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#27 – Rencontre avec Farouk Mardam-Bey

proposée par Isabelle Kortian

Diffusée le 20 avril 2020


#27 – Rencontre avec Farouk Mardam-Bey
Le monde en questions

 
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En plateau :

Historien et bibliothécaire de formation, Farouk Mardam-Bey a dirigé de 1989 à 1995 la prestigieuse bibliothèque de l’Institut du monde arabe (IMA). Il dirige actuellement la collection « Sindbad » aux éditions Actes Sud. C’est un formidable passeur de culture et de littérature qui nous invite à voyager dans le monde de la création littéraire au Moyen Orient.

Contexte :

Comme le remarquaient récemment, l’écrivain égyptien Alaa El Aswany ainsi que le romancier marocain Yassin Adnan, lors de leur passage à Cause commune dans Le monde en questions, il faut lire les écrivains de langue arabe pour comprendre de l’intérieur le monde dont ils parlent et qu’ils évoquent dans leurs récits, afin d’éviter de plaquer sur un réel lointain des grilles de lecture inappropriées et de se défaire « du choc des images » renvoyées par l’actualité. Ainsi, la littérature n’est pas un détour, mais une immersion.

En 1988, l’écrivain égyptien Naguib Mahfouz obtint le prix Nobel de littérature, ce qui contribua à renforcer la présence du monde arabe sur la scène culturelle et mondiale, même si en France, l’auteur n’était pas inconnu du public car partiellement traduit. Prix littéraires récompensent désormais le roman arabe dont le plus prestigieux est le Prix international de la fiction arabe (International Price for Arabic fiction, IPAF), le « Booker arabe » créé en 2007 à Abu Dhabi. Des salons du livre rythment aussi la vie littéraire dans le monde arabe.

Mohammed Abdelnabi reçut en 2019 le prix de la littérature arabe, seul Prix français dans ce domaine, créé en 2013 par l’IMA et la Fondation Jean-Luc Lagardère, pour son roman La chambre de l’araignée. Né en 1977, Mohammed Abdelnabi est des représentants de la jeune génération d’écrivains égyptiens. Son roman s’inspire d’un fait divers, l’arrestation en mai 2001 de 52 homosexuels dans un bar flottant sur le Nil, le Queen Boat.
Brisé physiquement et moralement après des mois d’emprisonnement et d’humiliations, le protagoniste ayant perdu la parole, faisant l’objet d’un rejet social quasi unanime, réfugié dans une chambre d’hôtel, avec pour toute compagnie une araignée au plafond, décide de faire par écrit le récit de sa vie. C’est le premier roman arabe ou l’homosexualité est au centre de la narration, et non pas seulement à sa périphérie.

Ala Hlehel, né en 1974 en Galilée est un écrivain et journaliste palestinien. Un Palestinien de l’intérieur, citoyen d’Israël, et dont certains écrits sont traduits en hébreu. Il dirige la revue littéraire en ligne Qadita.net dont il est le fondateur. Bon vent, Bonaparte, est un roman historique, doublé d’une interprétation romanesque du siège de Saint-Jean d’Acre par Bonaparte en 1799. La ville forteresse protégée par ses remparts, ne tombera pas aux mains de ce dernier, trahi d’ailleurs par l’un de ses compagnons, mais elle est dirigée par un tyran sanguinaire d’origine bosniaque, au service de l’Empire ottoman. Les deux hommes rêvent de leur bien-aimée durant le siège. Mais la force du roman, d’une grande actualité à plus d’un titre, est de placer en son centre la population de la ville aux prises avec les événements de l’histoire. Un conquérant français veut abattre le gouverneur étranger de la ville, lequel reçoit le soutien de la flotte britannique. La population, victime de leurs exactions, est la grande perdante quel que soit le vainqueur, d’autant plus que bientôt la peste sévira.

Mamdouh Azzam est quant à lui né en 1950 en Syrie, dans la province de Suwayda. Ses romans et nouvelles, qui ont tous pour cadre la région druze du pays dont il est originaire et où il vit toujours, ont marqué la littérature syrienne. L’échelle de la mort est un roman court extrêmement dense et puissant, bouleversant dans sa narration tout en retenue, sans pathos. Il raconte l’effroyable mise à mort d’une jeune femme abandonnée par son mari âgé, parti pour le Venezuela, et condamnée, dans son village natal et par sa famille, à une mort lente pour avoir aimé un jeune instituteur avec lequel elle a tenté de s’enfuir. Les crimes d’honneur, tels qu’ils continuent à se pratiquer, dans l’indifférence et sans impunité.

Mustafa Taj Aldeen Almosa, né en 1981, dans la province d’Idlib en Syrie, est un auteur plus jeune que Mamdouh Azzam, mais ses recueils de nouvelles et pièces de théâtre lui ont valu de nombreux prix littéraires en Syrie et dans le monde arabe. Contraint de s’expatrier pour échapper à la répression, il réside actuellement à Istanbul, en Turquie. La peur au milieu d’un vaste champ est une anthologie de nouvelles, tirée de six recueils publiés entre 2012 et 2019, témoignant de sa vision pénétrante de la réalité syrienne, hantée par la violence et la mort. Les personnages de ses nouvelles sont des Syriens ordinaires, confrontés chaque jour à la tragédie. Dans ce réel absurde et scandaleux auquel on pourrait s’accoutumer par impuissance ou fatalisme, Mustafa Almosa fait surgir le surnaturel pour sauver le rêve et l’espoir, pour conserver la force du questionnement. Pourquoi c’est ainsi et pas autrement ? De quel droit ?

À l’oreille :

  • W. A. Mozart, Adagio du concerto pour clarinette en la majeur (K622), Karl Leister, orchestre philharmonique de Berlin, sous la direction de H. von Karajan (extrait)
  • W. A. Mozart, Adagio du 20ème concerto pour piano, joué par Martha Argerich, Mozart Orchestra (extrait)

Pour aller plus loin :

  • Farouk Mardam-Bey, Prix littéraires : le rôle des pays du Golfe, entretien réalisé par Fanny Arlandis, dans le premier numéro de la revue Araborama, co-éditions IMA/Le Seuil.
  • Mohammed Abdelnabi, La chambre de l’araignée, traduit de l’arabe par Gilles Gauthier, Actes Sud, 2019
  • Ala Hlehel, Bon vent, Bonaparte ! Le siège de Saint-Jean d’Acre, roman traduit de l’arabe par Antoine Jockey, Actes Sud, 2019
  • Mamdouh Azzam, L’échelle de la mort, roman traduit de l’arabe par Rania Samara, Sindbad, Actes Sud, 2020
  • Mustafa Taj Aldeen Almosa, La peur au milieu d’un vaste champ et autres nouvelles, traduites de l’arabe par Amal Albahra, en collaboration avec Patrick de Bouter, Sindbad, Actes Sud
Et :


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