ?

Florence : C’est ça, exactement.

Et du coup, il y a un a priori aussi sur les luttes des classes ou sur le sexisme ou le racisme, on va partir du principe où si quelqu’un est de gauche, par exemple, la personne doit forcément être anti-sexiste, anti-raciste et tout ça.

Mais pas du tout.

Si la personne est végé, elle peut aussi être pour les pesticides pour autant.

Il n’y a pas d’évidence, en fait, sur ces trucs-là.

Et du coup, c’est pour ça que j’avais fait mes armes aussi sur le site en disant, au fur et à mesure que j’apprends à traiter des objections que j’ai.

Parce que du coup, je me pose la question quand on me pose une objection en disant « ah ben oui, je ne sais pas » (rires). Donc, je vais aller regarder ce qui se passe.

Ensuite, je me fais mon avis et puis là, je le partage sur un site.

Voilà.

Fred : D’accord.

On va faire une pause musicale.

Alors, je ne sais pas par laquelle tu veux commencer.

Puis, je vais demander de présenter les pauses musicales parce qu’elles ont quand même une histoire, ces deux pauses musicales.

Tu veux commencer par laquelle ?

Florence : On peut faire Quiet.

Ouais, je pense que ça colle mieux là.

Florence : Peu importe.

Donc, Quiet par MILCK

Est-ce que tu veux juste expliquer pourquoi ce choix de pauses musicales ?

Alors, Quiet par MiLCK.

Du coup, le côté asiatique, comme on vient de parler de racisme intégré.

Moi, je suis et j’étais raciste de façon intégrée dans le sens… Alors, ce n’est pas dit comme ça. Ce n’est pas que je n’aime pas les asiatiques et les noirs et les arabes. Mais c’est plus qu’inconsciemment, on voit tellement plus de blancs qu’on va les considérer quand même un peu en dessous.

Du coup, on va plus aller chercher la validation des blancs et des blanches que vraiment considérer tout le monde.

Et je le vois tout le temps, en fait.

Moi, on ne me voit pas dès que je suis avec une blanche.

C’est tout le temps comme ça.

Et du coup, cette chanson Quiet d’une chanteuse asiatique américaine, sino-américaine, elle parle du fait qu’on attend des femmes, qu’elles soient silencieuses. Et c’est encore plus vrai chez les asiatiques.

Mais là, elle parle aussi d’agression sexuelle. Donc là, c’est encore plus dur.

Par rapport aux violences sexistes et sexuelles, ça aussi, c’est un système qui marche bien en termes de recettes. On élève, on éduque les femmes à être à l’écoute des gens.

Ce qui, sur le papier, est une bonne chose et à faire passer aussi le besoin des autres devant.

Et du coup, quand elles se retrouvent en position d’être agressées, c’est plus facile d’être sidérée dans ces situations-là et de ne pas réagir.

Et c’est là où quand un homme va dire « pourquoi est-ce que les femmes qui se font agresser, elles ont qu’à se battre, en fait, de dire non clairement ou de donner un coup de poing ou ce genre de truc ». On n’est pas du tout sur les mêmes codes.

Et c’est ça qui assure aussi l’impunité des agresseurs, j’insiste sur l’agresseur au masculin du coup.

Et du coup, cette chanson parle de ça.

L’autre point, c’est que c’est une Asiatique et qu’en termes de représentation, il y a beaucoup moins de représentation noire arabe et encore plus, encore plus, je ne sais pas, mais aussi asiatique sur toute la culture pop.

Moi, je ne peux pas citer de séries là où une actrice principale est une Asiatique.

En fait, sûrement, il y en a un Jackie Chan ou un Bruce Lee.

Voilà, ça va être des stéréotypes masculins, mais en femme, non, je n’en vois pas.

Ça va être des rôles secondaires.

Fred : Lucy Liu peut-être.

Florence : Lucy Liu, oui, mais elles sont plusieurs, non ?

Fred : Elles sont plusieurs, je ne sais pas.

Florence : C’est Drôles de dames, c’est ça ?

Fred : Oui, mais elle a fait plusieurs films où elle était avec un rôle principal, non ?

Florence : Je ne suis pas sûre, je ne sais pas.

Fred : Bon, alors peut-être que je confonds.

Je ne sais pas, on vérifiera.

Elle était dans Ally McBeal, mais elle était secondaire.

Fred : Ah, tu parles d’une série ?

Ah oui, c’est ça, elle était secondaire.

Florence : Il me semble qu’elle a joué dans Drôles de dames aussi.

Tu vois, dès que tu vas voir une personne asiatique, déjà, il n’y en a pas beaucoup.

Fred : Il n’y en a pas beaucoup, oui, c’est clair.

Florence : Après, il y a Michelle Yeoh aussi, par contre.

Donc, soit il n’y a que des Asiatiques.

Du coup, il y a une Asiatique et voilà, elle a le rôle principal.

Mais si tu prends un groupe de personnes et qu’il y a une Asiatique, ce ne sera jamais elle, pour moi, le rôle principal.

Et pareil sur les Indiens, Indiennes.

Moi, je ne connais qu’une série où l’Indienne a le rôle principal et que ce n’est pas les Blancs et les Blanches.

C’est Mes premières fois, une série Netflix que je recommande chaudement.

Bon, bref, voilà.

Et tout ça, tout ce qui encourage ce sexisme, ce sexisme et ce racisme intégrés, c’est le manque de représentation.

Donc, c’est pour ça que j’ai choisi une artiste asiatique sur Quiet.

C’est une très belle chanson.

Et bien, donc, nous allons écouter Quiet par MILCK et on se retrouve dans 3 minutes 20.

Belle soirée, l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

[ Diffusion de la pause musicale ]

Voix du jingle (Laure-Élise Déniel) : Cause Commune, 93.1.

Nous venons d’écouter Quiet par MILCK.

Vous écoutez toujours l’émission Chemins de traverse.

Je suis toujours avec Florence Chabanois.

N’hésitez pas à participer à notre conversation au 09.72.51.55.46, je répète 09.72.51.55.46 ou sur le salon web dédié à l’émission, sur le site causecommune.fm, bouton chat, salon Chemins de traverse.

Avant de poursuivre, Florence voulait corriger quelque chose ?

Oui, par rapport à ce qu’on parlait du parcours tout à l’heure pendant la chanson.

Mon bac, je l’ai eu, mais j’ai eu 10,1.

Donc, je l’ai eu de justesse.

Comme je disais, au lycée, je n’étais pas forcément une bonne élève.

Donc, en gros, collège, très bonne élève, lycée, vraiment pas très bonne élève.

BTS, très bonne élève, master, bonne élève.

Fred : Très bien. 10,1 au bac, l’important, c’est de l’avoir.

On va finir ton parcours sans forcément aborder tous les thèmes du parcours, mais je trouve que c’est intéressant de voir ce que tu as pu faire.

Après tes études et ton bac plus 5 en informatique, tu rejoins ce qu’on appelle une ESN, une entreprise de services numériques, parce que tu m’as dit que c’était une entreprise un peu touche à tout, c’est-à-dire qui abordait tous les sujets de l’informatique.

Est-ce qu’on peut dire quelle ESN c’était ?

Florence : Oui, elle n’existe plus.

Je peux le dire, c’est Égide Développement.

On était 10.

Fred : C’était une petite donc. Dans ma tête, c’était une grosse, d’accord.

Florence : Non, parce que comme je te dis, je ne connaissais rien en informatique.

En gros, j’avais juste lu le livre HTML l’été.

Après, j’ai déroulé l’annuaire des entreprises qui avaient un email en Île-de-France et j’ai envoyé un mail à chaque personne.

Là, on m’a répondu, j’y suis allée et j’en avais deux en fait sur tout l’annuaire.

Mais c’est quand même que les ESN que j’ai contacté.

Fred : D’accord.

C’était 2005-2006, un truc comme ça ?

Florence : 2001.

Fred : 2001, d’accord.

Florence : C’était en plein 11 septembre.

Fred : Tu as fait quoi dans cette ESN ?

Florence : J’ai fait des pages HTML, j’ai fait un calculateur pour la finance, j’ai fait du débuggage, j’étais envoyée chez le client.

C’était une catastrophe.

Fred : Est-ce que ça, c’était un plaisir d’aller en clientèle ?

Florence : Franchement, on m’a un peu envoyée au casse-pipe, je trouve (rires).

Fred : Toutes les ESN font ça, malheureusement.

J’étais choquée.

Fred : C’est vrai ?

Florence : Oui.

Fred : C’était quoi le contexte ?

On t’envoie sur un sujet que tu ne maîtrises pas, c’est ça ?

Florence : Pas complètement, mais vu mon jeune âge de l’époque et mon expérience, c’était sur du débuggage, sur du visual basic, sur une base Access.

Je n’avais juste pas été accompagnée du tout.

Je me suis débrouillée tant bien que mal pour essayer de débugger le souci.

J’avais un responsable de syndic assez nerveux, qui n’était pas du tout content, de rien.

Je pense qu’ils n’avaient pas envie de s’en occuper, du coup, ils me l’ont filé. C’est aussi simple que ça.

Je pense qu’on n’a plus eu le client après. Ils voulaient juste gagner un peu de temps.

Après, c’était une expérience.

Mais sinon, j’y allais plutôt contente en vrai.

Je travaillais beaucoup, j’apprenais plein de choses.

J’ai aussi fait de la saisie plus basique.

Si j’avais été recrutée, c’est pour faire des tâches que les ingénieurs ne voulaient pas faire parce que c’est trop facile, etc.

Rétrospectivement, je me suis rendu compte que c’était ultra sexiste comme environnement, mais j’ai mis dix ans à m’en rendre compte.

Fred : T’étais la seule femme dans l’équipe ?

Florence : J’étais la seule femme dev, dans la partie informatique.

Côté secrétariat, c’était des femmes aussi.

Je parlais de stratégie de survie tout à l’heure.

On rit à des blagues qui ne sont pas drôles, on ne corrige pas, on ne réagit pas sur ce qui n’est pas OK.

On attend que ça passe en fait.

Je n’avais pas un grand plaisir pendant les pauses-déj ou ce genre de choses.

Mais vu que c’est 100% de mon expérience et que j’apprenais des choses par ailleurs, franchement, je n’allais pas trop mal.

Je n’allais pas mal même.

Mais c’est vrai que bien après, je me suis dit que c’était tellement pas OK.

Ça parlait tout le temps de film porno.

Dès qu’il y avait des mots, on voyait tout de travers.

Tout était sexualisé.

Ça faisait que moi, je faisais encore plus attention.

Mais comme on ne parlait pas de moi, j’essayais d’aller dans le même sens ou de ne pas paraître trop coincée ou à contre-courant.

Fred : Quand tu dis qu’on ne te parlait pas de toi, c’est-à-dire qu’on ne te faisait pas des blagues sur toi ?

Florence : Oui, vu qu’on parlait de ça devant moi.

Ça veut dire que j’étais dans l’équipe.

C’est là où ça empêche de dire des choses et de voir que c’est un problème.

Surtout, c’était des gens qui étaient sympas en vrai.

Et moi, je me suis dit que c’est la culture.

C’est vrai que je me dis que c’était tellement lourd et tellement pas OK. Mais il m’a fallu 10 ans, je pense.

Parce que pendant longtemps, j’ai dit que je n’ai jamais eu de sexisme ou quoi que ce soit, dans le sens où on ne m’a pas insultée directement.

Mais c’était quand même une ambiance qui était ultra malsaine au quotidien.

Fred : Tu es restée combien de temps dans cette entreprise ?

Florence : Je suis restée deux ans.

C’était très dénigrant aussi, très paternaliste.

Mais pour moi, c’était quand même une expérience.

C’était ma première expérience et c’est là où j’ai appris beaucoup de choses.

Et les gens étaient quand même assez bienveillants.

C’est bizarre de dire ça, mais de ma posture, c’était assez bienveillant.

Fred : Donc là, ça fait 20 ans que tu travailles dans l’informatique.

Après, tu as fait toujours des ESN ou tu as été chez des entreprises utilisatrices ?

Florence : Je voulais faire du Java à l’époque, un langage orienté objet.

Fred : un langage de programmation.

Florence : Parce que du coup, sur toute l’expérience, j’avais fait pas mal de PHP, de MySQL et un peu d’ASP.NET et du VB aussi.

Et je voulais vraiment rentrer dans le monde des langages orientés objets.

Je ne sais pas à quel point c’est du jargon ce que je dis, mais bref, un autre langage.

Fred : Une autre forme de langage.

Florence : Et du coup, j’ai intégré la fac où je me suis dit que c’était plus structuré qu’une école privée où il n’y avait pas de cours.

Et là, j’ai intégré une boîte qui s’appelle BBGR.

C’est une filiale d’Essilor qui fabrique des verres de lunettes.

Donc, un grand groupe, tout ça.

Et là, j’ai intégré le service Qualité.

En fait, j’ai continué à faire du PHP et MySQL et un petit peu de C#.

Ça a duré trois ans pour le coup.

Et ça, je me suis rendu compte des effets bien plus tard que ça m’avait sensibilisé au service client en fait.

Parce que du coup, j’appelais les utilisateurs utilisatrices pour voir s’ils ou elles étaient satisfaits de nos services informatiques.

Je gérais l’outil en PHP et MySQL pour gérer les changements en production, ce genre de chose.

Et ça, c’est quelque chose qui m’a servi tout le long, d’avoir une approche globale de l’informatique en tant qu’outil pour servir un but, même si je l’avais déjà dès le début par la façon dont je suis rentrée dedans.

Mais ça m’a quand même donné un peu de structure et de méthode qui m’a servi quand je suis devenue manager plus tard.

Fred : Parce que tu es devenue manager à un moment ?

Florence : Oui, assez vite, je crois.

Fred : C’était une volonté ?

Florence : Non, c’était comme ça.

Je ne l’ai pas cherché, on va dire.

Après, je trouvais ça sympa parce que j’aime bien travailler avec des gens.

Entre-temps, j’étais Scrum Master aussi.

Fred : Il faut que tu expliques Scrum Master sans être trop technique.

Florence : Je facilite la vie d’équipe, on va dire.

Fred : Tu as un peu l’interface entre les personnes qui développent et le client ou la cliente.

Florence : Non, pas tout à fait.

Ce que tu dis, c’est plutôt maîtrise d’ouvrage.

Moi, j’étais vraiment dans l’équipe.

Ma première expérience en CDI, c’était chez Keljob, un site de petites annonces d’emploi.

Et ça, c’était ma meilleure expérience pendant longtemps où j’ai découvert les méthodes agiles qui donnaient du leadership aux gens, aux équipes.

Donc, on réfléchit ensemble aux solutions de NOS problèmes.

On peut discuter avec tout le monde, y compris les clients et les clientes.

C’est une vision très itérative aussi.

Du coup, le Scrum Master ou la Scrum Masteuse facilite ces processus qui permettent d’obtenir de l’amélioration continue à tous les niveaux.

Ça fait en sorte qu’on est meilleurs au fur et à mesure, on a plus d’impact, ce genre de choses.

Ça, c’était mon job pendant un an ou deux.

Et en même temps, j’étais manager aussi.

Fred : D’accord.

Alors, si tu étais manager, est-ce que tu as fait du recrutement ?

Florence : Oui.

Fred : Et donc, par rapport au recrutement, est-ce que tu avais une attention particulière à recruter des femmes ou pas, ou pas du tout ?

Florence : Non, pas du tout (rires).

Fred : Parce que c’est un milieu très masculin, le monde de l’informatique.

Donc, tu n’avais pas, en tout cas, à cette époque-là peut-être…

Florence : Non.

En plus, c’était compliqué pour moi, parce que j’avais 25 ans ou 26 ans.

Fred : Ah oui, tu étais jeune, d’accord.

Florence : Je suis devenue manager-manageuse très tôt.

Moi, je trouvais que j’étais légitime vu qu’on me propose le poste et que je sais que je travaille bien.

Mais en vrai, j’avais quand même des choses à prouver par rapport aux équipes qui étaient rattachées à ma direction, on va dire.

Et du coup, non, j’étais plus « comment on va dérouler les roadmaps, comment on va remplir nos objectifs », ce genre de choses.

Et ça, j’ai fait ça pendant longtemps.

Je n’ai juste pas du tout traité la question du genre.

Et à un moment, j’ai essayé de le faire, mais c’était 10 ans après.

Fred : D’accord.

Donc, à un moment, tu as commencé à le faire.

Pourquoi ?

Parce que tout simplement, il y a ton évolution personnelle ?

Florence : Oui.

Et surtout, je me suis rendue compte que… Tu vois, quand je parlais d’épiphanie sur le végétarisme, là c’était pareil.

Je me suis dit « mais en fait, je suis à côté de la plaque ».

Parce que de la même façon que quand je recrute, je cherche des profils variés.

Donc, des personnes plus jeunes, plus âgées, avec des spécialités différentes, avec des états d’esprit différents.

Je veux des profils qui sont très, très structurés.

D’autres qui sont plus orientés résultats et qui vont prendre des raccourcis.

Pour que dans l’équipe, si on est une équipe, ce n’est pas pour rien.

C’est justement pour obtenir la richesse de tout le monde.

Et sur le genre, c’était un angle mort parce que je me disais « de toute façon, je n’ai pas de levier, c’est les RH qui me donnent des CV. De toute façon, il n’y a pas beaucoup de femmes dans l’informatique ».

Donc, voilà quoi.

Et en fait, c’est un dev qui m’a dit plusieurs fois « mais pourquoi tu ne recrutes pas des femmes ? ».

Et de la même façon que sur le végétarisme, dans un premier temps, je me suis braquée en me disant « mais t’es marrant toi, voilà. » Je ne l’ai pas dit comme ça, mais c’est ce que je pensais très fortement (rires).

Après, je me renseigne et quand je me renseigne, je tombe d’assez haut en me disant « mais ok, il y a peu de femmes dans l’informatique, mais pas dans tous les pays, pas à toutes les époques. Comment ça se fait, en fait ? » Et surtout, pas dans toutes les entreprises non plus, pas dans toutes les écoles.

Donc, moi, si en tant que manageuse, je ne fais pas cet effort-là, déjà, je ne suis pas aussi efficace que je crois.

Et surtout, rien ne va changer.

Donc, c’est à partir de là, petit à petit, je pense que c’était en parallèle de ma prise de conscience sur le féminisme.

Au lycée, je me rappelle, j’étais très anti-féministe aussi.

Je me rappelle vraiment une discussion où j’étais fermement contre.

Où je me suis dit « à un moment, il faut prendre position, en fait ».

C’est comme ça que ça s’est passé.

Et après, j’en ai eu une, deux, trois, quatre.

J’ai développé des méthodes.

De toute façon, dès qu’on porte une attention et qu’on pose des chiffres sur l’objectif, ça marche.

Fred : Oui, tout à fait, par rapport à ça.

Dans l’introduction, j’ai cité l’éveil, parce que c’est toi qui as parlé de ce mot-là.

Est-ce que c’est à ça que tu faisais référence notamment ?

Florence : Notamment

Fred : C’est la prise de conscience, c’est ça ?

Florence : Oui, clairement.

Parce que je me rends compte que même si on me donnait des chiffres, déjà on ne me donnait pas tant de chiffres que ça, mais même on n’y croit pas.

Et je pense que ça, c’est aussi un réflexe de survie en se disant que ce n’est pas possible que ce soit vrai, qu’il y ait 25% d’écart de salaire, qu’aujourd’hui, il y a un féminicide tous les trois jours, que 8 femmes sur 10 se font agresser dans les transports.

C’est trop insoutenable, donc je pense que quand tu as 10-15 ans, franchement, tu n’as pas envie de croire ça.

Surtout que tu n’as pas de solution en face, et c’est trop vertigineux.

Et même sur le nombre de femmes dans l’informatique, c’est problématique.

Mais une fois que tu affrontes ça, là tu peux aller dans l’action et te dire, ok, ça c’est le constat aujourd’hui, mais déjà, ce n’est pas comme ça partout.

Ça n’a pas toujours été comme ça, donc qu’est-ce qu’on peut faire pour y remédier ?

Et du coup, l’éveil, c’est à la fois sur le féminisme, à la fois sur le végétarisme, à la fois sur le racisme, parce que du coup, comme je te disais tout à l’heure, moi le racisme, je l’ai vécu, mais sans vraiment m’attarder dessus.

Ça fait que un ou deux ans où je me suis dit, mais en fait, c’est un sujet et qu’il faut que je fasse attention à ça, et que je traite ces blessures comme des vraies blessures.

D’ailleurs, c’est marrant parce que c’était lors de la conférence de Nathalie Achard que tu as reçue sur Chemins de traverse.

Fred : Grâce à toi, parce que c’est grâce à toi que j’ai découverte.

Florence : Mais oui, c’est drôle, non ?

Du coup, la boucle est bouclée.

Elle a dit, c’est des blessures, il faut les traiter.

Et là, quand elle avait dit ça, j’étais très émue en me disant, mais du coup, cette reconnaissance de ce type de souffrance, en fait, ça permet après de les adresser.

J’ai eu deux, trois événements comme ça, où les personnes ne se sont même pas rendu compte de l’impact que ça avait.

Mais une fois qu’on sait ça, on peut se dire « ah ce n’est pas notre faute, telle situation, c’est le système, c’est les a priori que telle personne a ».

C’est pour ça que c’est plus difficile de se faire entendre. Ça ne veut pas dire que les arguments sont pourris.

Et du coup, on traite le vrai problème.

Fred : Et d’ailleurs, dans son livre, Nathalie explique les trois niveaux d’action personnel, interpersonnel et systémique.

Si vous voulez l’avoir en audio, vous allez sur Chemins de traverse, sur causecommune.fm.

Chemins de traverse, c’est l’émission numéro deux avec Nathalie Achard.

Et par rapport à cet éveil et à se dire « je peux agir », est-ce que c’est à ce moment-là finalement que tu rejoins les Duchess France, que tu crées ensuite La Place des Grenouilles en expliquant ce qu’est les Duchess France ?

Florence : Les Duchess, c’est une association de femmes dans l’informatique, à la base plutôt sur du développement Java.

Et en fait, j’ai souvent cette démarche quand même de se dire « je suis sur un sujet, du coup, je vais rejoindre les communautés pour voir ce qui se passe ».

Donc, c’était un peu la démarche de base, on va dire.

Et j’ai reçu l’annonce de la création des Duchess, je ne sais plus trop comment.

Mais déjà, je n’ai pas trop compris l’intérêt. Je me suis dit, là, on est encore en train de faire les pleureuses et tout ça.

Fred : Les victimes, quoi.

L’espèce victimaire, c’est ça ?

Florence : Oui.

En fait, j’avais l’impression de rejeter les hommes, ce qui est complètement drôle aujourd’hui.

Mais en fait, on nous a appris à réagir comme ça, en disant, on doit inclure les autres, même si eux ne nous incluent pas.

Et du coup, je ne comprenais pas l’intérêt, mais bon, j’y vais quand même parce que, voilà, je trouve ça intéressant et je veux voir ce qui se passe derrière la lumière.

Et du coup, j’ai été dedans depuis le début en fait.

J’ai participé à pas mal d’événements qui étaient organisés.

Fred : Le début, c’est quoi ?

C’est 2013, 2014, un truc comme ça ?

Ça fait une dizaine d’années ?

Florence : Ouais, même plus.

Fred : Même plus ?

D’accord.

Florence : 2012, je pense.

D’accord. 2012 ou 2011, ils organisaient des certifications Java.

Il y avait des soirées d’improvisation.

Il y avait des ateliers de prise de confiance.

Il y a plein de choses.

Fred : Du mentorat aussi pour les conférences.

Florence : Oui, complètement.

Et donc, j’ai participé à quelques-unes ou organisé quelques-unes.

C’est comme ça que j’ai rejoint.

Et c’est là aussi qu’on… En fait, pour moi, quand on est plusieurs, c’est quand même mieux pour partager nos problématiques.

Mais le truc, c’est qu’il y avait plein de gars aussi.

Du coup, on partageait des problématiques techniques en fait.

Fred : Alors, ça va être ma question.

Est-ce que c’était mixte ou pas mixte ?

Florence : C’était mixte.

Fred : C’était mixte parce qu’aujourd’hui, c’est plus le cas, je crois.

Florence : Non, c’est plus mixte.

Enfin, ça dépend quoi.

L’espace d’échange est non mixte.

Fred : Ouais.

Florence : C’est une espèce de messagerie, un chat.

Par contre, les événements sont mixtes.

Fred : D’accord.

Florence : Certains événements peuvent être en non mixité.

Ceux que j’ai organisés, typiquement, étaient en non mixité.

Et moi, j’avais beaucoup poussé pour la non mixité..

Ça, ça fait aussi partie des quelques éveils que j’ai eus.

Fred : Oui, parce que j’ai vu ce que tu disais.

Je pense qu’au début, tu as dû te demander à quoi ça sert de faire la non mixité.

Florence : Surtout que c’est moi qui l’ai poussé et que c’est les autres qui ne comprenaient pas.

Fred : Ah, c’est les autres.

C’est l’inverse.

Ok, d’accord.

Excuse-moi.

Florence : Non, mais tu ne pouvais pas le savoir.

J’avais découvert un atelier de réparation de vélo dans la rue.

Et mon vélo était cassé une fois et j’étais dans cet atelier de vélo.

J’y ai passé deux heures et je n’ai rien pu faire réparer du tout parce qu’il y avait plein de gars partout qui monopolisaient les outils, même s’ils étaient très sympas, que je ne savais pas réparer.

Vraiment, j’ai perdu mon temps pendant deux heures.

Et ça, je crois que je l’ai fait deux fois et c’était super frustrant.

Mais je me suis dit que ce n’était pas un atelier fou, fou.

En même temps, je n’ai pas mieux comme solution et je veux essayer d’apprendre à le faire.

Je me rappelle, je revenais et j’avais toujours mon vélo à la main, la chaîne pas réparé.

Et à un moment, j’ai vu dans cet atelier qu’il y avait aussi un atelier non mixte.

Je suis allée à l’atelier non mixte.

Et là, c’est le jour et la nuit parce qu’on s’écoute, on s’entraide vraiment et on n’est pas en train de…

Je ne sais pas qu’est-ce qui fait ça, mais il y a vraiment de la solidarité et du soutien et une vraie pédagogie qu’il n’y avait pas.

Peut-être parce qu’il y avait trop de monde quand c’était mixte.

Peut-être que ce n’est pas la même logique.

Peut-être que tout le monde était pressé. Je n’en sais rien.

Mais il y avait une vraie prise en compte.

Donc, j’ai vécu la différence et entre temps, je me suis formée aussi un peu plus sur tout ce qui était violence sexiste et sexuelle.

Je me rappelle dans un livre de Caroline de Haas, « En finir avec les violences sexistes et sexuelles », elle parlait du sujet de non mixité, où elle disait que comme souvent au début, on ne voulait pas exclure les hommes.

Et du coup, j’aimerais bien que des fois les hommes se disent pareil (rires).

Du coup, ils ont été en mixité et qu’au bout d’un moment, ils ont embarqué que c’était toujours les hommes qui parlaient et qu’on n’entendait pas les femmes.

Et chez Duchess, c’était un peu pareil.

Dans le sens où sur un atelier d’improvisation, typiquement, il y avait neuf femmes et un homme.

L’homme, au demeurant très sympa, mais il prenait toute la place en fait.

C’était toujours lui qui parlait.

Et ce n’était même pas vraiment sa faute.

C’est juste qu’on lui a appris à faire ça.

Et pire, les neuf femmes se mettaient en retrait.

Ce qui facilitait aussi, lui, la prise de risque qu’il a appris à faire, surtout dans des circonstances d’improvisation.

Et ça fait qu’entre guillemets on perd notre temps vu qu’on est là pour faire ça.

Par rapport à la non mixtité chez les Duchess, ce qu’il y a, c’est qu’on a eu des soucis avec quelques hommes et les femmes ont passé une énergie folle sur eux.

Et moi, je n’ai pas de temps à perdre, en fait.

Si j’ai une association comme ça à laquelle je passe du temps, ce n’est pas pour nous défendre ou m’énerver ou quoi que ce soit.

L’objectif, c’est soutenir les femmes et les aider à avoir de la visibilité.

Ce n’est pas éduquer, me justifier, m’énerver sur un gars qui ne comprend pas notre vécu en fait.

Et je n’ai pas à prouver la réalité.

Personne n’a besoin ou n’a le devoir par rapport à ça.

Du coup, à une AG, on a voté pour ça, mais j’ai perdu.

Du coup, personne ne voulait passer en non mixité.

Peut-être qu’il y avait une autre personne, je ne sais plus.

Après, on a eu encore un autre problème.

Moi, j’avais laissé tomber en fait.

Je me suis dit, ça me saoule, mais tant pis.

Là, c’est une autre personne qui a dit « je commence quand même à en avoir marre et on perd beaucoup d’énergie ».

Et là, ça a été voté et les femmes appréhendaient pas mal.

Et en fait, ça a été super bien accueilli puisqu’on se disait, oui, mais les garçons, ils nous ont aidés et puis ils peuvent être utiles.

Et pour moi, ce n’est pas le sujet en fait.

Déjà, ils n’ont pas besoin d’être là.

En plus, je trouve ça ultra creepy, l’argument « de toute façon, on ne les entend pas, on ne les voit pas ».

Qu’est-ce qu’ils font là en fait ?

Parce que du coup, il y a des études qui disent ça.

Rien que le fait d’être vu, ça change les comportements, l’effet Hawthorne ou les tours de surveillance.

Moi, je ne me sens pas libre.

Enfin, je ne me sens pas libre de la même façon.

Si je sais que je suis vue, je ne vais pas dire les mêmes choses que si je suis pas vu.

Et tout à l’heure, je n’ai pas fini sur le sujet de Caroline de Haas, mais elle disait que les sujets qui étaient évoqués, quand elles étaient en non-mixité, typiquement son viol, la seule fois qu’elle l’a évoqué, c’était en non-mixité et elle ne l’aurait jamais fait s’il y avait eu un homme.

Et à partir de là, ça a complètement changé l’ambiance au sein de l’espace d’échange des Duchess, où il y a des vrais sujets, des vrais besoins, des vrais témoignages qu’il y a eu.

Alors qu’avant, c’était du survol en fait.

Les vrais échanges, ils n’étaient que dans les événements en réel.

Fred : D’accord, d’où l’importance de la non-mixité.

Florence : Absolument.

Donc pas en finalité, mais en moyen.

Fred : Exactement.

On va refaire une deuxième pause musicale.

Est-ce que tu souhaites expliquer la chanson avant ou après ?

Florence : Après.

Fred : Après ?

Ok.

Alors, on va écouter « Douce Maison » par Anne Sylvestre.

On se retrouve dans 3 minutes 20. Belle soirée d’écoute de Cause commune, la voix des possibles.

[ Diffusion de la pause musicale ]

Voix du jingle (Laure-Élise Déniel) : Cause Commune, 93.1.

Nous venons d’écouter « Douce Maison » par Anne Sylvestre.

Je suis toujours avec Florence Chabanois.

Vous êtes toujours sur causecommune, 93.1 FM et en DAB+ en Île-de-France et partout dans le monde sur causecommune.fm.

Alors, on vient d’écouter cette douce voix, mais la chanson n’est pas forcément douce, même si ça s’appelle « Douce Maison ».

Est-ce que tu peux nous expliquer le choix de cette chanson ?

Florence : Anne Sylvestre, c’est une artiste que j’ai découverte quand elle est décédée, pour le coup, donc très tardivement

Fred : en 2020, je crois.

Florence : Oui, absolument.

Donc, en plein dans ma période où j’étais en train d’apprendre des choses et son répertoire est terriblement riche et le sujet qu’elle traite dans cette chanson qui est très belle et très violente à la fois, c’est vraiment le réflexe qu’on a à soutenir les gens qu’on connaît même pas ou qu’on aime bien.

Comme je disais tout à l’heure, par rapport à la réalité qui peut être vertigineuse.

C’est ce que ça dit de nous en disant « mais ça peut nous arriver et qu’il n’y a pas de justice ».

Du coup, c’est un réflexe dont il faut avoir conscience, ce biais du statu quo qui est “s’il s’est passé quelque chose de mal, probablement la personne, la victime était responsable d’une façon ou d’une autre”.

Et cette chanson a été écrite dans les années 70.

Elle est encore tristement d’actualité.

Fred : Elle a été écrite en 71.

Florence : Et je pense que chaque femme qui nous écoute ou les hommes, je ne sais pas s’ils le savent, mais quand on se fait agresser, on se pose toujours la question de « est-ce que c’est notre faute ou qu’est-ce qu’on a fait pour encourager ça ? ».

Parce que le système actuel et la société nous encouragent à penser ça, même si on n’a pas envie de penser ça.

Voilà, c’est pour ça que j’ai partagé cette chanson.

Faites attention à vos amis aussi.

Oui, à nos amis, parce qu’il y a beaucoup de gens que j’ai adoré, Johnny Depp.

Fred : Ah oui, dans ce sens là, d’accord.

Florence : En fait, ce qu’il y a, il y a ces biais, c’est que c’est pas parce que quelqu’un est sympa avec toi ou la facette que tu connais de cette personne.

Je ne connais pas Johnny Depp, mais je veux dire, même sur des proches, il n’y a pas de gens bien ou pas bien.

C’est ça que je veux dire.

On peut faire des choses horribles et très bien à la fois.

Et ça, c’est aussi une stratégie pour permettre à la culture du viol de se perpétuer.

C’est le fait d’assurer son impunité avec certaines personnes et être horrible avec d’autres.

Donc, typiquement sur le racisme, moi j’entends souvent « je ne comprends pas, cette personne est super sympa ».

Je dis « bah oui, avec toi, elle est super sympa ».

Mais moi, je sais qu’il n’est pas du tout sympa avec moi ou avec d’autres personnes.

Et mentalement, c’est dur de croire ça, mais de continuer à être pote avec ces personnes et de jamais les remettre en cause, c’est une violence qu’on ne peut pas imaginer.

Je ne dis pas qu’il faut soutenir sans jamais, quoi que, mais en tout cas, le fait de par défaut ne pas croire les personnes et soutenir des gens qu’on ne connaît pas, c’est quand même problématique.

Fred : D’accord. On va essayer d’aborder assez rapidement, malheureusement, parce que c’est la dernière partie de l’émission.

Et puis, j’encourage les gens à redécouvrir ou découvrir tout le répertoire d’Anne Silvestre qui est plus connu pour ses Fabulettes pour les enfants mais qui a écrit de très belles chansons.

Tout à l’heure, tu parlais un peu de ton parcours, notamment tu es devenu manager, etc.

Ça m’a fait penser à un des thèmes que tu souhaitais évoquer, c’est celui de la méritocratie qui n’existerait pas.

Est-ce que tu peux m’expliquer ça ?

Florence : Oui, alors ça, c’est une fable qu’on nous raconte.

Typiquement, quand tu me demandais si j’avais recruté des femmes, moi, je n’avais pas mis de focus dessus parce que, comme le disent certains présidents ou milliardaires « on veut recruter sur la compétence et pas sur de la discrimination ».

Et ce qu’il y a, c’est qu’on ne part pas du tout du même endroit, en fait.

Et quand on n’a pas de problème de sous, quand on n’a pas de violence, quand on a la culture qui va avec. Moi, j’ai toujours, toute mon enfance, senti un décalage avec les autres.

Et je pense qu’entre personnes immigrées, on se comprend, mais tout est beaucoup plus dur.

Et aujourd’hui, quand je vois les chances que mes enfants ont, dans le sens la musique ils connaissent déjà, même le langage, la culture, ce n’est pas étonnant qu’ils soient très, très bons en classe.

Et je pense que ça, on a tendance à oublier d’où on vient. Sur le côté quand on recrute et qu’on mesure que la technicité à un moment donné, sans regarder les efforts qui ont été nécessaires pour arriver là, d’où on part, on met complètement de côté la marge de progression.

Et ça, je trouve que c’est vraiment dommage.

Et surtout, la méritocratie, là où elle me pose problème, c’est si elle sert d’alibi pour maltraiter des gens ou pour les dominer.

Ce qui est en train de se passer aujourd’hui, on considère qu’il y a des gens qui méritent entre guillemets de bien vivre et les autres, non.

Mais qu’est-ce que c’est mériter ?

Est-ce que c’est hériter d’un riche papa ou d’une riche maman ?

C’est une fable, je pense que c’est dur de se rendre compte qu’on est des privilégié·es.

On est tous et toutes des privilégiés d’une façon ou d’une autre.

Moi, j’ai fait des études, je suis très privilégiée par rapport à ça.

Et aussi, on va juger un peu facilement les gens qui ont d’autres codes.

Typiquement, dans le RER, il y a beaucoup de gens qui écoutent très très fort la musique.

Moi, je déteste ça, ça m’insupporte.

Mais je sais que c’est pas la même culture et que pour moi, c’est facile parce que j’ai de l’argent pour m’acheter un casque anti-bruit.

Et eux, peut-être que non et qu’ils ont d’autres problématiques.

Et si ça, ça les console sur d’autres choses, c’est OK. Vraiment, avoir conscience qu’on n’a pas le même point de départ.

Ça ne veut pas dire qu’on n’a pas le droit de leur dire ou quoi que ce soit, mais être un peu plus en soutien sur ça.

Fred : D’accord.

Est-ce que tu veux rajouter quelque chose ?

Non, je regarde parce que tu me vois faire la moue.

Fred : Comme on ne cache rien à nos éditrices et auditeurs, elle a devant elle, je crois que c’est même une carte mentale, on peut dire, sur laquelle il y a plein de petites notes, elle regarde.

Je ne sais pas si tu voulais poursuivre sur le sujet ou pas.

Florence : Je me demandais si je faisais une transition sur l’autre sujet.

Fred : Alors, si tu fais les transitions à ma place, c’est encore mieux.

Donc, je te laisse faire la transition sur un autre sujet que tu souhaites évoquer, qui est l’importance des services publics, c’est ça ?

Florence : Oui.

Donc, ça, c’est aussi par rapport à mon éducation.

Musk, qui aujourd’hui, Elon le cher, le grand, méprise tout le monde, était un immigrant clandestin à l’époque.

Jordan Bardella, aussi, des origines immigrées.

Pareil pour Hanouna d’ailleurs, ou Sarkozy, enfin bref, ou Darmanin.

Et donc, c’est toujours intéressant de voir comment est-ce qu’on se rappelle de son histoire.

Et du coup, quand on parle de méritocratie, on se rassure en disant que nous, on l’a mérité et que les autres ne le méritent pas. Et que du coup, si moi, j’y ai réussi, les autres peuvent le faire.

Mais ce n’est pas que ça.

Et une autre façon de le voir, c’est de se dire, mais en fait, si j’ai réussi, c’est parce que le système m’a aidé à y arriver.

Et moi, j’ai une reconnaissance assez forte envers l’école et les hôpitaux et les quelques profs.

Moi, je ne pouvais pas avoir tous les soins, ne serait-ce que médicaux, par exemple, facilement. C’était toujours un arbitrage financier.

Ou même sur les livres qu’on pouvait acheter à l’école, par exemple.

Et le fait d’avoir des bibliothèques publiques, ça, ça m’a permis d’avoir accès à des livres que j’aurais jamais pu avoir.

Et là, depuis quelques années, on arrive vraiment…

Enfin, je pense que ce n’est pas un scoop pour les auditeurs et les auditrices ici.

Mais à se dire, quand on coupe des revenus de l’État, donc ça va être l’ISF ou renoncer à des impositions sur les entreprises ou supprimer la taxe audiovisuelle. Ça c’était il y a quelques années.

Au moment où ça a été fait, on se disait, en tout cas, je me disais « mais ça va être de la merde dans quelques années ».

Déjà qu’on a un peu ric-rac sur les hôpitaux, même si on est capable de perdre de l’argent sur plein de plein d’autres choses.

« Comment on va faire ? »

Et ça, c’est vraiment un système qui est fait pour se dire, on coupe les rentrées d’argent, on se retrouve dans une situation où c’est la crise, on explose, on demande à la population de faire encore plus d’efforts, alors que pendant ce temps, les milliardaires se font encore plus d’argent.

Et en particulier sur l’école publique et privée.

Moi, si je n’avais pas été dans une école publique, même si ce n’était pas une école parfaite, clairement le fait de ne pas côtoyer des gens qui ont de la chance, entre guillemets, qui n’ont pas tous les jours peur de rentrer chez eux ou à se demander s’ils vont avoir un métier ou s’ils vont devenir clochards ou clochardes, c’est vraiment une privation et ça empêche de s’élever intellectuellement et socialement.

Et à force de donner des subventions aussi aux écoles privées, vraiment, ça clive encore plus.

Et moi, je le vois encore plus parce que j’ai des enfants dans les deux établissements qui font que c’est presque un test AB, tu vois. [Note de transcription : selon Wikipédia « Le test A/B (ou A/B testing) est une technique de marketing qui consiste à proposer plusieurs variantes d’un même objet qui diffèrent selon un seul critère (par exemple, la couleur d’un emballage) afin de déterminer la version qui donne les meilleurs résultats auprès des consommateurs »]

Je vois qu’est-ce que certains ont et qu’est-ce que certains n’ont pas du tout.

Et c’est juste dramatique parce qu’avant, j’avais mes deux enfants dans le public, mais je ne mesurais pas ce niveau d’écart.

Dans le sens où il n’y a même pas de chauffage dans une école.

Et dans l’autre école, vas-y, on invite des résistants. Ce qui est super, mais ce n’est pas du tout les mêmes moyens.

Et du coup, ça fait que les Blancs, même sur les photos de places, c’est que des gens qui sont ultra riches.

J’ai un enfant qui ne côtoie que des ultra riches, enfin ultra, très, très riches et d’autres qui ne côtoient que des gens qui ont des familles défavorisées.

Et ça fait que ces silos, en fait, ça va être la guerre au bout d’un moment.

Parce que d’un côté, on ne connaît pas les autres, que ce soit des gens qui sont dans des situations défavorables.

Et comment ne pas en vouloir à l’autre partie, en fait.

Donc, pour moi, ce côté faire des cadeaux fiscaux, c’est vraiment très, très dangereux.

Et je suis persuadée maintenant que le gouvernement veut juste faire en sorte qu’on privatise l’école.

Ça, c’est vraiment une conviction personnelle.

Fred : Le gouvernement actuel, tu veux dire ?

Florence : Oui, mais je trouve que ça a commencé il y a longtemps.

Fred : Il y a tous les gouvernements depuis, au moins, Emmanuel Macron.

Florence : Même avant.

Fred : Même avant, sans doute, oui.

J’ai quand même une question.

Est-ce que je peux me permettre de demander pourquoi un de tes enfants est dans le privé ?

Florence : Oui, parce que comme chaque parent, je pense que nous, on a vu tous nos voisins, voisines et entourages mettre leurs enfants dans le privé au fil des années, en fait.

Il y a des problèmes dans le public, c’est vrai.

Mais je considère que le savoir vivre ensemble, ce n’est pas moins important que le savoir faire des maths ou de la musique.

Et du coup, pourquoi je l’ai mis dans le privé ?

C’est parce qu’il y a un moment où, par rapport au niveau qu’il avait, on s’est dit qu’il aurait plus de chance, on a déménagé aussi, en fait, dans une école privée où il serait plus challengé. C’est vraiment une pure stratégie d’avenir professionnel.

Et je ne dis pas que je regrette aujourd’hui, mais il y a quand même de gros soucis.

Fred : Tu te questionnes quand même ?

Florence : Oui, franchement, je me questionne parce que je trouve que c’est des tours d’ivoire, en fait.

Et ce n’est pas du tout les mêmes problématiques.

Fred : Et il est en quoi là ?

Il est en collège ou lycée ?

Florence : Il est au lycée.

Ils sont déconnectés de la réalité, ne serait-ce que sur l’argent et sur l’existence d’autres gens, de gens moins favorisés qu’eux et elles.

Ils n’en ont pas du tout conscience, en fait.

Le racisme, c’est un sujet qui n’est pas du tout évident.

C’est limite plus normal d’être raciste dans du privé, parce que de toute façon, tout le monde va à l’école en fait.

Et ce n’est pas dans les écoles publiques qu’il y a le moins de mixité.

Donc, voilà.

C’est un choix, mais typiquement, le deuxième enfant, je crois, on verra, mais pour l’instant.

Fred : La deuxième, c’est la plus jeune, c’est ça ?

Florence : Oui, c’est ça.

Ce sera sûrement du public.

Fred : D’accord, du public.

OK.

Quelle heure il est là ?

23h15.

Bon, il nous reste encore quelques minutes avant les questions de fin.

J’avais te demandé, est-ce que…

Alors, je ne vais pas dire ton militantisme, parce que tu ne te reconnais pas comme militante.

Mais est-ce qu’en tout cas, ça a eu un impact sur tes proches ou tes collègues, etc.?

Parce que quand on commence à avoir des convictions et qu’on les défend, que ce soit le végétarisme, la lutte contre le sexisme…

Ah, mais si, il y a un sujet qu’on abordera rapidement, c’est La place des grenouilles, quand même, que tu expliques ce que c’est.

Florence : Ah oui, exact. Absolument.

Fred : Mais voilà, quand tu as des engagements sur des choses comme ça, qui peuvent être très clivantes, des fois, on peut se retrouver avec…

Soit à table avec le tonton machin raciste, etc., ou en tout cas, un peu rétrograde et tout.

Donc, quel impact ça a ?

Et une seconde question qui est un peu proche, est-ce que tu es toujours en mode « je défends mes idées » ou des fois tu dis « non, je préfère laisser pisser » ?.

Florence : Ça dépend.

Globalement, moi, je ne suis pas très vindicative, en vrai, dans le privé, parce que quand on se voit, on se voit, donc c’est pour… c’est chill.

Voilà, c’est pour manger, parler des sujets qui ne fâchent pas.

Je ne cherche pas, je ne prends pas plaisir à essayer de convaincre des gens, en fait.

Donc, ça, c’est quand même assez rare.

Par contre, quand j’entends des choses qui me cringent, ça peut arriver.

Je pense, j’aurai du mal à dire mon attitude type, mais ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a pas d’évidence.

Je ne vais pas systématiquement répondre.

Si je réponds, je vais forcément prendre du temps.

Ça ne m’arrive jamais de répondre du tac au tac sur des situations comme ça, parce que pour moi, l’harmonie, l’entente sociale est importante et ça va aussi impliquer d’autres personnes que moi, typiquement ma famille ou mes autres proches.

Je sais aussi que chacun et chacune part d’où on est, en fait.

Encore une fois, la société ne facilite pas ces prises de conscience.

La vie est trop courte.

Quand je vois des gens, on a un déjeuner de deux heures, je ne vais pas passer une heure à dérouler le dernier livre que j’ai lu, etc.

Mais par contre, quand je trouve que mes proches sont entre guillemets en danger ou pénalisés, là, je vais peut-être probablement dire des choses, mais pas trop non plus, parce que je sais que ça pousse encore plus les gens à subir et elles vont se mettre à défendre. Je ne veux pas les mettre en porte-à-faux ou quoi que ce soit, mais ça peut être dans ces situations-là où je vais entre guillemets me permettre de dire quelque chose.

Ça, ça peut arriver.

Après, sur les blagues de tonton, tata, ça me saoule un peu. Je vais sûrement grommeler des choses auprès d’autres personnes qui me comprennent.

Je vais aller voir d’autres personnes, mais je ne vais pas faire de scandale.

Je ne sais pas toi comment tu fais.

Fred : C’est un peu comme toi, ça dépend des contextes.

Avec des gens dont je sais qu’ils peuvent comprendre les remarques et même si ça prend du temps, je le fais.

Et puis, il y a des moments où en famille, on n’a pas envie. Ou des fois, on n’a pas envie de savoir. On n’a pas envie de savoir pour qui votent certains membres de la famille.

Donc, on préfère ignorer des fois ou en tout cas laisser un doute.

Florence : Il y a des lignes rouges, je pense.

Mais c’est vrai que de toute façon, si je côtoyais que des gens qui étaient exactement comme moi, déjà, ce serait triste, mais surtout, je n’aurai pas d’entourage.

Donc, c’est normal de ne pas être d’accord sur plein de points.

Après, il y a un curseur, on va dire.

Fred : Oui, exactement.

Rapidement, tu as confondé récemment une association qui s’appelle La place des grenouilles.

Qu’est-ce que fait cette association ?

Florence : C’est une association qu’on a créée avec Sara Dufour.

L’idée, c’était de proposer un espace où on puisse justement apprendre des choses sur tout ce qui est discrimination de genre, aussi s’outiller, se soutenir entre personnes qui peuvent être pénalisées par ces préjugés-là.

C’est quand même plus pour les femmes et les personnes non-binaires, mais c’est aussi pour les hommes.

Selon les événements, ça ne va pas être la même cible.

La raison pour laquelle j’avais créé ça, c’est qu’en dehors de structures associatives, j’avais aussi des initiatives ici et là où il n’y avait pas de structure pour le coup.

J’animais par exemple des book clubs, des clubs de lecture ou des ateliers pour les femmes en entreprise, comment est-ce qu’elles peuvent prendre confiance ou améliorer leur carrière, ce genre de choses.

J’avais plein de livres aussi.

J’achetais plein de livres, j’achète toujours plein de livres, même si c’est un peu moins.

Et je me disais que c’est dommage de ne pas pouvoir les faire circuler.

Il y avait aussi des expériences que j’avais envie de faire, des cercles de paroles, des théâtres forum.

Et le fait d’avoir une structure ça aide quand même à organiser tout ça, à avoir un public, à fidéliser.

Là, l’association a quasiment 4 ans.

On a lancé un podcast.

Fred : C’est un très bon podcast.

Florence : Merci Frédéric.

Florence : Je suis un fan de podcast et je suis un fan aussi de ce que fait Florence.

Un podcast où il y a une partie sur les métiers. Si sur Chemins de traverse vous avez écouté Raphaël Merlin, chef d’orchestre, je vous encourage à écouter le podcast avec Ana Meunier, qui est cheffe d’orchestre, donc femme.

Et un podcast d’expertise, c’est ça ?

Florence : Il y a expertise et revue culturelle.

Fred : Il s’appelle comment le podcast ? La place des grenouilles ?

Florence : Oui, c’est le même podcast avec des thématiques différentes selon les épisodes.

C’est aussi un média.

Ça, j’aurais pu le faire sans association, mais déjà de le faire à plusieurs, c’est plus sympa.

Du coup, on prend beaucoup de plaisir et ça nous donne plein plein de force.

L’un des derniers ateliers qu’on a fait, c’était un arpentage autour du livre « Résister » de Salomé Saqué.

C’est un peu dans la thématique.

Je vous le recommande très très chaudement.

Le principe de l’arpentage, c’est de partager un livre ensemble et de procéder à une lecture collective.

Fred : D’accord, super.

On va faire les questions finales.

Si tu as quelque chose à rajouter après, n’hésite pas.

D’abord, j’ai une nouvelle question finale.

En tout cas, tout à l’heure, je t’ai demandé comment tu étais quand tu étais petite, 10-15 ans.

Là, la question, c’est si tu avais la possibilité de parler à cette petite fille ou jeune femme de 10-15 ans ou même 18 ans, qu’est-ce que tu lui dirais ?

Est-ce que tu aurais des conseils à lui donner ?

Florence : Yes.

J’ai plein de conseils à lui donner.

En plus, j’ai des enfants, donc je m’entraîne sur eux et elles (rires). Déjà, c’est que leur voix compte.

Et aussi, j’aurais aimé être moins sexiste.

Du coup, leur dire que ce soit des garçons ou des filles, de leur dire qu’une femme et une fille, ce n’est pas moins important qu’un homme, qu’il et elle sont légitimes.

Du coup là, je parle de moi.

Et aussi, qu’il n’y a pas de justice ni d’égalité.

Parce que je pense que toujours, cet amour du statut quo, je pense que ça m’a beaucoup aidé dans mon passé.

Mais ça m’a aussi desservie, parce que ça m’a empêchée de remettre en question des situations qui étaient problématiques.

Ça fait que des fois, je ne suis pas intervenue.

Ça veut dire que des fois, j’ai subi des choses qui n’étaient pas OK.

Donc, au moins, c’est trois choses.

Ta voix compte.

Il n’y a pas de justice ni d’égalité.

Et d’être moins sexiste.

Fred : D’accord.

Florence : C’est OK de ne pas être d’accord.

Fred : Et question finale traditionnelle dans l’émission.

Est-ce que tu as envie de partager quelque chose qui t’a émerveillée et fait du bien dernièrement ?

Florence : Oui.

Alors du coup, il y a deux choses très récentes qui m’ont émerveillée.

C’était en vacances.

Là, on était à la mer de glace.

Du coup, on a visité le plus grand glacier de France, il me semble.

Et déjà, les glaciers sont quand même un peu en danger, un peu beaucoup.

Et même quand on va à la montagne, on voit la neige normale, on va dire, vraiment perdre de l’espace.

Franchement, c’était juste super beau (rires).

Moi, j’étais collée à la vitre.

Mes parents, mes enfants me demandaient ce que je faisais, mon mari aussi.

J’étais collée en train de regarder chaque épaisseur, qu’est-ce qui était coincé dedans.

J’étais avec mon téléphone pour mettre la lumière.

C’était vraiment magnifique et très dépaysant.

Et l’autre chose, c’est ma petite nièce, mes petites nièces avec qui j’ai joué dernièrement.

Elles ont un regard magnifique, les enfants.

Je trouve qu’on perd un peu les liens en ce moment où les gens se regardent moins.

On est plus sur nos pensées, nos propres problèmes.

Et d’avoir de temps en temps des enfants dans son entourage qui vous regardent droit dans les yeux pour dire « accompagne-moi à tel jeu et rampe », c’est vraiment quelque chose de très ressourçant, de mobiliser son corps et de rentrer en connexion visuellement.

C’est de la pureté du regard.

Maintenant, on se dit bonjour sans vraiment trop regarder.

Et ça, je trouve que c’est un peu dommage.

Fred : D’accord.

Ecoute, super.

Est-ce que tu avais quelque chose que tu voulais éventuellement ajouter ?

Un dernier sujet en une ou deux minutes ou un message à faire passer ou peut-être que j’ai encore une question ?

Je ne sais pas.

Florence : Je vais parler des micro-actions.

Là, je l’ai un peu dit tout le long.

Mais en gros, comme je t’ai dit, je ne me trouve pas militante, mais je me rends compte dans mon parcours que par les échos et les retours que j’ai, ou même quand je regarde derrière moi, que j’ai fait plein de choses et je n’ai pas le sentiment de faire plein de choses.

Mais des années ou des semaines après, je me rends compte de l’impact que ça a.

Et moi, je suis quelqu’un de très banal en fait.

C’est une bonne nouvelle pour chacun et chacune d’entre nous, surtout par les temps qui courent, le fait de prendre parti, de juste parler, d’exister dans l’espace public.

Si on n’ose pas même de soutenir à postériori quelqu’un en disant « là, je trouve que ce qui t’est arrivé, ce n’était pas ok » ou « je suis d’accord avec toi » ou « c’est cool ce que tu as fait », ça a énormément de valeur.

Et ça, il ne faut pas l’oublier en fait.

Justement, le lien qu’on peut avoir, et du pouvoir qu’on a chaque jour pour renverser petit à petit un monde qui ne nous convient pas.

Fred : C’est super, merci à toi en tout cas.

Florence : Merci Frédéric.

Merci Julie.

Fred : Un grand merci à Florence Chabanois.

Sur la page consacrée à l’émission sur le site causecommune.fm, émission Chemins de traverse vous retrouverez les liens vers notamment les Duchess France et puis La place des grenouilles, dans laquelle vous trouverez les actions et le podcast.

Et merci à vous auditrices et auditeurs d’avoir pris la place autour de la belle table en bois du studio pour écouter l’émission.

N’hésitez pas à réagir, donner votre avis, poser des questions, faire des suggestions.

La formulaire de contact est disponible sur la page de l’émission sur le site causecommune.fm.

Nous espérons que cette émission vous a touché, inspiré, convaincu.

Si c’est le cas, partagez-la avec au moins une personne.

Dans Chemins de traverse, nous recevrons des personnes qui améliorent le monde ou qui essayent en tout cas.

L’émission du jour est dédiée à Jean-Pierre Archambault, qui est décédé il y a quelques jours.

Jean-Pierre a joué un rôle fondamental dans le développement des logiciels et des ressources libres dans l’éducation nationale.

J’ai eu le grand plaisir de le côtoyer pendant une vingtaine d’années avec plein de bons moments passés, que ce soit dans des ministères, des événements libristes, autour d’un verre ou encore dans des manifestations.

Mes condoléances à sa famille et à ses proches.

L’émission va bientôt se terminer.

Vous pouvez vous abonner au podcast à la lettre d’actu de l’émission.

Chemins de traverse est en direct tous les mercredis à 22h.

Vous êtes toujours sur causecommune, 93.1 FM et en DAB+ en Ile-de-France, partout dans le monde sur causecommune.fm.

Cause Commune ouvre ses portes chaque premier vendredi du mois à partir de 19h30 pour une soirée radio ouverte. Venez découvrir le studio, nous rencontrer. La prochaine soirée aura lieu vendredi 7 mars 2025. L’adresse du studio 22 rue Bernard-Dimey à Paris.

Et lors de cette soirée, il y a une émission spéciale consacrée aux coulisses de la radio. Donc n’hésitez pas à participer.

Vous pourrez éventuellement intervenir pendant l’émission si vous voulez faire des commentaires, poser des questions ou simplement raconter quelque chose qui vous intéresse.

Donc on compte sur vous, je rappelle, 7 mars 2025.

Alors ce mercredi, juste après Chemins de traverse à 23h30, il y aura une émission inédite de Minuit Décousu.

Le thème est « Rage contre la machine ». En détail, le fonctionnement de l’IA, la surveillance algorithmique, le travail derrière l’IA, une technologie extractiviste, la gestion des populations pauvres, les usages militaires. Ce soir, pendant une heure, on en découd avec l’intelligence artificielle.

Le prochain rendez-vous dans Chemins de traverses, c’est mercredi 5 mars 2025.

Alors ce sera une émission exceptionnelle.

Notre invité, que d’ailleurs Florence connaît, est Emmanuelle Aboaf.

Emmanuelle est développeuse web, conférencière et sourde de naissance.

Donc vous entendrez la voix d’Emmanuelle et si vous ne pouvez pas entendre l’émission, l’émission, sachez qu’elle sera retranscrite en direct.

Donc vous irez sur causecommune.fm, mercredi 5 mars 2025 de 22h à 23h30. Il y aura un lien qui vous donnera la transcription de l’émission.

Donc on se donne rendez-vous la semaine prochaine.

Salut et solidarité.

Librement,

Fred.



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