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#127 – La rentrée en BD, avec Ersin Karabulut

proposée par Isabelle Kortian

Diffusée le 14 septembre 2022


#127 – La rentrée en BD, avec Ersin Karabulut
Le monde en questions

 
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En plateau

  • Ersin Karabulut, dessinateur de presse et caricaturiste, rédacteur en chef du magazine satirique Uykusuz (« Insomniaque ») et auteur de bandes dessinées, publie un roman graphique, Journal inquiet d’Istanbul, dans une traduction de Didier Pasamonik, aux éditions Dargaud.
  • Kerem Topuz, interprète
  • Thomas Ragon, directeur de collection aux éditions Dargaud

Contexte

Ersin Karabulut est l’un de auteurs de bande dessinée les plus connus, reconnus et respectés de Turquie. Après avoir travaillé pour divers magazines tout en étudiant le graphisme à l’Université des beaux-arts Mimar-Sinan, à Istanbul, il cofonde en 2007 Uykusuz, l’un des hebdomadaires humoristiques les plus prestigieux de Turquie.

Journal inquiet d’Istanbul est une fresque autobiographique dans laquelle le jeune dessinateur raconte son parcours. Fils de parents instituteurs résidant dans une banlieue d’Istanbul, l’enfant est passionné de dessin et collectionneur d’albums de bandes dessinées. La pression familiale ne parviendra pas à faire de lui un ingénieur et il commence sa carrière d’artiste à l’âge de 16 ans. Ce moment fondateur est symbolisé par sa découverte de la rive européenne de la capitale stambouliote et du mythique quartier de Beyoglu, où se concentrent une bonne part de la vie intellectuelle, artistique et étudiante, librairies, cafés, salons de thé, journaux et magazines, tavernes, etc.

Roman graphique d’initiation et de formation, dans lequel le jeune héros est identifiable et reconnaissable par son tee-shirt rayé, comme est d’emblée identifiable à son « look » chacun de ses héros de bandes dessinées préférés, lesquels sont ses fidèles compagnons de route, l’auteur plonge aussi son lecteur dans le contexte social et politique dans lequel vécurent ses parents, puis grandit le jeune homme dont le projet artistique murit. Contexte tout d’abord d’une Turquie turbulente, un climat de quasi guerre civile dans les années 70, une série de coups d’Etat renforçant l’emprise de l’armée et de son État-major sur l’équilibre institutionnel, multiplication des clivages sociaux entre droite et gauche, extrême droite et extrême gauche, mais aussi entre laïcs et religieux, riches et pauvres, querelle entre anciens et modernes, contradictions sociales où prolifèrent les zones d’ombres fragilisant davantage la jeune démocratie. Mutations sociales et politiques ensuite, avec la montée en puissance du conservatisme religieux, imprégnant et transformant la ville, ainsi que l’assise de plus en plus forte de l’AKP parvenu au pouvoir, espoirs et déceptions, dérive autoritaire d’un régime où se multiplient notamment les atteintes à la liberté de la presse, les procès contre les journaux. La donne change brutalement pour le jeune héros de BD qui voulait vivre avant tout sa passion pour le dessin et pour l’art, déconnecté de tout engagement politique ou militant. Second moment fondateur. Il « découvre » soudain le fait du prince et son arbitraire: un dessin peut être considéré comme un délit ! En conséquence, continuer de dessiner, de pratiquer l’humour ou la satire politique, c’est prendre un risque, sans pouvoir en calculer ou anticiper son coût. Car, selon l’humeur capricieuse du pouvoir, un dessin peut déranger ou non, déplaire ou non. Le jeune Ersin fait donc l’expérience du réel. Un réel qui loin d’être un long fleuve tranquille, est parsemé d’embûches, interdisant non seulement de dormir sur ses lauriers, mais toute quiétude de l’âme ou sommeil de la raison, tant est fragile la démocratie. Difficile de dessiner sans liberté, ou soumis au règne de la censure ou de l’autocensure ! Voilà qui fait de la liberté artistique une composante inséparable du combat pour la défense des libertés civiles et politiques.  Un combat de chaque instant. Un défi que décide de relever le jeune artiste à l’issue du premier volume de Journal inquiet d’Istanbul. La suite des aventures dans le prochain volume !

À l’oreille

Pour aller plus loin

  • Ersin Karabulut, Journal inquiet d’Istanbul, traduction Didier Pasamonik, Dargaud, 2022
  • Ersin Karabulut, Jusqu’ici tout allait bien, Fluide glacial, 2020
  • Ersin Karabulut, Contes ordinaires d’une société résignée, Fluide glacial, 2017


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