L'art et ses récits
La chose semblait, comme sans doute, absolument certaine.
Dostoïevski, L’Idiot
Peut être que l’art est le récit qui nous relie le plus inexorablement à ce qui semble être le contraire du dehors, au dedans. Peut être certainement, sans doute, que l’art, les mots, la littérature, la poésie, l’architecture, la danse, le théâtre, la musique, ces formes, qu’on appelle des créations de l’esprit qui sont autant des créations du corps ; car nous créons sans réserve, ces formes véhiculées sous la bannière troublante et trouble du mot art, qui participent de nos accès soudains à notre être, nous soustraient aux évidences, dévissent notre perception du monde, servent de passeurs vers un hors champ à saisir.
Atteintes au rêve ou actions dans le réel, elles nous désarçonnent, elles nous remettent en cause. Des formes utiles.
Entrelacs de certitudes inconstantes comment ces formes voient-elles le jour ? Tenter une effraction, en creux, dans l’antre de la création avec des artistes, des poètes, des musiciens, des comédiens, des architectes, des historiens de l’art, des enseignants, des chercheurs, des intranquilles.
Chacun·e va ici évoquer les ouvrages, les auteurs et autrices, les artistes qui les ont accompagnés dans l’articulation de leur pensée, dans la découverte de leur identité artistique, chacun·e va interroger les « usages » faits à ses créations, le degré de « responsabilité » dans ce lâcher au monde de ces formes qui peuvent nous aider ou nous empêcher, parfois les deux à la fois, de participer du monde, d’y jouir ou d’y trouver consolation. Utiles, outils, car elles creusent l‘étonnement, déplacent nos points de vue, dansent avec le connu et le décalent. Expressions de la pensée, de l’imaginaire, elles prennent la forme de nos questions, de nos révoltes et intuitions, déforment, plissent ou déplient la réalité. Formes qu’on habite autant qu’elles nous habitent, elles occupent notre espace, extérieur et intérieur, elles ont le pouvoir de le questionner, de l’encombrer, de l’alléger, de le déranger.
Elles sont nos récits.
Fabiola Badoi ouvre une série d’entretiens qu’elle a aimé appeler Des formes utiles. Des formes utiles comme autant d’exercices à penser.
Le nom de l’émission, Des formes utiles, déplace ainsi le titre du dernier recueil de la poète Martine Audet.