À l'antenne
Titre
Artiste

#85 – Dernière oasis

proposée par Isabelle Kortian

Diffusée le 27 octobre 2021


#85 – Dernière oasis
Le monde en questions

 
Play/Pause Episode
00:00 / 54:51
Rewind 30 Seconds
1X

En plateau

Charif Majdalani, écrivain libanais, chef du département des Lettres françaises de la faculté des lettres et sciences humaines de l’Université Saint-Joseph à Beyrouth, publie Dernière oasis aux éditions Actes Sud.

Contexte

Dernière oasis est le huitième roman du Libanais Charif Majdalani. Un roman qui a bien failli ne jamais voir le jour. Si sa rédaction fut entreprise avant la plongée du Liban dans l’actuelle crise politique, économique et sociale, l’ampleur de cette crise dans un pays qui n’en manqua pas tout au long de son existence centenaire, ébranla la plume de l’écrivain pourtant confirmé. Comment produire de la fiction romanesque quand son pays s’effondre, se noie, dans l’indifférence des nations et l’incompétence, doublée de cynisme, de ses dirigeants politiques, aussi immuables que corrompus ? Face à un tel collapse, face à la détresse réelle des gens, comment écrire et publier quelque chose comme : « La marquise sortit à cinq heures » ?

Charif Majdalani se mit ainsi début juillet 2020 à l’écriture d’un carnet de bord, Beyrouth 2020. Journal d’un effondrement, publié à l’automne de la même année, aux éditions Actes Sud. Un journal qui fut à son tour contrarié, brutalement interrompu, un mois plus tard, par l’explosion du port de Beyrouth, le 4 août 2020 : il porte en conséquence, dans sa chair pour ainsi dire, la césure indélébile entre un avant et un après l’explosion. Que faire quand l’histoire, la brutalité des événements et la violence s’invitent dans la vie d’un écrivain et ses projets d’écriture ? Se complaire dans des dilemmes sans fin ? Partir ou rester au Liban ? Écrire ou ne pas écrire ? Abandonner la fiction romanesque pour un autre type d’écriture, celle du journal, genre littéraire à part entière, choix assumé d’un texte qui reste, malgré tout, destiné à être lu ? Sans abandonner pour autant la rédaction de son journal, dont la suite fera peut-être l’objet d’une nouvelle publication, le romancier trancha en faveur de la fiction romanesque et décida de publier le manuscrit de Dernière oasis.

Dans ce roman écrit à la première personne, le narrateur est un marchand d’art, spécialiste de l’Antiquité orientale, qui accepte la douteuse invitation, sonnant comme un défi, de venir expertiser les morceaux d’une frise assyrienne et de têtes sculptées provenant vraisemblablement de l’antique Khorsabad. Trésor de guerre ? Pillage ? Toujours est-il que pour accomplir sa mission, le narrateur se rend dans le nord de l’Irak, à la veille de la prise de la plaine de Ninive et de la chute de Mossoul entre les mains de Daesh, à l’été 2014. Dans un décor surréel, suranné, il attend la venue d’un certain général qui devrait lui en dire davantage. Cette attente devient matière à réflexion. Et clin d’œil au Désert des Tartares de Dino Buzzati. Si le temps semble avoir suspendu son vol, l’imagination s’empare des esprits pour échafauder toutes sortes de théories sur le rôle et la fonction des hommes dans l’histoire. L’histoire se répète-t-elle ? Tout est-il écrit d’avance ? Que peuvent les humains sur le cours des choses ? Y a-t-il de bonnes ou de mauvaises décisions ? L’analyse rétrospective d’un événement est-elle en mesure de nous livrer une vérité, d’indiquer par exemple, dans l’advenue de ce dernier, ce qui relève respectivement du pouvoir d’action d’un individu et du hasard, de l’aléa, de la pure contingence ? De quoi sommes-nous vraiment responsables ? De notre bonne ou mauvaise lecture (interprétation) des événements ? Que signifie notre volonté ou notre désir de rendre intelligible le théâtre du monde, envers et contre tout ? Autant de questions qu’il n’est plus temps de se poser quand l’histoire s’accélère et que le narrateur bascule dans l’horreur, le rocambolesque et les intrigues d’un polar sur la scène du Moyen Orient. Faut-il rechercher du sens à tout prix ? Question tragique et/ou tragi-comique ? Pourquoi la littérature en disant le monde, met-elle fin au chaos ? Serait-elle notre dernière oasis ?

À l’oreille

Pour aller plus loin>

  • Charif Majdalani, Dernière oasis, Actes Sud, 2021
  • Charif Majdalani, Beyrouth 2020. Journal d’un effondrement, Actes Sud, 2020
  • Charif Majdalani, Des vies possibles, Le Seuil, 2019
  • Charif Majdalani, Villa des femmes, Le Seuil, 2015
  • Charif Majdalani, Histoire de la grande maison, Le Seuil, 2005

ET :



Sauf mention contraire et autres licences applicables cette œuvre sonore de Cause Commune est mise à disposition selon les termes de la

Licence Creative Commons Attribution - Partage dans les Mêmes Conditions 4.0 International.