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#99 – La Chine aujourd’hui : puissance et failles

proposée par Isabel Kortian

Diffusée le 9 février 2022


#99 – La Chine aujourd’hui : puissance et failles
Le monde en questions

 
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En plateau (virtuel)

Valérie Niquet, spécialiste des relations internationales et des questions stratégiques en Asie, chercheuse à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS) depuis 2010, publie La Chine en 100 questions, aux éditions Tallandier.

Contexte

La Chine fascine, ce n’est pas nouveau, mais elle inquiète aussi, et c’est un phénomène plus récent. Hier comme aujourd’hui, elle reste largement méconnue, souligne Valérie Niquet. Ce qui nuit à la juste évaluation de sa puissance, dans tous les domaines, de l’économique au stratégique, mais encore à la perception de ses failles. L’analyse s’en trouve parfois biaisée. Pour diverses raisons et à diverses fins, la menace est plus souvent exagérée que minimisée, même si cela ne signifie pas que la Chine n’est pas une menace ou qu’elle n’est pas perçue comme telle dans son environnement proche et plus lointain. Qu’en est-il de la stratégie de puissance de la Chine aujourd’hui et cette dernière a-t-elle les moyens de son ambition ?

Le Parti communiste chinois a célébré en 2021 son centenaire et il tiendra son XXème Congrès à l’automne 2022. Pour l’heure, le Président chinois Xi Jinping, après vingt-trois mois d’isolement dû à la pandémie, a profité de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques d’hiver, boycottée par Washington, pour rencontrer les principaux dirigeants présents, dont Vladimir Poutine, Président de la Fédération de Russie. Les deux hommes d’État visent-ils vraiment ensemble le leadership d’un « monde post-occidental » ? La Russie et la Chine, deux puissances nucléaires, partageant l’objectif de repousser loin de leurs frontières respectives la présence ou l’influence américaine. Mais, observe Valérie Niquet, pour la Chine, la relation bilatérale avec les États-Unis domine toutes les autres, structurant ainsi sa vision du monde. La Chine souhaiterait qu’ils lui reconnaissent un statut de superpuissance, qui en ferait en quelque sorte l’égal des États-Unis, reléguant le reste du monde, à commencer par les partenaires régionaux des États-Unis, au second plan. Si la stratégie américaine faisant de l’Asie un pivot déplaît à Pékin (qui lui préfère de beaucoup l’attitude isolationniste des États-Unis), c’est que la puissance américaine est perçue comme la seule capable d’empêcher la Chine d’exercer une hégémonie régionale.

Du côté américain, l’élection de Joe Biden n’a pas modifié la perception de la Chine comme une menace. D’où le soutien américain au Japon, sur la question des îles Senkaku, ou aux Philippines, sur la question de la mer de Chine. La mise au pas de Hong Kong par la Chine, mettant brutalement fin au statut « un pays, deux régimes », inquiète Taïwan, indépendante de facto depuis 1949, avec une incontestable évolution démocratique depuis les années 1980. Que signifient les mesures d’intimidation chinoises vis-à-vis de l’île de Taïwan qui, prudente, se garde de proclamer son indépendance ?

Quelles sont aujourd’hui les capacités militaires de la Chine, laquelle, afin de combler son retard technologique, a considérablement modernisé son armée, renforcé sa force de frappe, s’est dotée d’une force navale qu’elle n’avait pas jusqu’alors ? Si l’armée chinoise est bien la deuxième au monde, Valérie Niquet rappelle que cette armée n’a livré aucun combat depuis 1979, lors du conflit qui l’a opposée au Vietnam et dont l’issue ne fut pas des plus glorieuses pour la Chine. En conséquence, et à ce jour, les Etats-Unis demeurent les garants de la sécurité pour ses alliés au Japon et en Asie. La capacité nucléaire et balistique de la Chine lui permet certes de mettre en œuvre une stratégie de dissuasion et d’intimidation efficace, mais contreproductive à certains égards, et ne remettant pas en cause la supériorité des Etats-Unis dans ce domaine aussi.

Sur le plan intérieur, quels sont les obstacles et les difficultés auxquels le régime est confronté ? A l’occasion du Nouvel An chinois, le autorités chinoises ont autorisé cette année la circulation et le déplacement de ses ressortissants désireux de rejoindre leurs familles pour les fêtes. La forte croissance économique dont a bénéficié jusqu’à maintenant le pays, a contribué à garantir la stabilité sociale. Mais, qu’adviendra-t-il en cas de stagnation ou recul dans les prochaines années ? La méritocratie, la politique égalitaire et soucieuse du développement durable, objectifs proclamés du régime, sont dans les faits contrariés par la corruption, les réseaux et les clans. Il devient de plus en plus difficile de maintenir un fort taux de croissance et de préserver l’environnement à la fois. Or les questions environnementales constituent également un potentiel facteur de déstabilisation et de contestation qui mobilise localement les gens. Par ailleurs, la faiblesse du système légal décourage l’initiative, l’esprit d’entreprise et nuit à terme à l’innovation.

La pandémie, partie de Chine (et de la ville de Wuhan), a révélé les forces et les faiblesses du régime, au-delà de la propagande. Le maintien du passeport intérieur imposé en 1958, pendant le Grand Bond, instauré pour empêcher l’exode rural, a instauré une grande inégalité entre population rurale et citadine. Les migrants intérieurs, ayant quitté les zones rurales, ne bénéficient pas en ville, de la protection sociale ou d’un accès aux écoles pour leurs enfants. Officiellement, en vertu de leur passeport intérieur, ils sont toujours des « ruraux ». Le régime craint de perdre le contrôle de la population, en cas d’abrogation de ce document. Toute réforme du système est en effet perçue comme une mise en danger possible du régime, lequel est fortement traumatisé par l’épisode Gorbatchev et il fait de sa survie une priorité. La répression religieuse, culturelle, politique, sociétale n’a cessé de se renforcer depuis la consécration de Xi Jinping comme leader suprême.

La thématique nationaliste de plus en plus présente depuis Tienanmen, le processus de légitimation permanente dans lequel est engagé le régime voulant en finir avec le siècle d’humiliations qu’a connu la Chine avant la Révolution, et cherchant à convaincre de sa supériorité, peuvent-ils amener la Chine à succomber à la tentation aventuriste, en cas d’aggravation de difficultés économiques ou autres ?

À l’oreille

Pour aller plus loin

  • Valérie Niquet, La Chine en 100 questions. La puissance et les failles, éditions Tallandier,

2017 et 2021

  • Valérie Niquet, Le Japon en 100 questions. Un modèle en déclin ?, éditions Tallandier, 2020
  • Valérie Niquet, Chine/Japon. L’affrontement, Perrin, 2006


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