#42 – Musiques du monde arabe
proposée par Isabelle Kortian
Diffusée le 10 août 2020
En plateau :
Coline Houssais, journaliste et chercheuse indépendante, spécialisée sur les cultures du monde arabe, enseignante au campus Moyen-Orient Méditerranée de Sciences Po. Auteure de Musiques du monde arabe. Une anthologie en 100 artistes, un livre publié en 2020 aux éditions Le Mot et le Reste. Une anthologie novatrice des musiques enregistrées du monde arabe, déclinées sur cent artistes et vingt pays.
Contexte :
Le monde arabe fait-il nation en musique ? Quel lien existe-t-il entre les rythmes à danser des montagnes et des plaines et les mélodies des salons de musique ? Quels points communs entre le chanteur kabyle Idir, le groupe de rock indie libanais Mashrou’ Leila et le chanteur saoudien Mohammed Abdo par qui les rythmes lancinants des déserts de la péninsule arabique furent diffusés à grande échelle dans le monde arabe ? En quoi les musiques écoutées, dans un ensemble aussi vaste et varié que le monde arabe, participent-elles d’un corpus commun qui justifierait une approche globale mêlant pays, genres, langues et publics ? En quoi ces musiques sont aussi des musiques de leur temps ? Peut-on parler d’une expérience collective transcendant générations, milieux sociaux, frontières et nationalités ? Dessinant une riche cartographie musicale, entre traditions et réinterprétation pop, Coline Houssais nous invite à voyager dans le temps et l’espace à travers une déambulation sonore inédite.
À l’oreille :
- Idir – Lmut (Algérie, folk, 1970s)
Décédé en 2020, Idir, la voix d’une identité kabyle enfin reconnue, lui-même très engagé en faveur des ponts entre cultures musicales, est sans doute l’un des chanteurs compositeurs les plus connus à l’étranger depuis son succès planétaire A vava inouva. Sa voix a bercé des générations de mélomanes toutes origines confondues, en puisant notamment dans le riche corpus des mélodies traditionnellement chantées par les femmes, produisant une musique à la croisée des berceuses kabyles et de la folk. - Yüma – Nghir Alik (Tunisie, néo-folk, 2010s)
Le groupe Yüma, duo néofolk aujourd’hui séparé, est composé de Sabrine Jenhani et Ramy Zoghlami. Les réseaux sociaux contribuèrent à son succès à partir de 2014-2015. - Lena Chamamyan – Ala mawj al bahr (Syrie, jazz, 2000s)
Voix de soprano, Lena Chamamyan offre, depuis le début des années 2000, un jazz ciselé d’une immense douceur exprimé essentiellement par le piano et le riqq, puisant aussi dans le répertoire de chansons traditionnelles syriennes et arméniennes. - Mohammed Abdo – El Amakin (Arabie saoudite, trad., 1990s)
Mohammed Abdo est l’un des rares interprètes à avoir une reconnaissance, depuis le début des années 1970, au-delà de son pays davantage connu pour ses compositeurs et ses milliardaires possédant les grosses maisons de productions arabes. Son style est issu du répertoire traditionnel mawrouth, transmis de générations en générations, et il chante le plus souvent des textes de poètes saoudiens, dont El Amakin, l’un de ses plus grands succès. - Issam – Caviar (Maroc, trap, 2010s)
Porte-étendard de la trap marocaine avec Caviar, le jeune rappeur Issam est aussi membre du groupe Naar. - Nagat Al Saghira – Ana bi ashq al bahr (Égypte, classique, 1960s)
L’actrice et chanteuse Naghat Al Shagira, née en 1938, star de la chanson égyptienne doit une partie de sa popularité au septième art. De nombreux artistes d’Égypte ou du Levant, stars de la chanson font aussi carrière sur le grand écran, les comédies musicales projetées au cinéma contribuant efficacement à les populariser auprès d’un large public. - Asmahan – Ya habibi taala (Égypte/Syrie, classique/tango, 1940s)
Née en 1912, décédée accidentellement en 1941, Asmahan a connu une enfance prodige au Caire, entourée des meilleurs musiciens. Diva légendaire des années 30, fille de prince druze, elle a un répertoire d’inspiration occidentale latine ou classique (en l’espèce tango pour Ya habibi taala). Elle a également joué dans deux films aux côtés de son frère Farid El Atrache, chanteur, oudiste, compositeur, et acteur à l’époque de l’âge d’or du cinéma égyptien associant comédies romantiques et musique. - Seta Hagopian – Leil El Sahar (Irak, rock/pop, 1970s)
Grande admiratrice de Mohammed Abdelwahab et de Fayrouz, Seta Hagopian, né dans une famille de musiciens arméniens du sud de l’Irak, développe de la fin des années 1960 au milieu des années 1980, un style de variété pop qui se distingue par des ballades nostalgiques aux sonorités parfois slaves, indiennes ou persanes, à une époque où de l’autre côté du Shatt El Arab, la diva iranienne Gogoosh semble se poser en miroir. - Mashrou’ Leila- Cavalry (Liban, pop/rock, 2010s)
Mashrou’Leila est depuis deux décennies le groupe de rock indie libanais le plus connu de sa génération, doté d’une rare visibilité dans le monde arabe en tant que groupe de rock et dans le monde occidental en tant que groupe arabophone. Les textes de ses chansons visent le conservatisme de la société libanaise (toutes confessions confondues), la corruption, l’aspiration à la liberté individuelle. Militant affiché du LGBT, il s’implique aussi dans d’autres combats notamment en partenariat avec Greenpeace. Régulièrement interdit de concert pour ses prises de position, internet lui permet de contourner la censure.
Pour aller plus loin :
- Coline Houssais, Musiques du monde arabe. Une anthologie en 100 artistes, Éditions Le Mot et le Reste, 2020
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