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#102 – Comment l’université broie les jeunes chercheurs

proposée par Isabelle Kortian

Diffusée le 2 mars 2022


#102 – Comment l’université broie les jeunes chercheurs
Le monde en questions

 
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En plateau

Adèle B. Combes, docteure en neurobiologie, initiatrice du projet « Vies de thèse », publie Comment l’université broie les jeunes chercheurs. Précarité, harcèlement, loi du silence, aux éditions Autrement.

Contexte

Initiatrice du projet « Vies de thèse », elle-même docteure, Adèle B. Combes a enquêté sur le quotidien de jeunes apprentis-chercheurs inscrits en doctorat, le plus haut diplôme universitaire. Qu’est-ce qui l’a conduite à se lancer dans un tel projet, elle qui n’est pas sociologue, et à porter à la connaissance du grand public le résultat de ses recherches ?

Chaque année 15 000 doctorants se lancent avec passion dans une thèse, mais certains sont confrontés au cours de leur cursus à des dysfonctionnements, déviances, abus de pouvoir, compétition féroce, toute-puissance de certains directeurs de recherches, dont ils ne sortent pas indemnes. Afin de documenter son propos, Adèle B. Combes a élaboré un questionnaire complété par un échantillon de plus de 1800 personnes, permettant d’étoffer par des éléments quantitatifs (chiffres et statistiques), les témoignages recueillis par ses soins. Elle révèle l’existence d’un mal-être certain, à des degrés variés, chez de nombreux doctorants aux statuts divers, rémunérés ou non. Si la plupart d’entre ceux qui sont inscrits dans des disciplines scientifiques bénéficient d’un contrat, c’est loin d’être le cas de la majorité des doctorants en sciences humaines. Pour autant, la détention d’un contrat de travail/recherche ne signifie pas nécessairement l’excellence des conditions de travail, l’absence de sollicitations sans limites de la part d’encadrants ou la non-dévalorisation du travail effectué.

Ainsi, le tableau qu’elle dresse des conditions de travail de jeunes apprentis chercheurs est consternant : 20% des personnes ayant répondu à son questionnaire disent avoir subi un harcèlement moral, une personne sur deux déclare avoir subi une violence psychologique durant ses années de doctorants (au minimum trois ans), et 21% des personnes interrogées ont vu le fruit de leur travail confisqué par d’autres. A cela s’ajoute des cas de harcèlement sexuel et violences sexuelles, des discriminations, sans oublier la précarité et la solitude de certains d’entre eux. Comment de telles conditions dégradées d’études et de recherche peuvent-elles avoir cours dans le système universitaire, conduisant certaines personnes au suicide ou les détournant définitivement de la recherche alors qu’elles en avaient au départ le goût et l’aptitude ? Quelle formation à l’encadrement reçoivent les personnes habilitées à diriger des recherches ?

Sans généraliser son propos, Adèle B. Combes suggère que la pression de la publication des travaux peut expliquer une part des dysfonctionnements et déviances, de même que l’insuffisance des moyens. Si certains directeurs de recherche sont plein de bienveillance et de respect envers leurs étudiants, d’autres abusent manifestement de leur pouvoir considérable pouvant aller jusqu’à empêcher ou ruiner la carrière de futurs chercheurs et futurs collègues.

Bénéficiant du contexte favorable de la libération de la parole, l’enquête d’Adèle B. Combes contribue à une prise de conscience dans les universités de l’existence d’un environnement discriminatoire (sexisme décomplexé, homophobie, racisme, exploitation des jeunes chercheurs étrangers, etc.) et brise la loi du silence. Comment lutter contre les abus de pouvoirs, la souffrance morale, voire physique qu’ils engendrent, l’altération de la santé mentale et physique de certains qui en résultent ? Comment mesurer l’ampleur du phénomène ?

À l’oreille

Pour aller plus loin

Adèle B. Combes, Comment l’université broie les jeunes chercheurs. Précarité, harcèlement, loi du silence, éditions Autrement



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