#94 – Quand le bio sent bon l’arnaque
proposée par Isabelle Kortian
Diffusée le 5 janvier 2022
En plateau (virtuel)
François Grudet, agriculteur, inventeur de la culture en rond et en spirale, homme d’affaires ayant fait reculer le désert en Lybie sous Khadafi, puis dans de nombreux pays du Moyen Orient, endosse aujourd’hui le rôle de lanceur d’alerte en publiant Pour en finir avec l’utopie du bio, aux éditions Mareuil.
Contexte
François Grudet est agriculteur, fils d’agriculteur, dont la famille est implantée dans la Beauce depuis toujours pour ainsi dire. Mais il est avant toute chose un amoureux de la terre. Sa conviction profonde pourrait bien se résumer dans cette maxime de Leonard de Vinci, placée en exergue de son livre : « Va prendre tes leçons dans la nature, c’est là qu’est notre futur ». Quant à sa devise, il l’emprunte au philosophe anglais Francis Bacon : « On ne commande à la nature qu’en lui obéissant ! ». Concrètement, qu’est-ce que cela signifie ? Tout d’abord, être à l’écoute des besoins de la plante cultivée, à chaque moment de sa croissance. Mais, les besoins d’une plante variant en fonction du terrain, il faut donc aussi connaître la nature du sol dans lequel elle est cultivée, grâce à des prélèvements effectués et analysés en laboratoire. C’est seulement en fonction des résultats de ces analyses qu’il est possible d’établir avec une précision extrême les besoins de la plante et surveiller sa croissance en ne lui prodiguant que ce dont elle a besoin et au bon moment. François Grudet appelle cela le « biberonnage ».
Passionné par son métier, il est aussi un inventeur. Il irrigue la terre en rond, technique américaine, mais il défriche également en rond. Contrairement à l’agriculture conventionnelle, américaine ou européenne, cette pratique de la culture en rond laisse entre les cercles des « as de carreaux », utilisables à d’autres fins (élevage ou cultures maraîchères), mais François Grudet ne laboure que les parcelles circulaires situées sous le bras de l’arroseur à pivot. Drainage circulaire, culture en rond et en spirale, donnent des résultats spectaculaires pour un coût très bas à l’hectare. C’est ainsi qu’il a par exemple accepté de verdir le désert libyen, en faisant pousser blé et luzerne sur du sable, seulement après analyse précise du sol et du sous-sol, lequel renfermait de l’eau en quantité, rendant le projet réalisable.
Pourquoi François Grudet qui a expérimenté depuis plus de 50 ans une agriculture privilégiant le long terme, se fait-il aujourd’hui lanceur d’alerte en dénonçant les dérives actuelles du bio ? Car enfin, n’était-ce pas pour notre plus grand bien, notre santé, que nous nous sommes lancés dans la révolution du bio ? N’est-ce pas pour sortir de l’agro-industrie et du système agro-alimentaire bourré de pesticides chimiques de synthèse ou pas, d’additifs, de sel ou de sucre non nécessaires que nous nous sommes convertis au bio ? N’est-ce pas pour lutter contre les cancers ou l’obésité que nous nous sommes engagés dans la révolution du bio ? En s’appuyant sur des sources officielles (Objectif du plan bio 2022, liste des produits de synthèse autorisés) et des tableaux comparatifs concernant l’impact économique de la filière, François Grudet nous éclaire sur les arcanes de ce bio désormais de masse : un bio au cahier de charges allégé et dont les méthodes de production sont très éloignées des promesses vendues aux consommateurs. Force est en effet de constater qu’il est en vérité très facile de contourner « si nécessaire » les textes officiels européens. Contrairement aux idées reçues, les producteurs de bio n’ont en réalité pas d’obligation de résultats, mais seulement de moyens. Les déclarations de bonne foi suffisent souvent à remplacer les contrôles scientifiques attendus. Des produits industriels sont homologués « bio » par centaines, alors qu’ils peuvent se révéler fort néfastes pour l’environnement et la santé, tout autant que leurs équivalents non bio. Bienvenue dans le monde du bio light, du faux bio, de la supercherie où les lois vertueuses votées en fanfare sont assorties de centaines de dérogations permettant le contournement des normes, où les labels « bio » sont étonnement généreux envers la chimie, voire la pétrochimie ! Bienvenue au royaume de l’agriculture bio où la simple bonne foi et l’absence de contrôle font souvent loi. Il y a là un parfum de scandale ! un biogate !
François Grudet propose une alternative : l’agriculture raisonnée et scientifique, qui s’appuyant sur une analyse fine des besoins de la terre et des cultures, produit des aliments sans aucune toxicité pour un coût inférieur à celui du bio. Argument non négligeable ! Sans oublier que le fait de convertir 100% de la surface cultivable de la France au bio ne pourrait nourrir qu’un tiers de la population, renforçant le renchérissement des prix, la dépendance des ménages vis-à-vis des cours du marché mondial et de la fluctuation des prix des produits agricoles, et augmentant d’autant à l’échelle du globe l’insécurité alimentaire, les risques de pénuries et les famines.
À l’oreille
- Louis Armstrong – What a Wonderful World
- Sydney Bechet – Petite Fleur
- Django Reinhardt – Nuages
Pour aller plus loin
François Grudet, Pour en finir avec l’utopie du bio, éditions Mareuil, 2021
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