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#135 – La vie en bleu

proposée par Isabelle Kortian

Diffusée le 16 novembre 2022


#135 – La vie en bleu
Le monde en questions

 
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En plateau

Philippe Tournon, chef de presse historique de l’équipe de France de football de 1983 à 2006, puis de 2010 à 2018, celui qui vécut durant trente ans, au plus près, la réalité des Bleus, dans le très réservé staff, publie La vie en bleu aux éditions Albin Michel.

Contexte

Philippe Tournon, l’homme incontournable de la parole des Bleus durant 30 ans ! Responsable du Service de presse de la Fédération française de football de janvier 1983 à juillet 2006, il devient chef de presse de l’Equipe de France de 1983 à 2004, avant de reprendre les rênes en juillet 2010. Trente ans aux côtés des plus grands sélectionneurs : Michel Hidalgo, Henri Michel, Michel Platini, Gérard Houllier, Aimé Jacquet, Roger Lemerre, Jacques Santini, Laurent Blanc, Didier Deschamps. Il raconte pour la première fois son parcours professionnel jalonné de 337 matchs sur le banc, 76 pays visités, 253 joueurs en bleu. Une exceptionnelle conquête de 7 titres : 2 Coupes du monde (1998 et 2018), 2 championnats d’Europe- ou Euro- (1984 et 2000), 2 Coupes des Confédérations (2001 et 2003), 1 Coupe intercontinentale (1985). C’est le palmarès de l’Equipe de France, et c’est aussi le sien.

Sans jamais vraiment pratiquer lui-même le football même en club amateur, il sait néanmoins très jeune qu’il veut être journaliste à L’Équipe. Pigiste pour commencer, journaliste ensuite, puis responsable de la rubrique Football et rédacteur en chef adjoint du journal. Les belles années du journalisme sportif, avant internet, les téléphones portables et les réseaux sociaux, où l’on pouvait encore monter avec son petit carnet et son crayon dans la chambre d’un joueur pour l’interviewer. Une époque d’ailleurs où les Bleus ne s’appelaient pas encore les Bleus, sans huitièmes ni quarts de finale de la Coupe du monde et sans carton jaune ou rouge. Les choses ont bien changé depuis. Le football est devenu en France un phénomène social et sociétal, il s’est modernisé et vraiment professionnalisé en concentrant tous les efforts sur la formation des jeunes sportifs, garçons et filles désormais. Grâce à quoi, la France a pu rejoindre, ou ne pas se laisser trop distancée par les grandes nations européennes du football que sont l’Allemagne, les Pays-Bas, l’Espagne et l’Italie. Aujourd’hui, elle est en mesure de produire à chaque nouvelle génération plusieurs « champions » que les clubs étrangers, carnet de chèques à l’appui, s’arrachent à peine sortis de Clairefontaine, voire avant. Travail de longue haleine qui a fini par payer. Née en 1904, l’Equipe de France conquiert son premier titre en 1984.

Mais, à quoi ça sert un chef de presse de l’équipe de France ? Quel est son rôle dans le dispositif mis en place pour gagner, au sein du staff ? Philippe Tournon a été le premier à occuper ce poste. Créé pour lui, il répondait à un besoin dans le cadre du processus de modernisation évoqué plus haut, mais il existait depuis longtemps ailleurs, en Allemagne, en Espagne, en Italie par exemple. Il n’a rien à voir avec un chargé de communication ! Son rôle, explique Philippe Tournon, consiste à faire communiquer deux populations qui ne sont pas naturellement portées l’une vers l’autre. Les journalistes d’un côté considèrent qu’ils ont leur place (ou sont à leur place) partout. Les sportifs de très haut niveau de l’autre côté revendiquent le droit de se préparer tranquillement à une compétition, sans être dérangés par les médias. Comment tracer une juste frontière entre ces deux populations : celle des joueurs détenteurs incontestables d’un savoir-faire et celle des journalistes dont la mission tout aussi incontestable est de faire savoir. Mission délicate, s’il en est, de présider à cette articulation entre le savoir-faire et le faire savoir qui place souvent le chef de presse dans l’inconfort d’en entre-deux, entre le marteau et l’enclume. Qu’on se rassure toutefois ! A en croire Didier Deschamps, Philippe Tournon s’en est sorti au bout du compte pas trop cabossé !

Témoin et acteur de l’ascension extraordinaire du football français et de sa qualité sur le maillage territorial, il souligne tout ce que le ballon rond doit à l’engagement indéfectible et la détermination sans faille de personnalités remarquables, tels Georges Boulogne ou Fernand Sastre pour ne citer qu’eux. Sans jamais oublier ceux et celles qui localement, bénévolement ou non, dans chaque commune ou ville, font vivre au quotidien le foot qui le leur rend bien. Il rappelle aussi le rôle historique joué par l’UNFP : l’organisation syndicale a gagné son combat pour mettre fin à ce que Raymond Kopa, lanceur d’alerte avant l’heure, avait dénoncé dans une formule restée célèbre, comme un état d’esclavagisme dans lequel les clubs maintenaient les joueurs. Ces derniers traités comme « propriété » d’un club étaient vendu d’un club à l’autre, échangés, sans jamais avoir leur mot à dire dans les transactions conclues.

A quelques jours de l’ouverture de la 22ᵉ édition de la Coupe du monde de football qui se déroulera au Qatar du 20 novembre au 18 décembre 2022, que dire de cette compétition organisée par la FIFA, et réunissant les meilleures sélections nationales ? Très critiquée, depuis les conditions de son attribution jusqu’au désastre humain et écologique qu’elle représente. Exploitation des travailleurs, nombreuses victimes sur les chantiers dirigés sans protection des travailleurs, non-respect des droits humains et sociaux, inégalité statutaire entre les femmes et les hommes, aberration écologique, soupçons de corruption. La Coupe du monde 2022 qui va se dérouler dans l’Émirat indigne autant (davantage ?) qu’en son temps le fit la Coupe du monde 1978, organisée en Argentine, en pleine dictature et sale guerre du général Jorge Rafael Videla, qui s’était servi de la compétition comme d’une arme de propagande massive en sa faveur et celle de son régime.

L’émotion aujourd’hui, l’opprobre, les appels au boycott, tout cela arrive bien tardivement ! Il fallait se réveiller plus tôt ! clame Philippe Tournon. Les fédérations se sont engagées depuis longtemps à jouer au Qatar. Toutefois, une prise de conscience qu’on espère durable s’est produite. L’opinion publique internationale peut se retourner contre les Etats, les régimes qui veulent instrumentaliser en leur faveur les événements sportifs et les organisations internationales qui y contribueraient. Un progrès est déjà enregistré : l’attribution de la Coupe du monde se fera de façon plus transparente dans le cadre d’un Congrès et non plus au sein du comité exécutif de la FIFA.

Philippe Tournon rappelle la décision des Bleus d’apporter un soutien financier à des ONG œuvrant pour la protection des droits humains. Ils reverseront à titre individuel une partie de leurs primes à Génération 2018, un fonds de dotation destiné à financer des actions à impact social.

Un pronostic sur la nation gagnante ? Argentine ou Brésil ? Ou bien Angleterre ? La France tenante du titre ? Une chose est sûre, c’est l’inédit de la situation. Une Coupe du monde en novembre et décembre, pas le temps d’une préparation, et pour la première dans l’histoire de l’équipe de France, la photo officielle des Bleus, avant le départ (pour Doha en l’espèce), s’est faite non pas en extérieur, mais en intérieur, en raison de la pluie.

À l’oreille

Pour aller plus loin

  • Philippe Tournon, La vie en bleu, Albin Michel, 2021


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