À l'antenne
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#54 – Kaliméra – Séjours et songes en terre grecque

proposée par Isabelle Kortian

Diffusée le 25 janvier 2021


#54 – Kaliméra – Séjours et songes en terre grecque
Le monde en questions

 
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En plateau :

Nicole Dubois-Tartacap a la passion de la Grèce chevillée au corps. Un pays qu’elle sillonne depuis son enfance – premiers séjours initiatiques avec son père Raymond Dubois – et n’a cessé de visiter depuis des décennies, seule et en famille plus tard. Kaliméra (Transboréal, 2019) est le récit tiré de l’expérience de ses voyages en Grèce, de ses lectures, de ses rencontres et de ses émotions. Un livre qui dit en pointillé la relation amoureuse qu’elle entretient avec cette terre et ses habitants, devenue au fil du temps son Ithaque, sa demeure.

Contexte

Sans l’arrogance propre aux touristes, sans l’indifférence des étrangers qui ne sont que de passage, hors sentiers battus, lieux communs et clichés, Nicole Dubois-Tartacap nous fait voyager en Grèce, avec Athènes, comme première étape. Pourquoi ? Parce que c’est une ville qui ne se livre pas d’emblée, qu’il faut apprivoiser, arpenter, en prenant son temps, et s’y perdant. Athènes demande un effort pour appréhender son désordre au parfum d’Orient, son architecture variée ancienne et moderne, son urbanisme souvent improvisé, résultant de l’urgence d’accueillir à différentes époques ceux et celles qui venaient y vivre et s’y réfugier : exode rural, crise économique, réfugiés grecs d’Asie mineure, à la suite des échanges de populations stipulés par le traité de Lausanne (1923).

Athènes décille.

Quand on finit par s’y retrouver, on est prêt à larguer les amarres, à se délester de préjugés divers et variés, toujours réducteurs. Car, la Grèce, ce n’est pas seulement ceci ou cela, c’est tout à la fois ! L’Antiquité, Byzance, les Francs et les Vénitiens, l’époque ottomane, la lutte pour l’indépendance, l’occupation italienne de Cos jusqu’en 1937, le refus de laisser les troupes de Mussolini entrer en Grèce depuis l’Albanie en 1940, l’occupation par les forces de l’Axe en 1941, la libération du pays en 1944, la guerre civile grecque de 1946 à 1949, les périodes de dictature militaire, le retour de la démocratie en 1974, l’entrée dans la Communauté économique européenne en 1981. De même, la Grèce, ce n’est pas qu’une ville, qu’une île, que la Méditerranée, ou que… le sirtaki !

Direction Egine

Une île où, à la différence de beaucoup d’autres îles grecques, la vie ne se réduit pas à la saison touristique de l’été. Terre hellène chantée par Homère, terre grecque chantée au XXème siècle par les poètes Séféris, Elytis, tous deux Prix Nobel de littérature. En Grèce, les poètes trouvent dans la lumière et dans les pierres une source d’inspiration. On peut ensuite prendre le temps d’explorer quelques autres îles comme Hydra, Mykonos, Paros, Santorin, avant de partir pour le Péloponnèse, à la découverte de Nauplie, Epidaure et son théâtre, Mycènes dont le roi Agamemnon partit faire le siège de Troie, et ressentir l’émotion des retrouvailles avec les Atrides. Rejoindre Sparte, Mystra, la merveille de Morée ou Byzance ressuscitée. Nouvelle étape à Monemvasia et Karytaina, les forteresses des principautés conquises par les Francs au XIIIème siècle, convoitées par les Vénitiens, reprises par Byzance, puis par les Turcs. En route pour le Magne, sa tradition guerrière, ses pierres, l’aridité et l’âpreté de ses paysages, sa musique et la langue de Ritsos, le poète communiste emprisonné sous Metaxas, après la guerre civile et sous le régime des colonels.

Nicole Dubois-Tartacap, nous invite à passer de la Méditerranée aux Balkans, à quitter la lumière d’Elytis pour nous rapprocher des brumes froides des Balkans, chères au cinéaste Angelopoulos. Passage obligé par Thessalonique, la deuxième ville de la Grèce, où la mer est partout présente alors qu’à Athènes elle n’est visible que depuis l’Acropole. Thessalonique, la ville oubliée des touristes, où le souvenir de Byzance et de l’Empire ottoman reste vif. Quand Athènes n’était plus qu’un village oublié de tous au début du XIXème siècle, l’ancienne Salonique, ville charnière, occupait une position stratégique au confluent des Balkans et de la Méditerranée. Ville natale de Mustapha Kémal, ville cosmopolite dans laquelle se côtoyaient Grecs, Turcs, Serbes, Bulgares, Tsiganes, Arméniens, Géorgiens, Albanais et Juifs Séfarades, présents depuis l’Antiquité ou depuis le XVème siècle (chassés d’Espagne et parlant le ladino), dont les quartiers furent détruits par l’incendie de 1917 et qui furent ensuite victimes de la Shoah durant la Seconde Guerre mondiale. Visite de Xanthi au nord-est, ville grecque (depuis le partage de la Thrace entre la Grèce, la Bulgarie et la Turquie) dont les habitants musulmans, comme les Grecs d’Istanbul, furent exemptés de l’échange de populations de 1923. A Xanthi, Grecs, Turcs, Pomaks et Roms vivent au rythme du carillon des clochers ou du chant du muezzin, la religion des uns et des autres déterminant le quartier où l’on vit et le marché qu’on fréquente. Brève escale à Missolonghi, avant de partir pour l’ouest, en direction de l’Epire, de ses ponts de pierre et de la légende des emmurés. Et prolonger ensuite le voyage jusqu’en Crète, pour retrouver notamment l’écrivain Kazantsakis et son ami Zorba, rencontré dans le Magne.

À l’oreille :

  • Pantélis ThalassinosBelle et étrange patrie
    Poème d’Odysséas Elytis mis en musique par Dimitris Layos
  • Alkistis Protopsalti – Miroloï – Aujourd’hui jour funeste
    Le miroloï est un chant funèbre, seule forme poétique connue dans le Magne, et qui aurait gardé ses caractéristiques essentielles depuis Homère.
  • Antonis KyritsisKontoula Lemonia (Petit citronnier)
    Luth et clarinette sont les instruments de musique que l’on entend communément en Épire.
  • Haralampos GarganourakisΑretoussa (Adieux)
    Chant traditionnel de Crète tiré du poème Erotocritos composé en Crète sous domination vénitienne, au XIVe siècle, par Vincento Cornaros. L’œuvre est considérée comme étant à l’origine de la littérature grecque moderne, et connait de nombreuses versions musicales.
  • Spyros ZagoraiosLe mangas du Botaniko
    Le rébétiko est une musique des bas-fonds venue d’Asie Mineure, jouée initialement dans les ports, au milieu des fumées de hachich et longtemps interdite. Cette chanson datant du début des années 1930 fut reprises par de nombreux interprètes.

Pour aller plus loin :

  • Nicole Dubois-Tartacap, Kaliméra. Séjours et songes en terre grecque, Transboréal, 2019
  • Raymond DuboisUn navire chargé d’oubli, éditions de l’Aube, 2001 (préface Gérard Chaliand)


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