#52 – Le Congrès de Tours (25-30 décembre 1920), un siècle plus tard
proposée par Isabelle Kortian
Diffusée le 11 janvier 2021
En plateau (virtuel) :
Jean A. Chérasse, cinéaste documentariste, agrégé d’histoire et titulaire du blog « Vingtras » sur Mediapart, auteur de Noël 1920, à Tours. La grande déchirure… Le Congrès fratricide, ouvrage paru aux Éditions du Croquant.
Contexte :
Du 25 au 30 décembre 1920, se rassemblèrent dans la salle du Manège de Tours, 285 délégués en provenance de 89 fédérations de la SFIO (Section française de l’Internationale socialiste). Fondée en 1905, la SFIO tenait son XVIIIème Congrès.
À l’ordre du jour, une question : la SFIO, membre de la IIème Internationale, adhèrera-t-elle ou non à la IIIème Internationale. Prendra-t-elle acte de la faillite de la IIème Internationale, proclamée dès 1915 par Lénine, et se soumettra-t-elle aux 21 conditions requises pour adhérer à la IIIème Internationale ?
D’une certaine façon, lorsque s’ouvre le Congrès de Tours, il n’y a pas de suspense et les jeux semblent faits. Les fédérations ont déjà voté massivement pour le oui et les délégués qu’elles envoient siéger à Tours sont porteurs d’un mandat favorable à l’adhésion à la IIIème Internationale.
En effet, la IIème Internationale fait l’objet d’un double rejet, au lendemain de la Première guerre mondiale. Elle fut incapable d’empêcher la Guerre, qui fut une hécatombe, et a échoué dans la mise en œuvre de son programme qui était de réaliser l’union des prolétaires de tous les pays, y compris contre la guerre. En outre, plusieurs de ses représentants en France ont participé à l’Union sacrée, proposée dès le 4 août 1914 à toutes les formations politiques, lesquelles l’acceptent, convaincues que la guerre sera courte et victorieuse, et votent les crédits de guerre, voire pour certains deviennent membres du gouvernement. La IIème est désormais discréditée, et c’est ce qui domine les esprits. En outre, Ludovic-Oscar Frossard, Secrétaire général de la SFIO et Marcel Cachin, Directeur du journal L’Humanité, fondé par Jaurès, se sont rendus au pays de la Révolution d’octobre 1917 et en sont revenus enthousiasmés.
Qu’est-ce qui néanmoins fait du Congrès de Tours un moment historique, un tournant dans l’histoire de la gauche en France ? Quel effet eut sur les participants la lecture du télégramme de Zinoviev ? Quel effet produisit l’arrivée de Clara Zetkin au Congrès, au nez et à la barbe de la police ? Si Jaurès n’avait pas été assassiné le 31 juillet 1914, le cours de l’histoire aurait-il été différent ? Pourquoi, cent ans après un Congrès qui provoqua une scission durable entre socialistes, adhérents de la IIème Internationale et communistes, adhérents de la troisième Internationale, prendre le temps de repenser l’événement, qui a par ailleurs fait l’objet de nombreuses et excellentes études ?
Jean A. Chérasse en étudiant le déroulement du Congrès, ses motions et ses débats, rappelle les attentes dont il était porteur. Il restitue l’atmosphère de fête qui y régnait, celle d’un espoir dans un avenir meilleur, de nouveau à portée de main et suscité cette fois par la jeune Révolution russe d’Octobre 1917, et par la création encore plus récente de la IIIème Internationale en mars 1920. C’est le souffle de la Commune de Paris et de ses 72 journées qui rejaillit sur les participants et anime les débats. Le souvenir partagé d’une expérience révolutionnaire, aux antipodes de ce que sera l’expérience socialiste en Union soviétique, réunit les militants à Tours avant la rupture, le schisme, la déchirure qui traumatisera la gauche française et dont elle porte encore aujourd’hui les stigmates dans son incapacité à s’unir pour définir un objectif commun pour combattre un ennemi commun.
Jean A. Chérasse nous invite à penser les traces et les conséquences toujours vivaces du Congrès de Tours en le mettant en perspective avec l’histoire de la Commune de Paris. Quelle expérience originale et unique de gouvernance instaura-t-elle ? La Commune dont on commémorera, au printemps 2021, le 150ème anniversaire, peut-elle aujourd’hui nourrir le débat de la gauche orpheline d’un projet de société théorique et pratique, émancipateur du collectif et de l’individu ? Que reste-t-il de la Commune? Que fut-elle réellement et que signifia-t-elle vraiment, avant de faire l’objet de récupération ici et là ?
À l’oreille :
- Marc Ogeret – L’Internationale
L’Internationale est un chant révolutionnaire, à l’origine un poème d’Eugène Pottier (1816-1887) écrit en 1871 à la gloire de l’Internationale ouvrière, et dont la musique fut composée par Pierre Degeyter (1848-1932) en 1888. Ils sont l’un et l’autre des ouvriers. Ce chant créé en France au sein du mouvement ouvrier est ensuite devenu partout dans le monde l’hymne du prolétariat qui se bat et de la lutte des classes. - Marc Ogeret – La Semaine sanglante
La Semaine sanglante est une chanson révolutionnaire de Jean-Baptiste Clément écrite en 1871 à Paris où il combattait et chantée sur l’air du Chant des Paysans de Pierre Dupont. Elle dénonce le massacre des communards par les Versaillais, l’armée régulière obéissant aux ordres du gouvernement dirigé par Adolphe Thiers et qui siégeait à Versailles. Ce massacre qui fit des dizaines de milliers de victimes fusillées sans jugement du 22 au 29 mai 1871 (environ 30 000), est considéré comme le plus grand massacre de toute l’histoire de Paris. La Semaine sanglante désigne la répression féroce qui mit fin à la Commune de Paris (mars à mai 1871). - Marc Ogeret – La Canaille
La Canaille est un chant révolutionnaire de 1865, précurseur de la Commune de Paris, d’abord appelé La Chanson des gueux. Les paroles sont d’Alexis Bouvier et la musique de Joseph Darcier.
Pour aller plus loin :
- Jean A. Chérasse, Noël 1920, à Tours. La grande déchirure… Le Congrès fratricide, Éditions du Croquant, 2020
- Jean A. Chérasse, Les 72 Immortelles, Éditions du Croquant, 2019
- Annie Kriegel, Le congrès de Tours 1920 – Naissance du parti communiste français, Paris, Julliard, 1973
- Romain Ducoulombier, Camarades ! La naissance du Parti communiste en France, Paris, Perrin, 2010. Préface de Marc Lazar
- Julien Chuzeville, Un Court moment révolutionnaire, la création du Parti communiste en France (1915-1924), Paris, Libertalia, 2017
- 18ème Congrès tenu à Tours les 25, 26, 27, 28 , 29 & 30 décembre 1920, compte-rendu sténographique, BNF Gallica.
ET :
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