#125 – Ludmila Oulitskaïa
proposée par Isabelle Kortian
Diffusée le 20 juillet 2022
En plateau
Sophie Benech, traductrice littéraire du russe et fondatrice des Éditions Interférences, est couronnée en septembre 2021 par le Grand Prix SGDL (Société des Gens de Lettres) pour son œuvre de traduction. Elle présente Le Corps de l’âme, dernier opus en date de Ludmila Oulitskaïa, figure emblématique de la littérature russe contemporaine et dont elle est la traductrice.
Contexte
Ludmila Oulistkaïa, née en 1943 dans l’Oural, est issue d’une famille juive de l’intelligentsia, marquée par un attachement profond aux livres, au théâtre et à la musique. Elle est aujourd’hui considérée comme la plus importante autrice russe contemporaine. Son œuvre est traduite dans plus de 40 langues. Fin février 2022, quelques jours après l’invasion de l’Ukraine, elle a quitté Moscou pour un exil à Berlin.
Sophie Benech est traductrice et aime passionnément son métier, considérant la traduction comme un immense enrichissement personnel. Mais, elle a aussi fondé une maison d’édition aujourd’hui dotée d’un catalogue de textes de qualité, inédits, épuisés ou difficilement accessibles aux lecteurs français. Elle publie des auteurs russes qu’elle a ou non traduits et des auteurs anglo-saxons. Comment est-elle passée de la traduction à l’édition ? Pour éditer notamment ce que d’autres n’éditent pas ou refusent d’éditer alors qu’il le faudrait selon elle.
Entre Sophie Benech et Ludmila Oulitskaïa, il y a une longue histoire. La première a traduit tous les livres de la seconde (à l’exception du premier), tous publiés aux éditions Gallimard. « Nous avons pour ainsi dire grandi ensemble, elle dans sa carrière d’écrivain et moi dans ma carrière de traductrice ». Si Ludmila Oulitskaïa, biologiste de formation, a toujours écrit, depuis l’enfance, poussée par un profond besoin, Sophie Benech a quant à elle appris le russe tardivement, sur le tas, pour ainsi dire, en se rendant en Russie et en travaillant à Moscou. Depuis le début des années 1990, le cheminement des deux femmes les a considérablement rapprochées au fur et à mesure des allers et retours d’une langue à l’autre. Des liens se sont tissés avec le temps, une proximité, des affinités sont apparues de plus en plus nettement. Elles partagent aujourd’hui beaucoup. Sophie Benech s’est immergée dans l’univers romanesque de Ludmila Oulitskaïa, mais elle a aussi fait sien le monde littéraire russe, traduisant aussi des auteurs tels que Isaac Babel, Anton Tchékhov, Varlam Chalamov, Iouri Bouïda, Anna Akhmatova. Elle a vécu en Russie au temps de la Pérestroïka, au plus près des espoirs et des déchirements d’une élite intellectuelle. Tout cela n’a pas peu contribué à forger entre les deux femmes, et sur de nombreux points, une même perception des choses. Cela aide bien sûr à traduire, à chercher à rendre au mieux son style si particulier, fait de poésie et d’humour, son langage imagé, sa grammaire stylistique, sa façon si particulière de donner vie à une multitude de personnages.
Dans Le corps de l’âme, Ludmila Oulitskaïa, interroge, non pas tant les rapports les rapports de l’âme et du corps, que les chemins inattendus qui nous conduisent à effleurer, toucher, sentir ou ressentir cette part d’immatérialité en nous. Treize histoires en tout, drôles, tragiques, graves ou cocasses, qui emmènent le lecteur au-delà du paradoxe qui fait que savons beaucoup de choses sur notre corps, (ou du moins croyons-nous en savoir beaucoup) et si peu de l’âme. Comment cette dernière, impossible à définir, difficile à objectiver comme on peut disséquer un corps, imperceptible en apparence, devient subitement perceptible, tangible ? Quelles traces conservons-nous de cette expérience ? D’où vient ce sentiment d’apesanteur, de bonheur, de plénitude, d’accomplissement qui révèle à la fois la finitude de la condition humaine, la mort certaine du vivant, mais aussi la puissance d’un souffle vital qui fait de chaque être humain une personne unique dont l’existence importe ? Quelle est cette zone poreuse entre le corps et l’âme dans laquelle il nous arrive de séjourner et où les frontières entre le réel et l’irréel passent soudain au second plan, floutées dans un halo de merveilleux ?
À l’oreille
- Jean Sébastien Bach – Le clavier tempéré (interprété par Maria Yudina)
- Vladimir Vissotski – SOS (Save our Souls)
- Boulat Okoudjava – Pense à moi un peu (La prière de François Villon)
Pour aller plus loin
- Ludmila Oulitskaïa, Le corps de l’âme. Nouveaux récits, traduit du russe par Sophie Benech, Gallimard, 2022 pour l’édition française
- Ludmila Oulitskaïa, Ce n’était que la Peste, traduit du russe par Sophie Benech, Gallimard, 2021
- Ludmila Oulitskaïa, L’échelle de Jacob, roman traduit du russe par Sophie Benech, Gallimard, 2018
- Ludmila Oulitskaïa, Le Chapiteau vert, traduit du russe par Sophie Benech, Gallimard, 2011
- Ludmila Oulitskaïa, Daniel Stein, interprète, traduit du russe par Sopie Benech, Gallimard, 2008
- Ludmila Oulitskaïa, De joyeuses funérailles, traduit du russe par Sophie Benech, Gallimard, 1999
- Ludmila Oulitskaïa, Sonietchka, Prix Médicis étranger, traduit du russe par Sophie Benech, 1996
ET
- Le site web de la maison d’édition Interférences
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