#64 – Little Louis in New Orleans
proposée par Isabelle Kortian
Diffusée le 12 avril 2021
En plateau :
Claire Julliard, journaliste littéraire et écrivain, auteure d’une biographie de Boris Vian et de romans pour la jeunesse, publie Little Louis aux éditions Le mot et le reste, un roman à la première personne, sur l’enfance à la Nouvelle Orléans de Louis Armstrong (1901-1971).
Contexte :
Louis Armstrong dont on commémore cette année le centième anniversaire de sa naissance, est né et a grandi à la Nouvelle-Orléans. Élevé jusqu’à l’âge de 5 ans par sa grand-mère Joséphine, une ancienne esclave, il l’appelle Maman. Sa mère, qu’il appelle Mayann, reprend alors l’enfant, car elle ne parvient pas à élever seule sa sœur plus jeune que lui, et subvenir aux besoins du foyer. Séparation douloureuse pour cet enfant cabossé par la vie, qui fait connaissance en une même journée de sa mère et de sa sœur, Mama Lucy, ainsi que de la ségrégation raciale, lorsqu’en prenant le tramway en larmes pour se rendre chez sa mère, il tente de s’asseoir à l’avant près du conducteur, dans la partie réservée aux Blancs.
Claire Julliard a puisé la matière principale de son roman dans les propres souvenirs de Louis Armstrong consignés dans Ma vie à la Nouvelle-Orléans. A 5 ans, voilà donc Little Louis devenu chef de famille, prenant soin de sa petite sœur, faisant les courses et multipliant les petits boulots, pieds nus, pour nourrir la famille qui connaît la faim. Le jour, il est charbonnier, livreur de journaux, laitier, balayeur de tombes. Le soir, il a son couvert chez les Karnofsky qui le prennent sous leur protection. Il les considérera jusqu’à la fin de sa vie comme « sa » famille juive. Ils l’aideront à acquérir son premier instrument de musique. A la tombée de la nuit, il est musicien des rues et chante, avec quelques copains, afin de récolter quelques pièces. Un soir de Nouvel An, le 31 décembre 1912, il tire en l’air avec un pistolet pour faire la fête, et se fait arrêter par la police. Il est envoyé dans une institution pénitentiaire pour enfants noirs abandonnés. Il y reste un certain temps, aucun Blanc n’ayant payé la caution pour qu’il en sorte au plus vite. Mais, il y apprend à jouer du cornet à piston, il intègre la fanfare de l’établissement, dirigée par Peter Davis qui a repéré son immense talent et dont il restera proche tout au long de sa vie. A sa sortie du Refuge, il retourne pelleter du charbon, le vendre à la criée en chantant ou jouant du cornet pour attirer le client. Devenu le père adoptif de Clarence, sur décision du conseil de famille, il veille en outre sur l’enfant de sa cousine décédée, et le fera jusqu’à la fin de ses jours. Le soir, il joue dans les bars, les bouges du quartier chaud de Storyville, fréquentés par les prostituées et les voyous, dans les « honky tonks » où s’invente le jazz à la Nouvelle-Orléans, sur fond de gospels, de blues et de musique de fanfare.
Son amour pour sa ville natale, l’enfant de la rue devenu un génie de la trompette le chantera haut et fort et n’hésitera jamais à dire ce que tous les musiciens du monde doivent à cette ville, qu’il quitte pour la première fois, à l’âge de 18 ans, quand Fate Marable le recrute dans son orchestre de jazz sur le Dixie Belle, un de ces « steamers » touristiques (ou bateaux à vapeur) qui remontent le Mississipi. C’est là qu’il troque son cornet à piston contre la trompette, un instrument qui n’était joué que dans les orchestres de luxe. A 20 ans, il quittera définitivement la Nouvelle-Orléans, pour Chicago d’abord, à l’appel de Joe King Oliver, et pour entamer ensuite une grande carrière internationale. Originaire comme lui de la Nouvelle-Orleans, King Oliver incarne la troisième bonne étoile de Little Louis qui l’admire depuis son plus jeune âge et dont il observait et mémorisait les gestes des doigts des mains et le souffle pour apprendre à jouer d’un instrument qu’il rêvait d’acquérir un jour. Avec sa musique, son cornet à piston, sa trompette, sa voix, sa foi en l’humanité, son énergie et sa joie de vivre, il cherchera à vaincre les barrières de la ségrégation, le racisme, l’exploitation de l’homme par l’homme.
À l’oreille :
- Louis Armstrong – When The Saints Go Marching In
- Louis Armstrong – St. James Infirmary
- Louis Armstrong – Coal cart blues
- Louis Armstrong – Shadrack
- Louis Armstrong – St. Louis Blues
- Louis Armstrong – Do You Know What It Means to Miss New Orleans
Pour aller plus loin :
- Claire Julliard, Little Louis, roman, éditions Le mot et le reste, 2020.
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