#136 – Des Sex Pistols à l’Intifada
proposée par Isabelle Kortian
Diffusée le 23 novembre 2022
En plateau
Raphaël Jerusalmy, écrivain, ancien élève de l’École normale supérieure (ENS), ancien officier du renseignement militaire israélien devenu négociant en livres anciens à Tel Aviv, s’est imposé sur la scène littéraire en quatre romans, après avoir quitté l’armée pour s’engager dans des actions éducatives et humanitaires. Dans une précédente émission, au printemps 2022, il avait présenté In absentia, son dernier roman paru aux éditions Actes Sud en 2022. Il nous parle cette fois Des Sex Pistols à l’Intifada (éditions Balland, 2020), un livre qui se révèle a posteriori comme la matrice de son œuvre romanesque.
Contexte
Des Sex Pistols à l’Intifada ! De l’ENS à Tsahal ! De l’armée à la littérature, tous les chemins ne conduisent pas nécessairement à Rome. S’agissant de Raphaël Jerusalmy, il serait plus exact de dire que tout le ramène aux livres, à la lecture et à l’écriture, aux livres anciens bien sûr et au Livre par excellence. L’histoire, on le sait, avance parfois par des chemins de traverse, le temps pour un individu de se forger un destin.
Des Sex Pistols à l’Intifada, c’est d’abord le récit autobiographique d’un parcours, celui d’un jeune étudiant parisien de 1968 devenu officier des services secrets israéliens. La chronique d’un révolté qui n’a pas sa langue dans la poche et qui excelle dans l’art de la provocation. Il jubile à bousculer son auditeur ou son lecteur qui, perplexe, se demande comment se fait-il que ce brillant étudiant ne rêve pas de Che Guevara, mais lui préfère le visage d’un jeune soldat israélien vu un jour à la télé, perché sur son tank, en plein désert ? Issu d’une famille juive fuyant la Turquie et la Russie, ce fils de migrants intègre Normal’Sup, pour faire plaisir à ses parents, mais préfère de loin les nuits folles du Palace, l’originalité artistique et la créativité du mouvement punk. Il le dit sans détour, il doit beaucoup aux punks, un mouvement de révolte mal compris, assimilé à tort à la drogue, à la violence et au sexe, alors qu’il était l’expression non violente de la subversion, propre à la jeunesse, capable d’une grande force de conviction. Il doit aussi beaucoup aux rabbins, rencontrés un peu par hasard, dit-il, car dans sa famille on est laïc et non pratiquant. De la sagesse, voilà ce qu’il a gagné auprès des punks et des rabbins, deux autres écoles de vie, à côté du lycée Henri IV et la rue d’Ulm. Quant à la passion pour la bibliophilie, elle démarre très tôt et ne l’a jamais quitté.
Si Raphaël Jerusalmy raconte volontiers quelques-unes des actions secrètes qu’il a menées aux quatre coins du monde, il précise avoir effectué son parcours militaire, si brillant fut-il, en « dilettante », sans jamais être dans la posture de l’individu embrigadé. Il a su garder son indépendance, fixer les lignes rouges à ne pas franchir. Liberté de jugement, esprit critique. Il questionne, il dit son désaccord, il s’inquiète. Lucidité oblige. Sans jeter le bébé avec l’eau du bain. La narration de son parcours militaire au sein de Tsahal se fait œuvre littéraire détruisant bien des idées préconçues sur l’armée, Israël mais aussi la littérature. Apollinaire, Villon, Maïmonide ne sont jamais loin, tout gravite autour d’eux. Si Des Sex Pistols à l’Intifada, est publié trente ans après qu’il quitté l’armée (devoir de réserve), le livre se révèle post festum comme la matrice de son œuvre romanesque, alors qu’il s’est imposé deuis longtemps déjà sur la scène littéraire. L’écriture y est une exaltation rabelaisienne de la force du langage, de sa vitalité, de la verve et du tonus. Souffle haletant du thriller, poésie du voyage, éloge du risque et de la prudence, goût de l’aventure, force épique et dérision. Humour, distance et engagement. Une vie, un parcours, un destin scellé par la parole, le langage, l’écriture et la conviction. Plus qu’une histoire d’amour, une preuve d’amour. A l’image de ces reliures anciennes dont l’auteur se délecte et qui donnent en offrande à chaque livre la forme destinée à le protéger et le parer.
À l’oreille
- Sex Pistols – God Save the Queen
- Ennio Morricone – Pour quelques dollars de plus
- Naomi Shemer – Lu Yehi
Pour aller plus loin
- Raphaël Jerusalmy, Des Sex Pistols à l’Intifada. Confidences d’un officier israélien du renseignement, Balland, 2021
- Raphaël Jerusalmy, In absentia, Actes Sud, 2022
- Raphaël Jerusalmy, Sauver Mozart, Actes Sud, 2012, Prix Emmanuel Roblès 2013, Prix de l’ENS-Cachan 2013
- Raphaël Jerusalmy, La Confrérie des chasseurs de livres, Actes Sud, 2013
- Raphaël Jerusalmy, Evacuation, Actes Sud, 2017, Prix Amerigo Vespucci
- Raphaël Jerusalmy, La Rose de Saragosse, Actes Sud, 2018
ET :
- Radio Cause commune, Le monde en questions, n°114
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