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Partie 1 – Pride Radicale pour l’Autodétermination

proposée par Corinne Leconte

Diffusée le 17 juin 2024


Partie 1 – Pride Radicale pour l’Autodétermination
la place aux gens

 
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Manifeste polyglotte pour l’Autodétermination et la Libération des identités et des peuples

“La joie est une technique de résistance”
Paul B. Preciado. Manifeste XXI – 2020

Place de la République – Paris 16 juin 2024

En 2021 et 2022, la Pride Radicale a réuni entre 30 000 et 40 000 personnes lors de marches des fiertés anticapitalistes, antiracistes et anti-impérialistes. Après une année de pause, nous revenons porter nos revendications dans la rue, pour une marche des fiertés sans concessions face aux injonctions à la respectabilité qui nous sont faites. Nous, personnes LGBTQIA+, noires et racisées, appelons nos adelphes et nos allié·es à nous rejoindre le 16 Juin 2024 pour une Marche des fiertés radicale pour le droit à l’autodétermination et la libération des identités et des peuples.

L’autodétermination, c’est le droit pour un peuple d’affirmer sa souveraineté en décidant lui-même de son identité, du statut politique de son territoire et de sa vocation sans ingérence extérieure. Ainsi :

1° Nous dénonçons le système capitaliste occidental qui entrave la souveraineté des peuples sur leurs modes de gouvernance et leurs territoires tout en exploitant ces derniers. Ces influences ont été associées à la création de conflits, à l’oppression et aux massacres des peuples, à une homogénéisation de la pensée dominante et à la marginalisation des savoirs ancestraux à travers les mécanismes du colonialisme et de l’impérialisme.
  • Nous réaffirmons notre soutien au peuple palestinien, victime de colonisation, d’apartheid et de génocide et dénonçons le soutien inconditionnel du gouvernement de Macron à la politique colonialiste et meurtrière de l’État d’Israël.
  • Nous soutenons les  divers mouvements indépendantistes décoloniaux et réaffirmons notre solidarité aux indépendantistes kanaks. Ces luttes sont dirigées contre la situation coloniale, raciste, capitaliste et répressive imposée par l’État français en Kanaky.
  • Nous dénonçons avec force le soutien de la France aux régimes dictatoriaux en Afrique. La politique coloniale et impérialiste de l’État français alimente l’instabilité des pays au profit de ses propres intérêts économiques. Nous exigeons la fin du franc CFA et de l’ingérence occidentale en Afrique.
  • Nous exigeons l’ouverture des frontières sans condition aux personnes cherchant à fuir ces régimes pour rejoindre l’Europe et l’abrogation de la loi asile et immigration.
  • Nous réaffirmons notre soutien et notre solidarité envers tous les territoires en lutte contre le colonialisme et l’impérialisme capitaliste ainsi que contre les interventions militaires en Afrique et les exploitations minières en Abya Yala. Nous exprimons notre soutien à tous les peuples du monde qui luttent contre toute imposition d’une hégémonie culturelle et économique moderniste-occidentale.
2° L’autodétermination, c’est aussi le droit de vivre pleinement et librement nos identités de genre et nos transitions, sans restrictions ni intrusions extérieures. Il s’agit de la liberté pour chaque individu de définir et d’exprimer son genre librement sans subir de contraintes ni de discriminations.
À ce titre, nous exigeons :
  • Le changement de sexe à l’état civil libre et gratuit sur simple déclaration en mairie et à terme une suppression de la mention de sexe à l’état civil.
  • Le respect des prénoms et pronoms d’usage au sein de toutes les institutions et organisations.
  • La gratuité pour tous les actes de transition qu’ils soient sociaux, administratifs ou médicaux et la dépsychiatrisation de ces procédures y compris à l’étranger.
  • L’accès à la PMA et la parentalité pour tous·tes par l’adoption d’une loi non-raciste, non-validiste et non-transphobe.
  • La fin de la casse de l’hôpital public et un accès aux soins sur tout le territoire y compris ultramarin.
  • À court terme, que les femmes trans ne soient plus incarcérées dans des prisons pour hommes et à long terme l’abolition des prisons et des centres de rétention.
  • Nous dénonçons les paniques morales et complotistes qui diabolisent les personnes trans, notamment transféminines et exigeons que toutes les personnes trans, y compris mineures, puissent disposer de leur corps.
  • Nous demandons à court terme, l’amendement de la circulaire du 29 Septembre 2021, relative à l’accueil des élèves transgenres en milieu scolaire, pour que l’accord des deux responsables légaux ne soit plus une condition nécessaire au respect de la transition de leur enfant. Nous exigeons à plus long terme, la solidification d’un engagement national pour l’accompagnement des mineur·es trans à travers une loi, des moyens supplémentaires dédiés au sein de l’Éducation Nationale ainsi qu’un travail partenarial rémunéré avec les associations spécialisées accompagnant des personnes trans, en particulier mineures.
  • Nous dénonçons la récupération des luttes féministes par les organisateur·ices et acteur·ices institutionnel·les des Jeux Olympiques et Paralympiques 2024 alors que les fédérations sportives françaises continuent d’interdire le port du voile aux athlètes et que les fédérations internationales sont libres d’interdire la participation de sportif·ves intersexes et transgenres et de contrôler tous·tes athlètes qui ne correspondent pas à des normes de genre fondamentalement arbitraires et racistes.
3° L’autodétermination, c’est avoir le droit de disposer de son corps. Nous dénonçons le traitement inhumain et criminel réservé aux personnes intersexes par la France et ses institutions médicales.
Nous réclamons :
  • La fin de la pathologisation des traits intersexes dans les textes médicaux et légaux.
  • Une réelle protection des personnes intersexes passant nécessairement par la caractérisation officielle des violences médicales et des mutilations faites aux mineur·es intersexes. Ces pratiques vont à l’encontre du principe de consentement libre et éclairé et doivent être légalement sanctionnées.
  • Une formation initiale et continue de tous·tes les travailleur·euse.s des secteurs de la fonction publique, du social et du médical.
  • L’intégration des collectifs intersexes dans les travaux et discussions relatifs à leur communauté. L’expertise acquise par l’expérience et l’engagement politique des personnes intersexes doit être reconnue et l’autorité médicale doit s’y subordonner.
  • L’accès aux dossiers médicaux et la suppression du délai de prescription qui empêche actuellement les personnes intersexes qui le souhaitent d’obtenir justice et réparation dans les tribunaux.
  • Une réparation pensée au-delà de l’idéologie carcérale en remboursant à 100% les soins de santé physique et mentale des personnes intersexes victimes du pouvoir médical.
4° L’autodétermination, c’est le droit de pratiquer librement sa religion sans intrusion de l’État. Les corps des femmes et minorités de genre musulmanes sont violentés, criminalisés par l’État, les fascistes et les médias. Nous revendiquons l’abrogation immédiate de la loi de 2004 sur les signes religieux, l’abrogation de la circulaire sur les abayas et de tous les décrets islamophobes et racistes dont la loi asile et immigration et la loi sécurité globale.
5° L’autodétermination, c’est pouvoir exister dans l’espace public sans avoir peur des violences d’État. Nous réclamons vérité et justice pour toutes les familles des tué·es, mutilé·es, réprimé·es par la police, la justice et la prison  et l’amnistie de tous·tes les révolté·es de l’été 2023.
6° L’autodétermination, c’est avoir accès à une sécurité, une dignité et une reconnaissance au travail. Nous demandons ainsi la fin de la criminalisation du travail du sexe, l’autonomie et la protection dans la pratique de ces métiers.
Dans cette perspective, nous voulons :
  • L’abrogation de la loi de pénalisation des clients qui repose sur une idée de préservation des bonnes moeurs plutôt que sur la sécurité des travailleur·euses du sexe.
  • L’abrogation des lois contre le proxénétisme qui, loin de mettre fin à la traite des femmes, précarise les travailleur·euses du sexe et leur fait perdre des droits notamment ceux du logement.
  • La reconnaissance de tous les travaux du sexe dont la prostitution, pour qu’enfin iels soient protégé·es par le droit.
  • Dans le cadre d’une décriminalisation du travail du sexe, un mode de reconnaissance du métier qui permette l’autonomie et l’autogestion des travailleur·euses.
7° L’autodétermination, c’est avoir accès à de vrais choix de vie. Les débats en cours sur l’euthanasie ne sont que le reflet de la pensée eugéniste selon laquelle les personnes perçues comme non-productives ne méritent pas de vivre. Peut-on réellement prétendre proposer la mort comme une délivrance sans pour autant mettre de moyens pour favoriser l’accessibilité dans les soins, les déplacements quotidiens, les lieux de vie et de survie, de sociabilisation, d’éducation et de santé ? L’État préfère mettre des moyens dans des institutions ségrégatives pour handicapé·es plutôt que dans des réelles mesures d’inclusion qui permettraient que chacun·e puisse participer pleinement à la société.
Ainsi nous exigeons :
  • Que la France se conforme à la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées en abolissant les institutions spécialisées telles que les Instituts Médico-Educatifs (IME) et les Établissements et Services d’Accompagnement par le Travail (ESAT).
    Des moyens traduisant une réelle volonté politique pour l’accessibilité de l’espace public et de l’éducation en milieu ordinaire.
  • Un rehaussement des allocations telles que l’Allocation aux Adultes Handicapés (AAH) et le Revenu de Solidarité Active (RSA) et que ce dernier puisse être touché sans exigence de travail en contrepartie.
  • Une transparence dans les critères de reconnaissance du statut d’invalidité et des aides associées pour prévenir les biais racistes actuellement en cours ainsi que la formation de professionnel·les de santé à ces biais.
  • La fin de la ségrégation sociale des adultes et des enfants handis en institutions.
8° L’autodétermination, c’est être libre de pouvoir s’exprimer, de choisir comment l’on veut vivre et se soigner. Ainsi, nous dénonçons le système psychiatrique et ses instances maltraitantes.
Nous exigeons :
  • • La fin de la pathologisation et de la psychiatrisation des sexualités hors du prisme hétérosexuel au profit d’une éducation sexuelle et affective visibilisant tous les modes relationnels, y compris ceux qui se situent hors du prisme normatif nucléaire, allosexuel, conjugal et monogame.
  • • Plus que la dépsychiatrisation totale des identités LGBTQIA+, nous réclamons l’abolition du système psychiatrique actuel basé sur la coercition et le contrôle des comportements des personnes folles.
  • • Que l’argent alloué au contrôle des personnes folles soit redirigé à des centres de pair-aidance favorisant le soin communautaire.
    • L’interdiction des camisoles physiques et chimiques.
  • • Que la folie cesse d’être réprimée par les institutions psychiatriques et carcérales.
  • • L’interdiction des hospitalisations sous contraintes.
  • • Le respect du consentement libre et éclairé en cessant de déléguer ce droit aux figures d’autorité des patient·es.
9° L’autodétermination c’est bénéficier d’une réelle liberté de circulation et d’installation ainsi que l’accès aux droits humains les plus fondamentaux. Nous dénonçons ainsi la xénophobie raciste de la France et de l’Union Européenne et réclamons :
  • La régularisation de toutes les personnes sans-papiers, la fermeture des Centres de Rétention Administrative (CRA) et des zones d’attente et plus largement l’abolition des frontières.
  • L’ouverture de voies migratoires sûres pour que plus personne ne meure lors de la traversée pour arriver en France, la reconnaissance du statut de réfugié·e à toutes les personnes demandant l’asile, y compris les personnes LGBTQIA+ et/ou séropositives.
  • Un égal accès de tous·tes, étrangèr·es ou non aux droits sociaux.
  • La création du statut de réfugié·e climatique et la prise en compte des inégalités environnementales comme critère d’accès au statut de réfugié·e.
  • L’arrêt des expérimentations qu’opèrent les laboratoires et entreprises de santé françaises et européennes sur les corps des personnes en Afrique et en Asie du Sud-Est au nom de la lutte contre le vih/sida.
  • Un accompagnement global et immédiat pour les personnes migrantes vivant avec le vih et/ou des hépatites.
  • L’abrogation des lois et projets de lois racistes, anti-tziganes, islamophobes et misogynes qui contrôlent nos corps et nos vies dont la récente loi asile et immigration.
  • La fin des conditions de vie insalubres et inhumaines imposées aux populations Rroms.
  • L’accès de tous·tes à la prévention et aux soins de santé, au logement et à l’éducation, en priorisant les personnes les plus marginalisées et en supprimant les délais de carence pour obtenir une couverture sociale.
  • L’arrêt de l’exclusion des personnes vivant avec le vih notamment les personnes LGBTQIA+ migrantes, travailleuses du sexe et usagères de drogues par les politiques publiques, le corps social et le corps médical. Celles-ci ne devraient pas avoir à justifier de leur statut sérologique d’autant plus quand le traitement rend le virus indétectable et intransmissible.
  • Nous dénonçons l’hypocrisie des acteur·ices des Jeux Olympiques et Paralympiques 2024 qui profitent de l’exploitation des personnes sans-papiers tout en ayant recours à des expulsions de logements sociaux, de foyers, de squats  et des personnes sans-abri qui les accueillent.
10° L’autodétermination, c’est également le droit de se nommer soi-même, en tant qu’individu ou en tant que communauté minorisée au sein de la société. Nous nous adressons à nos communautés souvent trop influencées par le soft power étasunien dans ses structures, espaces de sociabilité et de luttes. Pour pouvoir lutter efficacement ensemble, nous tenons à rappeler :
  • Les peuples du monde ne sont pas obligés de rentrer dans la catégorie “queer” pour être légitimes dans leurs revendications. Les imaginaires blancs et bourgeois tendent à englober les comportements, les habitudes, les expressions et les dénominations dans des catégories uniformes. Cependant, nos formes d’exister et de nous nommer sont aussi variées que nos territoires. Nous sommes areperas, tortilleras, maricas, otroas, travestis, afroqueer  et bien plus encore.
  • Les spécificités de chaque orientation sexuelle non-hétéronormée sont à prendre en compte pour une véritable libération queer. Les débats de chercheur·euses sur les termes à choisir pour parler de telle ou telle oppression mettent au second plan de réelles discriminations vécues dans des contextes spécifiques déjà violents en soit tels que les institutions administratives, les instances juridico-carcérales, psychiatrique et liées aux demandes d’asile. Il faut que nous puissions avancer sans être ralenti·es par des débats identitaires stériles.

Au contraire, nous revendiquons une pride radicale, antiraciste, antifasciste, anticolonialiste, anti-impérialiste, antivalidiste. Une pride politique et convergente, car la libération sera globale ou ne sera pas : nous sommes aussi transféministes, afroféministes, afroqueers et bien plus encore.

Pour aller plus loin

  • Dissidences postcapitalistes : communs, parentés et écologies queer – EHESS
  • « Nous sommes autres les-un.es-pour-les-autres, nous sommes là, va falloir vous y faire ! »* clin d’œil au slogan des années 1990, « Nous sommes queer, nous sommes là et va falloir vous y faire » – Entretien avec Hélène Azira


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