#07 – Sous les lapsus de l’actu
proposée par Patrick Bruneteaux
Diffusée le 2 septembre 2023
En référence au #07 de l’émission proposé par Patrick Bruneteaux du samedi 02/09/2023 à 14:00
Les thèmes du jour
- La remise en liberté du policier auteur du tir de LBD sur Hedi à Marseille a été l’occasion d’évoquer l’affaiblissement de l’état de droit accompagné de l’augmentation du pouvoir des syndicats policiers et de se poser la question dans le cadre d’une psychanalyse des dominants en recherche de perfection de savoir qu’est-ce qui fait que, quelle que soit l’institution en question, la brebis galeuse est protégée ?
Référence : « Les naufragés et les rescapés – Quarante ans après Auschwitz » de Primo Levi
Référence : « Les rois thaumaturges » de Marc Bloch
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- Ou comment passer d’une république policière à une république fasciste en examinant les niches fascisantes en démocratie avec l’exemple des camps de concentration.
Référence : « Génocides tropicaux – Catastrophes naturelles et famines coloniales – Aux origines du sous-développement » de Mike Davis
Malgré tous les efforts des dominants, le refoulé fait son retour : la démocratie n’existe que par le pillage des colonies.
Référence : « La Françafrique – Le plus long scandale de la République » de François-Xavier Verschave. Dans le cadre d’une analyse du néocolonialisme, les auteurs Jean-François Bayart et Achille Mbembe ont été dénoncés dans leur tentative de nier le phénomène du néocolonialisme.
- Ou comment passer d’une république policière à une république fasciste en examinant les niches fascisantes en démocratie avec l’exemple des camps de concentration.
- L’exemple des terres d’exploitation de l’uranium ayant appartenu aux Touaregs est venu appuyer la démonstration.
- Le sujet a été suivi par la diffusion d’un extrait d’une interview de Guillaume Ancel, écrivain et ancien officier, par un ” journaliste ” chien de garde de FranceInfo suffisamment servile pour reprendre le terme d’épidémie (de coups d’État) employé par Emmanuel Macron au sujet des situations nigérienne et gabonaise.
- La question d’un auditeur a permis d’évoquer le racisme et la raciologie d’état consistant à animaliser ou à médicaliser l’autre pour affirmer que l’impérialisme français dans les DOM et les COM n’est pas du colonialisme.
Référence : « La République impériale – Politique et racisme d’état » de Olivier Le Cour Grandmaison
Il a été démontré comment l’habitus colonial est présent de manière subreptice quand il est question de coup d’état (et pas de révolution) pour que, au final, les dominants invalident l’autre.
Un extrait d’une interview de Hubert Védrine et de Dominique Galouzeau de Villepin a ensuite été diffusé, typique exemple d’idéologie dominante : aucune question posée sur l’hégémonie française au Gabon donnant ainsi une parfaite illustration d’élites africaines toutes pourries (ici celles de l’Union africaine).
- A suivi la diffusion d’un extrait d’une interview de Sophie Vénétitay, professeure certifiée à Montgeron dans l’Essonne, exemple caricatural du « journaliste versaillais petit blond », chien de garde qui outrepasse son rôle de journaliste pour créer le fait – celui de l’autorité notamment -.
- L’émission s’est achevée sur la question de l’interdiction de l’abaya à l’école et le constat que l’extrême-droite a imposé ses thèmes à la droite. Référence : « Avec ceux du FN – Un sociologue au Front national » de Daniel Bizeul
Norbert Elias et Howard Becker ont été cités dans le cadre de la théorie de la labellisation ou de l’étiquetage.
Référence : Howard Becker
Référence : Norbert Elias
Référence : Théorie de l’étiquetageEn effet, les femmes désignées ne sont plus des femmes en tant que telles mais des Musulmanes.Une interview (laborieuse) de Sabrina Agresti-Roubache, la grande copine de Brigitte Macron et accessoirement nouvelle secrétaire d’État chargée de la Ville, a illustré le propos avec le concept à géométrie plus que variable de ” signe ostentatoire par destination “. La réflexion de la sociologie scolaire a montré la violence scolaire de délégitimation d’autrui pour aboutir à la production du sens commun dominant.D’où la question : doit-on aimer cette laïcité-là avec une police du vêtement ?Référence : « La fin des terroirs – La modernisation de la France rurale – 1870-1914 » de Eugen Weber
Référence : « La mafia polytechnicienne » de Jacques-Antoine Kosciusko-Morizet
Références et concepts
[Les références suivantes sont citées dans l’ordre dans lequel elles ont été évoquées au sein de l’émission NDLR]
« Les naufragés et les rescapés – Quarante ans après Auschwitz » de Primo Levi – Arcades – Gallimard – 1989
« C’est arrivé et tout cela peut arriver de nouveau : c’est le noyau de ce que nous avons à dire. »
Primo Levi (1919-1987) n’examine pas son expérience des camps nazis comme un accident de l’histoire, mais comme un événement exemplaire qui permet de comprendre jusqu’où peut aller l’homme dans le rôle du bourreau ou dans celui de la victime.
Quelles sont les structures d’un système autoritaire et quelles sont les techniques pour anéantir la personnalité d’un inpidu ? Quel rapport sera créé entre les oppresseurs et les opprimés ? Comment se crée et se construit un monstre ? Est-il possible de comprendre de l’intérieur la logique de la machine de l’extermination ? Est-il possible de se révolter contre elle ?
Primo Levi ne se borne pas à décrire les aspects des camps qui restaient obscurs jusqu’à aujourd’hui, mais dresse un bilan pour lutter contre l’accoutumance à la dégradation de l’humain.
« Les rois thaumaturges » de Marc Bloch – Gallimard – 1924
De 1944, date de sa mort héroïque, au début des années 1970, Marc Bloch est surtout apparu comme le cofondateur (avec Lucien Febvre) de la revue Annales, qui renouvela la méthode historique, et l’auteur d’une grande synthèse, La Société féodale (1939-1940).
Depuis une dizaine d’années, les historiens et les chercheurs en sciences humaines et sociales pensent de plus en plus que le grand livre de Marc Bloch, c’est son premier vrai livre : Les rois thaumaturges (1924). Il est consacré à l’étude d’un rite curieux : la guérison miraculeuse, par simple toucher des mains, des écrouelles ou scrofules (adénite tuberculeuse).
L’attribution de ce pouvoir aux rois de France et d’Angleterre remonte probablement au XIIè siècle ; elle va durer en Angleterre jusqu’au début du XVIIIè siècle, en France jusqu’en 1825, date du sacre de Charles X. Comment se déroulait le rituel du toucher royal ? Quelle était la vraie nature du pouvoir monarchique : les rois étaient-ils des personnages sacrés, des sorciers faiseurs de miracles ? Pourquoi, enfin, a-t-on cru puis cessé de croire au miracle royal ?
Trois questions qui ont amené Marc Bloch à explorer les chemins de la psychologie collective, des rites et des mythes, des croyances populaires. Pour éclairer le phénomène, il a eu recours à l’anthropologie et à son plus grand théoricien d’alors, James George Frazer, au comparatisme avec les sociétés les plus perses, aux arcanes de la médecine populaire traditionnelle. C’est un jalon essentiel dans l’exploration des mentalités et l’invention d’une anthropologie historique.
Dans son importante préface, Jacques Le Goff s’efforce de préciser les raisons personnelles et les milieux intellectuels qui ont conduit Marc Bloch à écrire ce livre exceptionnel, gros d’avenir, puis à abandonner cette voie, et fait le point sur la situation des Rois thaumaturges dans la recherche historique et anthropologique aujourd’hui, dont ce livre est l’un des phares.
« Génocides tropicaux – Catastrophes naturelles et famines coloniales – Aux origines du sous-développement » de Mike Davis – La Découverte – 2006
À la fin du XIXe siècle, plus de cinquante millions de personnes moururent dans d’épouvantables famines qui survinrent quasi simultanément en Inde, au Brésil, en Chine et en Afrique. Déclenchées par le phénomène climatique aujourd’hui connu sous le nom d’El Niño, la sécheresse et les inondations provoquèrent des épidémies terribles, l’exode des populations rurales et des révoltes brutalement réprimées.
C’est cette tragédie humaine absolument méconnue que Mike Davis relate dans cet ouvrage. Il montre en particulier comment la ” négligence active ” des administrations coloniales et leur foi aveugle dans le libre-échange aggrava de façon meurtrière ces situations catastrophiques.
Ce livre offre une description saisissante des méfaits du colonialisme et de son régime politique et économique. Il présente ainsi un autre regard sur la naissance du tiers monde, en construisant une double histoire économique et climatique du développement qui conduit à penser l’interconnexion des deux grandeurs, naturelles et humaines, dans le cadre de ce qui était déjà, au XIXe siècle, un ” système-monde “.
À bien des égards, Génocides tropicaux ajoute un chapitre important au grand ” livre noir du capitalisme libéral “.
Chercheur indépendant doté d’une grande curiosité interdisciplinaire, figure inclassable de la gauche américaine, Mike Davis est l’auteur de nombreux ouvrages, parmi lesquels, à La Découverte, Génocides tropicaux (2003), Le Pire des mondes possibles (2007), Petite Histoire de la voiture piégée (2012). City of Quartz a reçu le prix du meilleur livre de science sociale américain et, en France, le prix 1998 ” Lire la ville “.
« La Françafrique – Le plus long scandale de la République » de François-Xavier Verschave – Stock – 1998
Attention : c’est un livre en colère.
Plus d’une vingtaine de réseaux politiques, d’officines mafieuses, de filières occultes, se partagent aujourd’hui le gâteau africain. À peine 2 ou 3 % de l’aide publique française au développement sert à lutter contre la pauvreté.
Depuis quarante ans, la politique française en Afrique vise uniquement à exploiter les ressources naturelles et géopolitiques des pays francophones. Les profits sont immenses. C’est pourquoi les armes importent peu : la corruption, le meurtre, la manipulation et la guerre. C’est le plus long scandale de la République.
Aujourd’hui, plus aucune digue ne contient la folie de la Françafrique. Notre pays, soi-disant “partie des droits de l’homme”, a soutenu, au-delà de toute raison, les inspirateurs et les auteurs du génocide rwandais. L’année dernière, la France appelait à l’aide les miliciens serbes de l’épuration ethnique pour défendre le maréchal Mobutu.
Dans les allées du pouvoir, chacun s’est auto-persuadé que “l’Afrique, c’est autre chose”, le pré carré de toutes les compromissions et de tous les coups tordus, un espace protégé où l’impunité est assurée aux puissants. Quels que soient leurs actes.
Pour que chacun sache enfin se repérer dans ce labyrinthe de mensonges, il manquait un livre détaché des jeux d’influence et des informateurs appointés. François-Xavier Verschave l’a écrit, au nom d’une certaine idée de la démocratie et de l’Afrique. Les Français ont le droit de savoir ce que la République commet en leur nom.
François-Xavier Verschave dirige l’association “Survie” qui édite notamment les “Billets d’Afrique” et les “Dossiers noirs de la politique africaine de la France”. “Survie” est considérée, en Afrique et à l’étranger, comme une oasis d’indépendance et d’intégrité.
« La République impériale – Politique et racisme d’état » de Olivier Le Cour Grandmaison – Fayard – 2009
Au tournant du XIXe siècle, les républicains favorables aux conquêtes coloniales ont réussi là où leurs prédécesseurs avaient échoué. Entre 1871 et 1913, les possessions françaises en outre-mer sont passées de moins d’un million de kilomètres carrés à treize millions. Quant aux « indigènes », leur nombre a progressé de sept à soixante-dix millions en 1938.
Extraordinaire expansion. Elle est sans précédent dans l’histoire du pays qui, devenu la seconde puissance impériale du monde après la Grande-Bretagne, est confronté à des tâches multiples et complexes. Comment diriger un empire aussi vaste ? De quels instruments politiques, administratifs, juridiques – le droit colonial par exemple – et scientifiques la métropole a-t-elle besoin pour remplir les missions nouvelles qui sont les siennes désormais ? Quelles orientations – assimilation ou association – mettre en œuvre dans les territoires de la « Plus Grande France » ?
Telles sont quelques-unes des questions auxquelles cet ouvrage entend répondre. En effet, les conséquences de cette construction impériale sur les institutions, la vie politique, l’enseignement supérieur et secondaire, les sciences humaines, qui voient se développer en leur sein des sciences dites coloniales consacrées par la création d’une Académie ad hoc, et la littérature, mobilisée à des fins de propagande notamment, sont nombreuses.
De là le surgissement inédit d’une véritable République impériale dotée de structures perses, qui vivent par et pour les colonies, et d’un espace vital impérial jugé indispensable au développement de la métropole et à la vie de ses habitants.
Pour rendre compte de ce processus complexe et multiforme qui a longtemps affecté l’État et la société civile, nous avons forgé le concept d’impérialisation et eu recours à une approche dédisciplinarisée qui fait appel à de nombreux textes philosophiques, politiques, juridiques et littéraires.
Olivier Le Cour Grandmaison enseigne les sciences politiques et la philosophie politique à l’université d’Évry-Val-d’Essonne. Il a notamment publié Les Citoyennetés en Révolution 1789-1794 (PUF, 1992), 17 octobre 1961 : un crime d’État à Paris (collectif, La Dispute, 2001), Haine(s). Philosophie et politique (PUF, 2002), Coloniser. Exterminer. Sur la guerre et l’État colonial (Fayard, 2005), et, avec G. Lhuilier et J. Valluy, Le Retour des camps ? Sangatte, Lampedusa, Guantanamo… (Autrement, 2007).
« Avec ceux du FN – Un sociologue au Front national » de Daniel Bizeul – La Découverte – 2003
Le Front national est régulièrement dénoncé comme un parti dangereux pour la démocratie, et ses militants sont souvent assimilés à des ” racistes ” ou à des ” fascistes “. Ce jugement laisse pourtant sans réponses des questions qui sont brutalement redevenues actuelles en 2002 : pourquoi une fraction non négligeable de l’électorat accorde-t-elle ses voix aux candidats du FN et à son leader ? Par quels mécanismes une organisation politique aussi combattue peut-elle disposer d’adeptes convaincus ? Comment ceux-ci préservent-ils une image positive d’eux-mêmes ?
De 1996 à 1999, Daniel Bizeul a participé aux activités d’un groupe de militants du FN de la région parisienne. Tirant dans cet ouvrage les leçons de cette expérience singulière, il donne les clés de la force d’attraction de ce parti. En retraçant la persité des trajectoires sociales de ses militants, il restitue les motivations complexes de leur engagement et explique comment ils le vivent et le justifient au quotidien.
Il met aussi en évidence le rôle actif de la propagande diffusée par les cadres dirigeants ainsi que leur capacité à exploiter politiquement le désarroi d’une partie de la population (désespérance sociale, volonté de revanche, sentiment d’injustice, etc.). Refusant, par principe, de céder à la diabolisation, Daniel Bizeul fait ici la preuve que la sociologie peut activement contribuer à comprendre le ” phénomène FN “.
Daniel Bizeul est maître de conférences de sociologie à l’université d’Angers et membre du Groupe de recherche ” École, Travail, Institutions ” de l’université Paris-VIII. Ses travaux antérieurs ont porté, notamment, sur les populations nomades vivant en France, sur l’activité des prêtres en paroisse rurale et sur le rôle de la réflexivité dans l’enquête sociologique.
« La fin des terroirs – La modernisation de la France rurale – 1870-1914 » de Eugen Weber
Voici un portrait saisissant, nouveau, étrange du paysan français du XIXe siècle. Étrange en effet, et étranger, ce ” sauvage ” couchant dans des huttes sur des bottes de fougère, largement illettré, ignorant le système métrique, la monnaie et la langue française, parfois même le plus grand pays au-delà du sien. Les proverbes ce livre en fourmille , les chansons et les contes populaires, les témoignages des contemporains fonctionnaires, magistrats, prêtres, militaires, instituteurs, touristes constituent la palette de l’historien Eugen Weber.
L’un des bénéfices de son approche est de faire apparaître le fossé qui sépare la France des villes de la France des campagnes, et la persité de ces dernières. Fiction d’une nation une et inpisible, qui ne fut réalisée qu’au XXe siècle.
La communauté paysanne n’est pas une non plus. De notables différences existent entre les paysans bretons et ceux du Limousin, de l’Ardèche, des Alpes, du Morvan, des Pyrénées, entre les parlers, les coutumes, l’alimentation, l’habitat, les modes de cultures… Autant de chapitres encore sur les fêtes et les veillées, la religion, l’émigration, la criminalité et la nuptialité, les communications et la politique, les foires et les marchés, la circulation des nouvelles… Une foison de détails tantôt saugrenus, tantôt monstrueux, insoupçonnés.
Weber fait renaître, ce monde disparu. Car le ” sauvage ” s’est urbanisé, civilisé, policé. Il a gagné les villes, parce que c’est là qu’on peut gagner sa vie; et les modes des villes l’ont gagné à leur tour. Les grandes peurs, les anciennes croyances, la misère, les maladies ont reculé. Comment ce monde est-il passé de son isolement à l’ouverture sur l’extérieur, d’une économie de subsistance à une économie de marché, de l’usage de la langue locale à celui de la langue officielle ? Weber analyse les facteurs de changement : la francisation de la France.
Eugen Weber, membre de l’Académie américaine des arts et sciences, est professeur d’histoire à l’Université de Californie (Los Angeles) et connu en France pour de nombreux ouvrages, dont l’Action française (nouv. éd., 1985), Ma France (1991), etc.
« La mafia polytechnicienne » de Jacques-Antoine Kosciusko-Morizet – Seuil – 1973
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