À l'antenne
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#143 – À la rencontre de gardiennes et gardiens d’immeubles parisiens

proposée par Isabelle Kortian

Diffusée le 25 janvier 2023


#143 – À la rencontre de gardiennes et gardiens d’immeubles parisiens
Le monde en questions

 
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En plateau

Aude de Tocqueville, écrivaine et commissaire d’exposition, publie avec Jean-Michel Djian, journaliste et écrivain, et Margot Lançon, photographe et cinéaste, Éloge des loges. Histoires vraies de gardiennes et gardiens d’immeubles parisiens aux éditions Autrement.

Contexte

Aude de Tocqueville est allée à la rencontre de ces hommes et de ces femmes qui exercent la profession de gardiens et gardiennes d’immeubles parisiens, propriété d’un bailleur social qui loue un logement social à des ménages contre un loyer modéré, sous condition de ressources. Contrairement à ce qui se passe dans le parc privé, où digicodes et pass ont supprimé des emplois et transformé les loges occupées auparavant par les « concierges », les bailleurs sociaux ont compris le rôle pivot qu’occupent les gardiens et les gardiennes d’immeubles. Ils sont leurs seuls contacts ou représentant sur place face à la multiplicité des locataires.

Si leur métier a considérablement évolué (suppression du cordon, de la délation instaurée par le régime de Vichy), si leurs conditions de travail se sont améliorées (boîte à lettres, allongement du temps de pause durant la journée, pas de travail le samedi, formation continue, revalorisation de la rémunération), il reste un métier difficile qui ne requiert aucun diplôme, même s’il existe un CAP dans ce domaine d’activités. C’est aussi un métier de cooptation. L’essentiel de la journée consiste désormais à recevoir les divers prestataires envoyés par les bailleurs à de fins de maintenance, réparation ou prévenance, etc., ainsi qu’à dresser des états de lieux à l’arrivée ou au départ des locataires. Le métier exige beaucoup de soi. Il faut plutôt avoir un excellent relationnel, savoir écouter, savoir encaisser, ne pas s’épancher (car on le paie toujours). Devoir de discrétion ou réserve, la loge sert de confessionnal et le ou la gardienne fait souvent office d’assistant.e social.e, de conseiller·ère, de soutien, de psychologue : refuge pour les victimes de violences conjugales, dernier lien humain avec les personnes âgées isolées. Ils ou elles voient tout, entendent tout, sont témoins, ont affaire bien plus souvent qu’on le croit à la mort, à la violence, à la drogue, aux descentes de police, etc.

Les vingt témoignages recueillis par Aude de Tocqueville constituent des récits de vie passionnants battant en brèche bien des idées reçues et projettent un regard neuf sur cette profession méconnue. Véritable plongée dans un monde invisible, ils donnent à voir des personnalités engagées au quotidien dans leur travail social avant tout, même s’il comporte aussi une dimension administrative. Elles œuvrent en toute discrétion dans toute la mesure du possible au bien commun, tissant des liens entre les gens, créant du collectif au rebours de l’atomisation de la société et des individus, transformant halls d’immeubles en lieux de convivialité, et cours intérieures où les enfants jouent de moins en moins souvent ensemble en jardins inspirant la sérénité. Mais surtout, ces portraits révèlent combien pour connaître un métier, il faut aller à la rencontre de ceux et celles qui l’exercent, car ils en parlent mieux que personne. En cela recueillir leur parole permet de prendre conscience de leur travail et dévouement en faveur d’un vivre ensemble digne de ce nom, un engagement trop souvent invisibilisé qui mérite pourtant toute notre attention et milite pour une meilleure reconnaissance de leur immense contribution aux processus de socialisation.

À l’oreille

Pour aller plus loin

  • Aude de Tocqueville, Jean-Michel Djian, Margot Lançon, Eloge des loges. Histoires vraies de gardiennes et gardiens d’immeubles parisiens, Autrement
  • Aude de Tocqueville, Atlas des terres sauvages, éditions Arthaud


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